Si M Schreiber veut éviter la déportation vers l’Allemagne, son compagnon de danse ne peut être que le gouvernement Harper. Et sa déclaration à l’effet que l’entente avec Mulroney était de 500 000 $ – dont 300 000 $ ont été versés – pour des services futurs et non des services rendus démontre qu’il s’est entendu avec le gouvernement Harper pour une sortie de crise.
On ferme avant de l’ouvrir la boîte de Pandore
S’il affirmait que les 300 000 $ étaient – comme tout le monde le soupçonne – un pot-de-vin pour des services rendus lors du contrat d’achat de 34 avions Airbus par Air Canada, on ouvrirait une boîte de Pandore. Comment le trafic d’influence s’est-il exercé? Qui d’autres étaient dans le coup? Cela justifierait amplement la tenue d’une commission d’enquête.
Mais, en affirmant que les 300 000 $ ont été versés pour des services futurs – soit la construction d’une usine de véhicules militaires – et qui, en plus, ne se sont pas matérialisés, les dégâts sont circonscrits à M. Mulroney. C’est très habile.
M. Mulroney va devoir expliquer quelques petites contradictions dans ses témoignages précédents, mais le gouvernement Harper va s’en tirer.
Les Conservateurs tirent les ficelles
D’autant plus qu’il n’y a que le NPD qui semble tirer profit de l’affaire Schreiber. La caution de 100 000 $ déposée par Marc Lalonde pour Schreiber rappelle aux Libéraux qu’ils sont mieux de ne pas trop remuer de boue.
Quant au Bloc, il ne sait pas trop sur quel pied danser. Si le Canada anglais s’acharne trop sur Mulroney – un p’tit gars du Québec – la réaction des Québécois est difficile à prévoir.
De toute façon, pour occuper le Bloc et le détourner de l’affaire Mulroney, Schreiber vient de lui jeter en pâture sa contribution de 30 000 $ à la campagne électorale de Jean Charest lors de la course à la chefferie du Parti Progressiste-Conservateur.
Les Conservateurs vont laisser encore un peu de glace au NPD, calculant que les gains que leur prestation dans cette affaire pourrait leur rapporter se feront au détriment des Libéraux en Ontario, mais aussi au Québec. Du moins, le NPD l’espère, comme en témoigne la place importante accordée à Thomas Mulcair, qui rejète complètement dans l’ombre au Québec son chef Jack Layton.
Gesca à la rescousse
Pour se tirer de ce guêpier, Stephen Harper a nommé un conseiller spécial qui doit lui remettre bientôt son rapport. Parions qu’il ne retiendra pas l’idée d’une commission d’enquête.
D’ailleurs, les éditorialistes et les chroniqueurs de Gesca sont en train de préparer l’opinion publique en ce sens. Déjà, les vieux routiers Lysiane Gagnon et André Pratte s’étaient prononcés [contre la tenue d’une commission d’enquête->10299].
Le même jour, le 20 novembre, André Pratte titrait son éditorial « Dehors, M. Schreiber! » et Lysiane Gagnon sa chronique « Harper a perdu les pédales ». Pratte jugeait que « M. Schreiber devrait être expulsé dès que ce sera légalement possible ». Quant à Lysiane Gagnon, elle conseillait à Harper de se référer à Jean Chrétien! « Comme le signalait judicieusement l'ex-premier ministre Jean Chrétien le week-end dernier, M. Harper n'avait qu'à demander à la police de faire son travail. »
Boisvert aurait dû écouter Lysiane et André
Mais un jeune chroniqueur comme Yves Boisvert salivait déjà à la tenue d’un remake de la Commission Gomery.
Le 23 novembre, il exprimait son désaccord avec son « boss » André Pratte et, bien qu’ayant qualifié Schreiber de « fripouille », il s’opposait à son expulsion. « Cela n'a rien à voir avec la moralité du témoin. Que ça nous plaise ou non, on a besoin de son témoignage. Si les commissions d'enquête devaient se passer des témoins de mauvaise réputation, elles ne serviraient pas à grand-chose », écrivait-il
Il faut dire qu’une semaine plus tôt, il avait déjà donné ses « recommandations » sur le juge, le nombre de procureurs, le budget, la durée et le mandat d’une éventuelle commission d’enquête.
Dans sa chronique du 14 novembre, il écrivait : « Il faut un juge d'envergure, qui a du leadership, avec une autorité morale impeccable (du genre de Dennis O'Connor, ou John Gomery), préférablement bilingue, qui a l'expérience de la cour et aucun lien avec M. Mulroney ni ses ennemis. »
« Celui-là, ajoutait-il, choisira son procureur-chef et des adjoints. La commission Gomery comptait 14 avocats. Il en faudra moins. »
« Gomery a coûté 35 millions, précisait-il. Comptons ici au moins 10 millions, plus probablement de 20 à 25 millions et au moins un an et demi (Gomery deux ans). »
« Le mandat? Revoir l'enquête sur l'affaire Airbus, les allégations concernant M. Mulroney, ses liens avec l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber, le témoignage de M. Mulroney en 1996, la validité de la transaction de 2,1 millions, et le comportement du gouvernement conservateur présent ». Rien de moins !
Mais, celui qu’il qualifiait de « fripouille » n’a eu qu’à modifier son témoignage pour que Boisvert abandonne l’idée d’une commission d’enquête.
Dans sa chronique du 5 décembre, intitulé « Et maintenant, on enquête sur quoi? », il écrit : « Sur quoi pourra-t-on encore enquêter, quand le délateur-vedette nous dit qu'il n'y a pas eu de crime? Et qu'il a déjà expliqué la raison de ces versements louches? »
Mais oui, si la « fripouille » le dit, pourquoi enquêter ? Fermons les livres ! Et dire que c’est là le propos du spécialiste des questions judiciaires du journal La Presse !!!
Un conseil, M. Boisvert : la prochaine fois, écoutez dès le départ Matante Lysiane et Mononcle André. Ça vous évitera d’avoir l’air fou.
Pendant ce temps, Karlheinz Schreiber a évité l’expulsion, a quitté sa cellule et prépare au chaud ses prochaines comparutions. Et Stephen Harper prépare ses élections.
Mais, la boîte de Pandore est-elle vraiment fermée ?
P.S.
L'affaire Airbus ayant refait surface lors du témoignage de Schreiber du jeudi 7 décembre, notre ami Boisvert revient avec l'idée d'une commission d'enquête dans sa chronique du vendredi, 7 décembre!! Il écrit: « Quelle que soit la suite parlementaire maintenant, tenons ceci pour acquis: si jamais on peut aller au fond de cette affaire, ce qui n'est pas garanti, ce sera bel et bien devant une commission d'enquête.»
Remarquez que sa foi en une commission d'enquête pour « aller au fond de cette affaire » est chancelante. Il se garde une porte de sortie. Mais, on a quand même envie de lui dire: Branche-toi, chose !
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