Lettre ouverte à Marc Labrèche

3 600 secondes ponctuées de balbutiements d'anglais superflus

Radio-Cadenas et son service français très ouvert à l’anglais

Tribune libre

J’écoutais l’émission de Marc Labrèche jeudi soir passé sur les ondes de la société des tas commandités d’Ottawa. Parfois drôle, je dois avouer que je ne regarde pas très souvent cette émission de M. Labrèche qui semble avoir développé une certaine variante d’une pathologique franglophone qui le fait passer du français à la béquille de l’anglais pour marquer son humour devenu bien singulier. Ça semble s’aggraver d’émission en émission. Lors de l’émission de jeudi passé, il était question, entre autres, du système de santé au Québec: «Poursuite de 47 million$ contre le CHUM. Ah, ah, ah ah, ça, ça fait de la peine, c’est les dirigeants du CHUM qui doivent être déçus. Parce que, jusqu’ici là, le CHUM, ce projet là allait très bien. Un parcours sans aucune embûche, vraiment une trajectoire impeccable. Un… Un… Un... ça». Le téléphone sonne tout à coup et M. Labrèche prend le combiné: «Excusez-moi, oui allo. Quoi? Vous m’avez livré par erreur un «container» de «bullshit». Il était destiné à monsieur le maire Gérald Tremblay qui doit prononcer un discours sur l’excellent progrès des travaux dans les rues de Montréal. Ah, ah, quelle méprise! Je raccroche».
Après quelques observations sur une mise en scène habile impliquant une perceuse électrice reliée à une calculatrice, M. Labrèche revient sur le CHUM en déclarant «N’empêche, la construction du CHUM à Montréal, ça va pas ben. Et comment le sais-je, sais-je? Mais grâce à… à mon reporter, la petite Donna la culturiste. On l’écoute».
«Bonjour, aujourd’hui c’est un grand jour. Je vais à l’hôpital visiter ma maman qui va avoir un bébé. Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Ma nouvelle petite sœur. Ah, peux-tu dire «je l’aime déjà»? «I hate the bitch». Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Bravo. Alors, maintenant, aide-moi à trouver l’hôpital. Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Bravo. C’est effectivement le site du futur CHUM. Mais il ne sera pas terminé avant 2050. Ahhhhh. Peux-tu dire: «le gouvernement prend son temps afin de construire un centre hospitalier de qualité pour les montréalais». «They don’t give a shit». Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Bravo. Ma maman va donner naissance dans un hôpital déjà existant. Peux-tu m’aider à le trouver. Non, ça c’est le plateau de l’émission Trauma. Peux-tu dire: «pure science fiction»? Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Bravo. Allez, continue de chercher l’hôpital. Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii … Bravo. Tu as trouvé l’hôpital. Peux-tu dire: «this is a fucking joke». Ouiiiiiiiiii hiiiiiiiiii hiiiiiiiiii… Bravo. Allez, chante avec moi lorsque je me dirige vers l’hôpital…».
Je vous ferai grâce de ne pas transcrire intégralement le reportage bilingue de Donna la culturiste. M. Labrèche aborde par la suite le thème de l’automne qu’il présente comme une manchette d’actualité. Pour l’automne, M. Labrèche se met à la tâche de créer un centre de table «NEWS» en étalant du foin sur la table et en plaçant un petit mannequin représentant Charles Aznavour afin de donner une atmosphère conviviale aux rencontres. Plus tard, il met le feu à une brassière pour éclairer l’intérieur d’une citrouille et ce, dit-il, pour impressionner les amies féministes. Quelques instants après, M. Labrèche suggère de recevoir les amis écologistes avec de la fondue au fromage dans une tuque péruvienne, tout en présentant ses collaborateurs, Pierre Brassard et André Sauvé, qu’il reçoit après la pause. Il conclut, avant la pause, «Ah, tout cela et tellement plus encore dans un gargantuesque banquet de «oh yeah, come on, come on, do it, come on, give me more, give me more»; qui vous fera déclarer «je t’avais dit de coucher les enfants pendant le début de c’te «show» là».
Je n’ai pas écouté la suite de l’émission, ayant autre chose à faire. Ceci dit, deux ou trois petites questions à M. Labrecque. Il faudrait m’expliquer s’il y a une valeur ajoutée en humour qui vaille l’imposition de ces mots et de ces bouts de phrases en anglais dans une émission humoristique censée être en français? Je vais vous confier quelque chose d’assez élémentaire puisqu’on y est, ces mots peuvent être très bien dits dans notre langue, imaginez ça? Je vous assure qu’il n’y a pas tellement d’effort à faire pour trouver des mots convenables pour les traduire. Je tiendrais à ajouter que s’exprimer dans sa langue n’est pas un handicap humoristique. Enfin, est-ce que la maison de production mandatée par Radio-Cadenas vous paye votre cachet au prorata du nombre des mots en anglais que vous prononcez lors des enregistrements de vos émissions?
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Un peu plus tôt en fin d’après-midi jeudi, j’écoutais l’émission de Désautels à la radio en me déplaçant pour faire des courses. On y rapportait que les chercheurs se sont rendu compte, en examinant les résultats du recensement de 2006, que le nombre de personnes de langue maternelle française est tombé sous la barre des 50 % sur l'île de Montréal.
De plus, une autre étude très contestée de l'Institut de recherche sur le français des Amériques, commandée par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), développe la thèse selon laquelle les francophones qui poursuivent leurs études dans un cégep anglais ont de fortes chances d'en sortir anglicisés.
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À l’émission Tout le monde en parle, le site internet de l’émission nous décrit ainsi la visite de M. Curzi et de Mme St-Pierre sur leur plateau: «Pour défendre l'importance de la place du français au pays, la ministre Christine St-Pierre et le député Pierre Curzi n'utilisent pas la langue de bois. Après l'adoption sous bâillon de la loi 115, on s'interroge sur le choix qu'ont réellement eu les parlementaires dans ce dossier chaud. Si l'une parle de progression et d'ouverture sur le monde, et l'autre de régression et de glissement vers l'anglicisation, tous deux se rejoignent avec passion sur la défense cruciale de notre langue».
Le débat entre M. Curzi et Mme Saint-Pierre n’est pas disponible sur le site internet de l’émission. Pour ma part, j’ai vu l’émission et la ministre est vraiment aller chercher ça loin quand elle se voyait de la même lignée de pensée que Camille Laurin et René Lévesque. Face au discours un peu timide d’affirmation majoritaire de P. Curzi qui jouissait d’une foule très sympathique, Mme St-Pierre répétait les mêmes âneries en affirmant à nouveau que la loi 115 ne serait pas abrogée, quoiqu’en dise le PQ.
Le point fort de cette émission, c’est quand l’auteure Marie Laberge a lancé à la ministre St-Pierre «Je vous cherche et je ne vous trouve pas, et ça m’irrite. Dites-moi le fond de votre cœur. Moi je trouve que c’est une solution terrible de passer une loi sous un bâillon, quel que soit la loi et quel que soit son sujet. Pour moi, c’est un échec parlementaire». Sonnée, la ministre totalement irresponsable de l’application de la Charte de la langue française a simplement répliqué dans son jargon robotique du PLQ que la date butoir du 22 octobre justifiait l’utilisation du bâillon. Bien dressée, cette ministre, depuis ses années à l’université de Moncton et en tant que correspondante étrangère à Ottawa.
L’émission de Guy-A. Lepage a également fait la promotion de Jessica Paré, une ancienne résidente de N.-D.-G. Je gagerais qu’elle a fréquenté le cégep Dawson. Elle est devenue actrice de série télévisée en Californie. Sur le site de l’émission TLMEP, elle est décrite comme étant «La fille la plus chanceuse d'Hollywood. La Montréalaise Jessica Paré sait qu'elle fait des jalouses en ce moment! La belle actrice a décroché un rôle important dans la série culte Mad men, où elle joue au bras du personnage principal et tombeur de ces dames, Don Draper. Ses débuts difficiles lui ont pourtant fait prendre conscience très tôt de la fragilité d'un tel succès: elle ne tient rien pour acquis et espère revenir jouer dans la Belle Province».
Jessica Paré est destinée à une assimilation complète au vedettariat californien et je doute vraiment qu’elle espère vraiment revenir jouer au Québec. Je pense que pour elle, ça serait le scénario du dernier recours. Qu’elle repose en paix.
Daniel Sénéchal
Montréal


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    26 octobre 2010

    Monsieur Sénéchal.
    J'ai, comme vous, regardé quelques minutes de 3600 secondes d'extase. Je ne trouve rien d'intéresant dans les simagrés de monsieur Labrecque qui semble le seul à se trouver comique et dont l'humour consiste, pour l'essentiel, à prendre des poses et à se regarder être drôle. Rire lui-même ses farces plates occupe une bonne partie de l'émission et dire des niaiseries que même un enfant du primaire n'arrive pas trouver drôles en constitue le restant.
    Pour ma part, cette émission est une insulte à l'intelligence.
    Claude G. Thompson