ÉLECTRICITÉ

Alcoa avait tous les as dans sa main

Québec sauve l’aluminerie de Baie-Comeau au prix d’un tarif préférentiel renouvelé

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Entre deux maux, choisir le moindre

Québec — En renégociant le tarif d’électricité des trois alumineries d’Alcoa au Québec, le gouvernement Marois a sauvé l’usine vétuste de Baie-Comeau, condamnée par la multinationale américaine. Mais ce sauvetage a un prix : quelque 150 millions par année dans un avenir prévisible.

Toutefois, ce coût est bien théorique puisque, dans l’éventualité de la fermeture de cette aluminerie, Hydro-Québec Distribution, qui est aux prises avec des surplus d’électricité qu’elle ne peut écouler, se serait retrouvée avec 6 TWh d’électricité sur les bras, soit 40 % de ses surplus actuels, et plus de 200 millions en manque à gagner. Et c’est sans parler des 900 emplois d’Alcoa à Baie-Comeau. Au total, la multinationale emploie 3000 personnes au Québec.

« Avec ce qu’on a mis en place, nous avons sauvé l’usine de Baie-Comeau », a affirmé au Devoir la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet.

En vertu de contrats spéciaux, Alcoa payait un tarif de 2,8 ¢ le KWh, mais ce dernier devait être majoré à 4,3 KWh dès cette année, soit le tarif L, dit de grande puissance. Pour les trois alumineries, qui consomment environ 14 TWh par an, il s’agissait d’une hausse de près de 250 millions. Le gouvernement garantit un tarif moyen de 3,3 ¢, mais qui pourra fluctuer en fonction du prix de l’aluminium, la même formule que les contrats secrets signés dans le passé. L’entente s’étend sur 15 ans pour les alumineries de Bécancour et de Deschambault et sur 20 ans pour celle de Baie-Comeau.

En contrepartie, Alcoa s’engage à investir 250 millions d’ici cinq ans, dont 150 millions à Baie-Comeau et 100 millions dans les deux autres usines plus modernes. Les investissements à Baie-Comeau serviront à moderniser l’usine pour répondre aux besoins des fabricants automobiles nord-américains qui ont l’intention d’incorporer davantage d’aluminium dans la construction de leurs véhicules.

En revanche, la promesse d’investir un milliard pour remplacer les vieilles cuves Soderberg à Baie-Comeau, un engagement qu’Alcoa avait pris en 2008, ne tient plus. « Nous pensons que le prix de l’aluminium va se ressaisir et qu’à ce moment-là, dans quelques années, un projet de modernisation pourra redevenir pensable pour Baie-Comeau », a toutefois fait valoir Martine Ouellet.

Les négociations entre le gouvernement Marois et Alcoa ont débuté l’été dernier. Le bureau de la première ministre a pris le dossier en main : le secrétaire général du Conseil exécutif, Jean St-Gelais, et le directeur adjoint du cabinet de Pauline Marois, Dominique Lebel, étaient aux commandes, appuyés par les hauts fonctionnaires des Finances et des Ressources naturelles et par la haute direction d’Hydro-Québec.

La ministre a reconnu que d’autres alumineries, alléchées par le tarif consenti à Alcoa, cognent déjà à la porte du gouvernement. Le bal est parti. « On est déjà en discussion avec l’ensemble des alumineries », a révélé Martine Ouellet. On pense à Alouette, qui paie le tarif L, mais aussi à Rio Tinto Alcan, qui produit elle-même son électricité mais qui pourrait avoir besoin de l’électricité d’Hydro-Québec pour ses projets d’expansion.

Hydro-Québec a des surplus d’électricité que les marchés d’exportation ne peuvent totalement absorber et qui se vendent à des prix déprimés. Le prix qu’obtient Hydro-Québec aux États-Unis est passé d’un sommet de 9 ¢ en 2008 à 4,06 ¢ en 2012, ce qui couvre à peine le coût d’approvisionnement. « Nous voulons utiliser les surplus pour le développement économique », a dit la ministre, qui a cité l’exemple de l’entreprise espagnole FerroAtlantica qui a annoncé un investissement de 350 millions au Québec et qui jouira d’un tarif préférentiel pour son approvisionnement en électricité.

En ce qui a trait à la transformation, le dada de la ministre, Alcoa s’engage à peu de choses : la poursuite du développement d’une batterie fonctionnant à l’air et à l’aluminium avec son partenaire Phinergy et 22 millions pour des plaques d’alliage destinées à l’industrie automobile.

Pour l’analyste du secteur de l’énergie Jean-François Blain, le gouvernement n’avait d’autre choix que de consentir une baisse de tarif à Alcoa. « Entre deux maux, il a choisi le moindre », juge-t-il. La fermeture des trois usines aurait été « catastrophique » pour Hydro-Québec, croit-il. Déjà, les surplus d’électricité coûtent à Hydro-Québec Distribution 11 % des tarifs qu’elle impose aux consommateurs québécois, a calculé Jean-François Blain.


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