Le 18 septembre 2001, une semaine après les attentats du World Trade Center, nous avons lancé tous les deux le mouvement contre la guerre en Afghanistan en organisant à Montréal la première marche, silencieuse, afin de souligner notre solidarité envers les personnes endeuillées et d’exprimer notre désaccord face à la possibilité d'une attaque contre l'Afghanistan.
Cette marche donnera le départ d'un vaste mouvement au Québec qui est devenu « Échec à la guerre ». Nous étions alors opposés à cette guerre et notre sentiment ne s'est que renforcé depuis.
Voici pourquoi.
De nombreux défenseurs de l'invasion de l'Afghanistan ont invoqué la défense des femmes et des enfants qui vivaient dans des conditions excessivement difficiles sous le régime des Taliban. Combien de fois avons-nous entendu que nous ne pouvions laisser tomber ces pauvres victimes innocentes?
Voici la réalité.
Depuis des années, des ONG tentaient de mobiliser les pays occidentaux sur le sort de ces femmes et de ces enfants et demandaient de l'aide des gouvernements afin de pouvoir aider ces victimes innocentes.
La réponse jusqu'au 11 septembre 2001 a toujours été une totale indifférence. En août 2001, des représentants du gouvernement des Taliban étaient même reçus à la Maison Blanche afin de discuter d'un projet de pipeline sur le territoire afghan avec des représentants du gouvernement américain et la compagnie Unocal, dont le représentant était Amid Karzaï, qui deviendra plus tard, comme par hasard, président de l'Afghanistan.
Nous nous souviendrons toujours des entrevues que Mme Laura Bush donna à tous les médias avant les attaques en Afghanistan. Telle une bonne maman, elle plaidait l'invasion « humanitaire » de ce pays afin que l'on puisse venir à la rescousse de ces femmes et enfants qui souffraient tant. Comment pouvions être opposés à une telle « aide »? Comme disait l'humoriste française Anne Roumanov : « On vous tue, mais c'est pour votre bien! »
Quelques mois plus tard, après avoir bombardé les quelques rares bâtiments qui tenaient encore debout dans ce pays en ruine, les Américains s'en allèrent préparer leur nouvelle campagne de désinformation afin d'attaquer l'Irak. Soudainement, ces femmes et enfants qu'ils venaient « aider » n'avaient plus aucune importance. Pour ajouter à leur malheur déjà incommensurable, on les laissait tomber de nouveau maintenant qu’ils avaient rempli leur mandat : émouvoir l'opinion publique.
Sur le terrain, les ONG qui au début avaient cru que cette invasion pourrait peut-être avoir des effets bénéfiques, déchantaient. Si des progrès étaient faits ici et là, la plupart du temps, l'aide promise ne venait pas, était détournée ou sabotée; la situation des infrastructures sanitaires déjà précaire avait empiré avec les bombardements; la culture du pavot, éradiquée sous les Taliban, avait repris de plus belle. Aujourd'hui, ce pays produit environ 90 % du pavot nécessaire à la fabrication de l'opium et de l'héroïne de la planète.
7 ans plus tard...
Qu'avons-nous accompli après 7 ans?
– Nous soutenons un gouvernement corrompu dont plusieurs des représentants détournent les fonds reçus, à un point tel que le président Obama refuse de le soutenir publiquement.
– Les ONG ne peuvent à peu près plus aider les femmes et les enfants dans la plupart des régions de ce pays, car elles sont maintenant la cible d'attaques.
– Les Talibans sont bien installés, avec l'aide du Pakistan voisin, dans de nombreuses régions du pays.
– Les problèmes de drogues ont explosé.
– La production et la vente de cette drogue apportent des fonds quasi illimités aux insurgés.
– Comme nous n'avons pas tenu parole envers nombre d'agriculteurs qu'on avait promis d'aider, ces derniers doivent cultiver ce pavot pour vivre.
– Le gouvernement « démocratique » afghan condamne à mort des journalistes qui osent questionner ses politiques.
– Les hommes au pouvoir traitent encore et toujours les femmes et les filles de façon totalement inacceptable; les exemples de justice tribale d'une barbarie incroyable ne manquent pas.
– Pour chaque dollar d'aide humanitaire, nous en dépensons dix en militaire.
–Nous envoyons nos soldats là-bas qui, bravement et avec résignation, vont risquer leur vie pour une cause qu'ils savent injuste. Pour en avoir discuté avec de nombreux soldats, qui ne pourront jamais le dire publiquement, nous pouvons confirmer qu'ils sont bien conscients que, contrairement à leur discours, les gouvernements libéral et conservateur ne les ont pas appuyés; ils les ont simplement utilisés comme monnaie d'échange géopolitique...
C'est pourquoi plus que jamais nous nous opposons à cette guerre qui a fait reculer à bien des égards l'Afghanistan. Nous avons démoli à cause de notre irresponsabilité le travail admirable que de nombreuses ONG avaient mis des années à bâtir. Avant que ces dernières puissent retourner sur le terrain dans de nombreuses régions, des années risquent de passer.
Il est temps que nous prenions tous conscience de l'hypocrisie et de la manipulation médiatique du gouvernement conservateur qui « glorifie » une invasion qui ne sert aucune cause juste.
À la fois par principe et par pragmatisme, il est temps de retirer les troupes et de commencer à réellement aider les Afghans, diplomatiquement et humanitairement. M. Obama souhaite que nous aidions? Faisons-le pacifiquement, c’est la seule solution.
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