Seconde partie d’une série de deux.
La 12e édition du colloque « Quelque chose comme un grand peuple » organisé par l’Institut de recherche sur le Québec et le Mouvement national des Québécois qui s’est tenu samedi dernier a permis de constater que les politiques migratoires sont désormais au centre de la réflexion des souverainistes institutionnels.
Ayant comme thème « Après la laïcité : comment se pose aujourd’hui la question de l’identité québécoise ? » l’évènement rassemblait des participants moins disparates et, disons-le d’emblée, plus intéressants que ceux de l’année précédente. Les questions identitaire et linguistique furent au centre des présentations.
La première partie était une analyse critique de la présentation de Mathieu Bock-Côté. Dans cette seconde partie nous analyserons les interventions des autres participants.
L’échec de la loi 101
Frédéric Lacroix, auteur de nombreux articles dénonçant l’anglicisation de la région montréalaise, fit une présentation chiffrée sur l’effondrement du français dans la métropole et ses banlieues et ce, malgré la mise en place de la Charte de la langue française en 1977.
Le fond de son argumentaire réside en une donnée toute simple : malgré l’obligation pour les immigrés d’envoyer leurs enfants à l’école primaire et secondaire francophone, le transfert linguistique des allophones se situe à 55% en faveur de l’anglais. Pire encore, on dénombre un mouvement d’anglicisation des francophones sur l’île de Montréal à une hauteur de 4% par année.
M. Lacroix dévoila également une prévision de Statistique Canada qui envisageait que le scénario d’une immigration zéro (ce qui relève de la pure politique-fiction, Trudeau ayant annoncé l’accueil de 350 000 immigrés par an) aurait malgré tout comme conséquence un recul du français en raison du pouvoir d’attraction de l’anglais pour les allophones. Le panéliste fait ainsi le constat dur mais lucide que Montréal présente toutes les caractéristiques d’une zone francophone hors Québec comme il en existe encore quelques-unes au Canada.
Son constat est sans appel : en terme de démographie linguistique, la sélection de l’immigration francophone fit beaucoup plus pour le maintien du fait français que toutes les lois linguistiques adoptées depuis quarante ans. Il faut donc considérer que la Charte de la langue française fut politiquement double échec puisqu’elle ne parvint pas à endiguer le déclin du français, mais donna également un faux sentiment de sécurité aux francophones.
Le Québec comme État bilingue
L’avocat François Côté, réputé pour avoir mené la charge contre la tentative du Barreau de faire invalider les lois du Québec pour cause de non-conformité avec le bilinguisme canadien, présente un cadre d’action pour faire du français la seule véritable langue officielle du Québec.
Me Côté rappelle que dans le droit, depuis l’arrêt Blaikie de 1981 qui obligea l’Assemblée nationale à traduire ses lois dans les deux langues officielles du Canada, le Québec est de facto un État bilingue.
Trois problèmes résultent de ce bilinguisme imposé par la Cour suprême :
- Problème symbolique : il envoie le message à la population que l’anglais et le français sont deux langues d’égale importance et ce, au plus haut niveau de l’État.
- Problème démocratique : la version anglaise des lois n’est pas débattue. Ce sont donc les traducteurs non-élus de l’Assemblée nationale qui prennent le rôle des législateurs.
- Problème juridique : il en résulte une indétermination sémantique des lois québécoises puisqu’on recense jusqu’à 4 000 divergences entre les versions françaises et anglaises, permettant ainsi de rendre des jugements différents selon la langue empruntée.
Pour remédier au bilinguisme de l’État québécois, Me Côté propose quelques pistes d’action : entamer des discussions avec Ottawa pour changer la constitution de manière bilatérale, modifier la constitution de l’État provincial de manière unilatérale ou encore simplement invalider l’arrêt Blaikie en invoquant les dispositions juridiques du Renvoi relatif à la sécession du Québec.
Dans quelques mois, Me Côté sortira un livre co-écrit avec Guillaume Rousseau – ex-conseiller du ministre Jolin-Barrette pour la loi 21 – détaillant les propositions politiques afin de remédier à ce bilinguisme étatique.
La liberté d’expression sacrifiée au nom des émotions
La présentation du sociologue Stéphane Kelly porte sur le présent climat de censure idéologique qui règne dans le milieu collégial et universitaire québécois. Il fait reposer ce phénomène sur la propagation d’une philosophie de l’éducation valorisant l’estime de soi au détriment des savoirs et de la rationalité, celle-là justifiant la censure des discours jugés stigmatisants par des élèves hypersensibles.
Pour démontrer les effets pervers de cette philosophie de l’éducation, M. Kelly cita l’étude américaine The Triple Package démontrant que le soi-disant « privilège blanc » est une véritable fumisterie puisque les groupes les plus avantagés socialement dans la hiérarchie sociale américaine sont – exception faite des Juifs – tous issus d’une immigration plutôt récente. La performance sociale de ces groupes repose sur une valorisation de l’excellence rendue possible paradoxalement par le faible degré d’assimilation de ces minorités à la société américaine.
Trois facteurs semblent expliquer ce phénomène : le sentiment d’appartenance communautaire, l’insécurité de leur position collective dans la hiérarchie sociale américaine et une forte discipline familiale se traduisant par une culture de l’effort permettant une réussite scolaire exceptionnelle.
Afin de rétablir une liberté d’expression au sein de la société québécoise, M. Kelly termine sa présentation par un vibrant appel à remplacer la culture de l’excuse par celle de l’effort. Nous ne pouvons que souscrire à cet appel au dépassement de soi alors que règne encore au Québec une mentalité misérabiliste fort néfaste pour la nation.
Par ailleurs, il aurait été intéressant d’entendre M. Kelly sortir de la sphère purement sociologique et l’entendre aborder les explications épigénétiques du succès de certaines communautés. Malheureusement, cela sortait de sa sphère de compétence.
La disparition des Canadiens français
L’auteur de l’essai Disparaître ? Afflux migratoire et avenir du Québec, Jacques Houle, fait une présentation sentie dénonçant l’immigration massive que nous subissons en reprenant essentiellement les arguments de son livre.
Les voici : l’immigration est un coût social faramineux vu la surreprésentation des immigrés aux programmes de chômage et d’aides sociales. L’incidence positive sur le PIB est réel mais n’affecte pas positivement le niveau de vie des populations. Bien au contraire, l’effet de l’immigration pour contrer le vieillissement de la population est nul.
Malheureusement, sa piste de solution économique nous semble plus faible, soit augmenter le salaire minimum à 15$ de l’heure, compte tenu de la précarité des petits patrons œuvrant dans les milieux où la demande de main-d’œuvre est la plus grande : hôtellerie, restauration, manufactures, commerce de détail, etc.
Néanmoins, on ne peut que féliciter le courage de cet homme qui ose briser le jovialisme ambiant sur la question migratoire et, qui par sa vie personnelle – il est père de cinq enfants (!) – contribua à freiner le déclin démographique canadien-français.
Affronter le Canada pour remettre en selle le PQ
L’aspirant chef du Parti québécois Frédéric Bastien reprend l’argumentaire de son ouvrage Après le naufrage. Refonder le Parti québécois afin d’exposer son plan de réforme du PQ qui repose sur la relance d’une critique radicale du régime constitutionnel canadien. Il impute principalement les déboires péquistes à la soumission du parti à la logique selon laquelle l’électorat québécois ne s’intéressent qu’aux affaires concrètes de la vie quotidienne et sont lassés des questions constitutionnelles.
M. Bastien croit au contraire que le problème du mouvement souverainiste actuel repose sur le manque d’offre politique proposée à l’électorat indépendantiste. Devant une scène politique ne parlant que des « vraies affaires », le souverainisme ne peut que chuter dans les sondages puisque la dynamique oppositionnelle avec Ottawa s’en trouve réduite à néant.
Il propose donc de relancer une ronde de négociations constitutionnelles en forçant le fédéral à ouvrir la constitution par l’utilisation du Renvoi relatif à la sécession du Québec qui oblige Ottawa à négocier « de bonne foi » avec toute province faisant des demandes constitutionnelles. Il souhaite ainsi sortir le PQ de la simple posture verbale indépendantiste pour l’amener sur le terrain du combat constitutionnel, permettant ainsi d’imposer le débat sur les demandes nationales du Québec face au Canada.
Nous ne pouvons que lui souhaiter la meilleure des chances dans la course à la direction du Parti québécois qui s’annonce très difficile vu les innombrables obstacles que dresseront contre lui les fonctionnaires souverainistes englués dans l’impensé péquiste.
Plaidoyer contre le cours ECR
La professeure de sociologie Joëlle Quérin fait un réquisitoire pour l’abolition du cours Éthique et culture religieuse en démontrant qu’il s’agit d’un véritable programme de rééducation de la jeunesse québécoise en faveur du multiculturalisme canadien. Après une décennie d’enseignement du cours, elle relève que les effets concrets de l’idéologie pluraliste ressortent dans les sondages portant sur la laïcité de l’État : la majorité des 18-24 ans sont désormais opposés à toute règlementation encadrant les signes religieux dans la fonction publique.
Mme Quérin note également la contradiction du présent gouvernement qui impose une loi sur la laïcité tout en laissant la propagande multiculturaliste canadienne se répandre dans les cerveaux de la jeunesse québécoise. Cette absence de cohésion dans la politique menée par la CAQ pourrait lui être fatale puisqu’elle laisse l’école québécoise endoctriner les futurs électeurs qui eux, au final, s’opposeront au legs laïc du gouvernement.
Elle postule également que l’actuel projet de réforme du cours ne fait qu’ajouter l’enseignement de l’athéisme et serait fusionné avec le très controversé cours de sexualité. Bref, sous la CAQ, le cours ECR combinerait l’horrible propagande multiculturaliste avec la catastrophique déconstruction du genre !
Conclusion
Le présent colloque fut surtout une réunion des éléments jugés les plus « conservateurs » du mouvement souverainiste – exception faite de Paul St-Pierre Plamondon qui nous a entretenu de la social-démocratie, de Myriam D’Arcy qui a vanté son programme d’intégration des immigrés et de Claudia Larochelle qui a parlé de la sous-représentation des femmes dans la littérature québécoise.
L’importance accordée aux questions linguistiques, migratoires et identitaires prouve que le débat politique au sein des sphères souverainistes est tranquillement – trop tranquillement – en train de sortir du politiquement correct imposé par la gauche social-démocrate québécoise.
Avec la soumission progressive des souverainistes de gauche au multiculturalisme canadien et le vieillissement des partisans du courant socialisme et indépendance, il y a fort à parier que le renouvellement nationaliste se fera de plus en plus à droite sur l’échiquier politique.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé