Chronique du samedi - 176

Allez la France!

Chronique de José Fontaine


Je n'ai pas nécessairement fait des analyses profondes. Mais ce qui se passe en France me donne l'impression d'une France devenue fragile, mais de la fragilité qui pourrait la rendre plus forte.
Un auteur - Jacques Marseille - vient de faire sortir de presse un ouvrage intitulé De l'usage de la guerre civile en France. C'est vrai que par opposition à ce qui se passe en Wallonie comme en Flandre d'ailleurs, les Français ne nous donnent pas le sentiment de rechercher le consensus, mot qui n'existe qu'en latin dans notre langue. C'est notamment ce que dit Jacques Marseille dans son livre qui vient de paraître à “La librairie académique Perrin” qui résume ce livre ainsi sur son site:
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«Ça va péter!! Ce pressentiment qu'expriment à longueur de conversations les Français démontre qu'ils connaissent leur histoire de France. Des jacqueries médiévales aux guerres de Religion, de la Fronde aux guerres de la Révolution, des journées de juin 1848 aux massacres de la Commune, du désastre de 1940 au 'suicide' de la IVe République en 1958, la guerre civile a bien été le moteur de notre histoire et notre façon d'accomplir les 'ruptures'. De Charles V à Henri IV, de Louis XIV à Bonaparte, de Napoléon III à Charles de Gaulle, elles ont accouché de ces hommes hors du commun qui savent, plus que les autres, prendre le pouls de leur peuple et forcer son destin. En historien, Jacques Marseille nous permet de comprendre les enjeux de ces guerres civiles, d'éclairer celle qui, larvée, se déroule sous nos yeux et d'en comprendre les probables issues. Entre compromis mous, nouvelles désillusions et 'rupture' franche avec un modèle qui appartient au passé, les Français devront rapidement choisir. Nul doute que cette 'leçon' magistrale d'histoire les y aidera.»


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Est-ce un bien, est-ce un mal? Il me semble que l'auteur pense qu'il faudrait plus se concerter en France.
Avec un tempérament plus “tragique” on peut aussi préférer l'idée que la France, comme le disait de Gaulle, est faite pour des “succès achevés” et “des malheurs exemplaires”.
Le maintien du CPE (Contrat d'embauche prioritaire qui permettrait de rassurer les patrons français pour l'embauche de jeunes en leur permettant de licencier les jeunes de moins de 26 ans sans obstacle légal pendant une durée de 2 ans), a suscité en France des grèves monstres et des manifestations auxquelles ont pris part des millions de personnes.
Or, ce soir, le président Chirac a quand même décidé de promulguer la loi même s'il dit aussi qu'elle ne sera pas appliquée et qu'une autre loi plus souple sera votée le plus tôt possible. Tous les syndicats ont mal réagi.
Je pense qu'au-delà de ce CPE, ce que la jeunesse française, les syndicats français et une opinion qui déborde largement la gauche traditionnelle, ressentent, c'est la précarité de la France dans le monde globalisé et européanisé dans lequel nous entrons.
Je ne sais pas si la France doit nécessairement s'y adapter et tolérer par exemple que la Commission européenne communique de plus en plus avec nous en anglais, ce qui, par-delà la langue, est aussi une manière de dire le néolibéralisme.
Martine Dubuisson, journaliste au “Soir” (de Bruxelles), s'est moquée l'autre jour du fait que Chirac était sorti pendant qu'un patron français s'adressait en anglais au Conseil européen (des chefs d'Etat et de Gouvernement). Elle se moquait des Français qui ne peuvent pas accepter (disait-elle) qu'ils ne sont plus une grande puissance. Comme si l'anglais qu'on utilise en Europe était en quoi que ce soit européen ou le signe que l'Angleterre serait restée une super-puissance! Cette langue anglaise n'est pas la langue de l'Europe mais celle des USA, cela fait toute une différence.
Et, en tant que wallon, en tant qu'Européen, je ne voudrais jamais me moquer d'un certain recul de la France parce qu'il est aussi le recul de toute l'Europe et le recul de notre patrie commune, la langue française.
Je ne songe pas seulement à la Wallonie en écrivant ceci ni même à la France seulement ni même à la langue française. Je songe à l'Europe. Je songe à d'Annunzio qui disait que si la France n'existait pas, le monde se sentirait bien seul.
Les millions de jeunes Français descendus dans les rues, je crois profondément qu'ils luttent aussi contre l'abaissement de leur langue, de leur pays et du modèle républicain français, même si celui-ci est trop rigide à mon goût de simple Wallon habitué aux concertations entre organisations sociales et Etat.
Je crois qu'il faut faire l'Europe mais que la manière dont on la fait ne sert plus que les entreprises, les actionnaires des entreprises, la loi unique du profit. Les manifestations françaises contre le CPE sont un prolongement du NON du peuple français de l'an passé.
On pourrait se dire qu'il faudrait se résigner, que la révolte qui gronde en France ne peut pas changer le monde. Mais quitte à être déçu, je parie sur la révolte de la jeunesse française. Beaucoup en ont marre en Europe que l'on construise l'Europe contre les citoyens et pour l'Argent. Beaucoup en ont marre de ces médias français en complète connivence avec l'Argent et qui sont en complète contradiction avec leurs lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. On dit que la France refuse la modernité mais quelle modernité? Celle de la croissance à tout prix et des plans de pension qui ont ruiné des millions de pensionnés au Royaume Uni?
Il y a en France un symbole intellectuel haïssable de ce conformisme et de ce snobisme pro-américain, c'est Bernard-Henri Lévy. Et il y a en Wallonie un anarchiste comme Noël Godin qui choisit parmi les personnalités du monde les plus propres à être entartées (on leur jette une tarte à la crème à la figure selon une technique éprouvée). Je trouve que Godin rate rarement ses cibles, physiquement et moralement: il a même réussi à entarter Bill Gates. Quant à Bernard-Henri Lévy, combien de fois Godin l'a-t-il entarté depuis vingt ans? On ne compte plus, cela doit faire plus de dix fois sinon vingt fois.
J'avoue que pour toutes sortes de raisons, je me sens de tout coeur avec les jeunes Français. J'en connais dans mes cours qui sont désespérés face à la société telle qu'elle va. Hier, ils se disaient ravis que, dans plusieurs entreprises, on était à 100% de grévistes.
Bernanos a dit que lorsque la jeunesse a froid le monde entier claque des dents et c'est pour cela que je suis avec la jeunesse de France, avec la France et avec la République. Donc même si je dois être déçu, je redis comme souvent:
“ALLEZ LA FRANCE!”

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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