Il aura fallu 37 ans pour corriger une erreur d'évaluation grossière commise par un gouvernement fédéral qui se croyait tout permis dès lors qu'il était question d'exercer ses prérogatives. Hier, le premier ministre Stephen Harper a poursuivi l'oeuvre correctrice entreprise par un précédent gouvernement conservateur en rétrocédant 11 000 acres de terres expropriés en 1969 par Pierre Elliott Trudeau dans le but de construire l'aéroport de Mirabel.
Jamais au fil des ans un seul ministre libéral à Ottawa n'a été en mesure de justifier l'expropriation de 97 000 acres de terres agricoles pour construire un aéroport. Encore hier, le jeune chef libéral, Stéphane Dion, a répété les âneries de ses prédécesseurs Chrétien et Trudeau en affirmant qu'il s'opposait à la rétrocession parce qu'il fallait d'abord penser au développement. Quel développement? Mirabel est l'un des plus gros éléphants blancs de l'histoire canadienne, et ce fiasco, c'est à son parti qu'on le doit.
Arrêtons-nous un instant sur l'ampleur du désastre: pour construire un aéroport de calibre international, il fallait trouver entre 5000 et 8000 acres de terre, soit tout au plus 7 % du territoire qui a été exproprié par la suite. Ce que l'on a enlevé de force aux 3126 familles qui habitaient les 12 villages à présent regroupés sous le nom de Mirabel, c'était plus que l'île de Laval au complet et autant que 80 % de l'île de Montréal. Depuis ce temps, la plus grande partie de ces terres a conservé sa vocation agricole, mais comme le locataire d'une terre n'y investit jamais autant qu'un propriétaire, la région a quelque peu perdu son âme.
Les politiciens fédéraux croyaient sans doute à l'avenir de cet aéroport puisqu'ils imaginaient des millions de visiteurs de plus par année foulant le sol de Mirabel. Pourtant, au même moment, ce gouvernement mettait en place les conditions objectives pour que ce soit Toronto qui devienne la nouvelle plaque tournante du transport aérien au pays.
Malgré la pression intense des expropriés, il a fallu attendre le début des années quatre-vingt pour que les libéraux acceptent, enfin, d'envisager, en paroles seulement, la rétrocession d'une petite fraction des terres à leurs anciens propriétaires. C'est Brian Mulroney qui passa aux actes quelques années plus tard, en 1985, revendant 80 000 des 97 000 acres aux expropriés. Malgré la complexité de l'opération, celle-ci fut conduite rondement, sans conflit majeur.
Cette semaine, c'est un autre conservateur qui met fin à la saga et restitue à l'agriculture la presque totalité des terres non utilisées par le complexe aéroportuaire.
Pour le maire de Mirabel, M. Hubert Meilleur, qui souhaitait récupérer 2000 des 11 000 acres rétrocédés pour agrandir son parc industriel, la décision constitue un affront aux Québécois puisqu'elle empêchera le retour éventuel de l'aéroport international à Mirabel. En fait, le rêve du maire est plutôt d'accélérer le développement industriel et résidentiel d'une région dont la vocation est pourtant toujours agricole. De toute façon, il existe suffisamment de terres disponibles pour le développement industriel et résidentiel autour de Montréal. Les terres de Mirabel doivent retourner à leurs anciens propriétaires ou à ceux qui les exploitent depuis des décennies, pas à la municipalité de Mirabel ni à quelque autre gouvernement, entreprise ou développeur immobilier.
En rétrocédant les 11 000 acres excédentaires aux installations aéroportuaires, le gouvernement Harper a raison de conclure à la correction d'une erreur historique des libéraux. Il arrive si rarement dans l'histoire que l'on puisse ainsi revenir en arrière sans pénaliser qui que ce soit pour une fois que c'est possible, réjouissons-nous de cette décision!
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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