Le Missouri était en passe d’adopter vendredi une loi très restrictive sur l’avortement dans le cadre d’une offensive de nombreux États conservateurs, qui misent sur une Cour suprême remaniée par Donald Trump pour revenir sur ce droit acquis par les Américaines il y a 46 ans.
Le Parlement de cet État rural et religieux du centre du pays a approuvé à une large majorité un texte qui interdit d’avorter après huit semaines de grossesse même en cas de viol ou d’inceste, au nom d’un droit « sacré » à la vie.
La loi prévoit des peines de 5 à 15 ans de prison pour les médecins qui pratiqueront des interruptions volontaires de grossesse (IVG) après cette échéance, mais par pour les femmes.
Le texte doit encore être promulgué par le gouverneur républicain Mike Parson, un farouche opposant au droit à l’avortement qui se félicitait récemment sur Twitter d’avoir réduit de 20 000 à 3000 le nombre d’IVG réalisées chaque année dans son État.
La loi devrait rapidement être invalidée par les tribunaux, car elle est en contradiction avec l’arrêt emblématique de la Cour suprême, Roe V. Wade, qui a légalisé en 1973 le droit à l’avortement.
Mais le but du Missouri est d’intenter plusieurs recours, jusqu’à faire appel à la haute cour pour la convaincre de revenir sur cette décision.
Dans la même logique, l’Alabama (sud) vient d’interdire tous les avortements sauf en cas de danger mortel pour la mère, avec des peines pouvant aller jusqu’à 99 ans de prison pour les médecins.
Malgré les menaces de boycott d’Hollywood, la Géorgie, où ont lieu de nombreux tournages, avait auparavant banni les IVG dès que les battements de cœur du fœtus peuvent être détectés, soit vers la sixième semaine de grossesse, un stade où la plupart des femmes ignorent encore être enceinte.
Depuis le début de l’année, des lois similaires ont été adoptées dans l’Ohio, le Kentucky ou encore le Mississippi.
« Ce torrent de lois extrêmes va probablement continuer », a prédit l’Institut Guttmacher, qui milite pour l’accès à la santé reproductive. Selon lui, plus de la moitié des États américains ont mis en place depuis le 1er janvier des règles limitant l’accès à l’avortement.
« Inaccessible »
« Les États conservateurs sont galvanisés par le président Trump et les changements à la Cour suprême, qui est beaucoup plus sympathique » à leur cause, relève Lawrence Gostin, professeur de Droit à l’université de Georgetown.
Pendant la campagne présidentielle de 2016, le milliardaire républicain avait conquis la droite religieuse en promettant de nommer à tous les niveaux des juges opposés à l’avortement.
Depuis son élection, il a fait entrer deux nouveaux magistrats conservateurs à la Cour suprême, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh, ce qui place les progressistes en minorité (quatre sur neuf).
Le chef de la Cour suprême, John Roberts, qui joue un rôle pivot, est toutefois attaché à préserver « la légitimité de la Cour » et veut éviter qu’elle « ait l’air partisane », estime le professeur Gostin.
Pour lui, il est peu probable que les juges de la Cour Suprême renversent purement et simplement l’arrêt Roe V. Wade. « Mais ils vont essayer de rendre l’avortement plus inaccessible » ce qui in fine, dit-il, risque de pénaliser surtout les femmes pauvres, dans les zones rurales.
Selon un sondage du Centre de recherches Pew datant de 2018, 58 % des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, et 37 % souhaitent son interdiction. Et les différences d’opinion suivent en grande partie les lignes partisanes.
Les candidats démocrates à la Maison-Blanche ont d’ailleurs dénoncé d’une voix quasi unanime l’offensive anti-avortement en cours.
« On va se battre pour protéger les droits des femmes et on va gagner », a ainsi promis la sénatrice Elizabeth Warren.
« Les femmes ne devraient pas affronter ce combat toutes seules », a affirmé le sénateur Cory Booker. « En tant qu’hommes, c’est notre responsabilité d’écouter, parler et agir ».