2008 a marqué l’histoire humaine de façon profonde. C’est l’année qui a
donné le coup d’envoi de la fin de notre système économique.
La date que les livres d’histoire retiendront sera le 15 septembre 2008
date à laquelle la banque américaine Lehman Brothers s’est placée sous la
protection de la loi américaine dite du Chapitre 11 (mise en faillite),
détruite par la crise des subprimes (prêts hypothécaires US).
Un krach boursier mondial a suivi, avec une baisse générale d’environ 45%
des indices boursiers mondiaux en trois mois. Il est le signal de départ
d’une crise systémique, une crise du système dans son ensemble qui a
abandonné tout contrôle, et laissé libre cours à tous les excès. Jacques
Généreux, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris résume cette
déréglementation : « Ce n'est pas la finance qui est devenue folle, c'est
l'État américain qui l'est. Il l'a laissée prospérer et elle risque de tout
emporter! Il joue l'État pompier, alors que c'est lui l'incendiaire ».
La SEC (security and Exchange Commission) mise à mal par l’administration
Bush (suppression de 146 postes sur 147 chargés des contrôles des CDS qui
représentent 62 000 milliards de dollars), nous apprend que les pots de vin
représentent une somme totale de plus d’1,4 milliard de dollars distribués
à des officiels dans le monde entier. Elle n’avait rien vu venir concernant
l’affaire Madoff qui a révélé une fraude de 50 milliards de dollars.
Mais derrière cette analyse se cache une crise bien plus profonde, celle
d’ « une société propulsée par le double moteur du consumérisme et de
l’endettement » comme le résume Zygmunt Bauman philosophe et sociologue à
l’université de Varsovie. Ainsi, depuis 2000, la dette totale des ménages
américains a augmenté de 22 %, une catastrophe !
Est-ce comme l’annonçait Joseph Schumpeter, économiste remarquable, « la
fin du capitalisme » ?
Ce qui est certain, c’est que la crise (qui ne fait que commencer) va être
terrible et tout emporter. Les premières émeutes ont commencé en Grèce que
le quotidien The Independant appelle « les premières émeutes du
resserrement du crédit ».
Le choc économique en cours a donc eu son premier mort à Athènes : Alexis
Grigoropoulos.
Un poème manuscrit intitulé « Nous voulons un monde meilleur » distribué
lors de son enterrement est devenu le slogan de toute une jeunesse
condamnée à gagner 600 euros par mois. La destruction des salaires et des
retraites (15 millions de britanniques n’auront pour vivre que 560 livres
par mois) face à l’insolence des revenus des grands patrons ne peuvent que
conduire au pire.
En France, la révolution de 1789 a eu pour point de départ une grave crise
financière qui a conduit Louis XVI à convoquer les Etats-Généraux. Il
déclarait ainsi le 27 avril 1789 :
« Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à
surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons, relativement à
l'état de nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre
constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui
intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de notre royaume. »
Nous sommes en effet en 1789, un point de rupture majeur entre les élites
et le peuple qui prend de plus en plus conscience qu’il devra payer
l’addition salée de cette crise provoquée par le Gotha de la finance. Les
politiciens de tout bord nous ont abandonnés car ils ne sont que les
laquais de ce système et ils feraient bien de relire cette phrase de
François de Salignac de La Mothe (1651-1715) dit Fénelon "Les chaînes d'or
ne sont pas moins chaînes que les chaînes de fer."
***
Se révolter donc, mais quoi faire, aller dans la rue, tout casser ? Nous
savons où cela conduit. Toutes les révolutions se sont terminées en
dictatures car, au final, l’ordre l’emporte sur le chaos (Ordo ab Chaos
pour les initiés). 1789 a eu pour résultat Napoléon, la révolution Russe,
Staline, la révolution Spartakiste (de novembre 1918 à Berlin), Hitler,
l’expérience anarchiste de Barcelone, Franco, la révolution chinoise, Mao.
Je viens de résumer, la révolte nous pousse dans les bras de monstres.
Alors que faire ?
Il y a cependant un espoir. La démocratie n’est pas encore morte car elle
possède un outil puissant : le web. En effet, peu importe nos origines,
notre argent, derrière notre clavier nous sommes tous égaux et seule la
culture, l’intelligence peut nous départager. Nous pouvons ainsi nous
associer et échapper à tout contrôle. La clé de la révolte à venir est là,
il faut laisser de côté nos divergences, nous associer et créer « un monde
meilleur ».
Nous pouvons le faire !
Les révolutionnaires francs-maçons nous ont laissé un texte magnifique :
la déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais ils ont oublié
l’essentiel, ils ont oublié de créer ce que Paul Jorion (économiste et
anthropologue) nomme « une constitution pour l’économie ».
La catastrophe économique en cours est un véritable tsunami qui va tout
emporter. Les guerres ont commencé et le massacre à Gaza n’est que l’acte I
de catastrophes à venir.
Notre liberté et l’ensemble de l’espèce humaine sont en danger. Nous
devons laisser de côté tout ce qui nous divise (religion, opinions
politiques) et nous unir afin de changer le cours de l’histoire.
Le capitalisme et le communisme ont échoué. Nous sommes face au vide.
J’appelle donc à la création des Etats Généraux de l’économie et de la
finance. Une réflexion mondiale doit être organisée afin de doter
l’humanité d’une « constitution pour l’économie » qui doit avoir comme
postulat central que la monnaie est un bien commun au même titre que l’air
et l’eau. Nous avons l’opportunité historique de changer un monde qui ne
rend personne heureux (ni l’oppresseur, ni l’opprimé). La révolution des
communications peut nous rendre libres mais aussi nous emprisonner, c’est
pourquoi nous devons organiser rapidement des comités de réflexion partout
où cela est possible : blogs, sites internet, universités, grandes écoles.
Des comités de lecture doivent synthétiser les informations. Chaque point
de la constitution doit ainsi être discuté au même moment et partout dans
le monde, une synthèse doit en ressortir qui sera, elle aussi, soumise à
discussion.
Un comité de « sages » doit organiser le débat et soumettre les points à
aborder qui doivent être définis collectivement. Le travail sera colossal
mais nous n’avons plus le choix, la liberté est au bout.
Nous sommes à la croisée des chemins et il n’existe malheureusement que 2
solutions : « un système plus égalitaire et redistributif » ou bien « un
système plus violent que le capitalisme »
Je reprends ainsi l’analyse d’Immanuel Wallerstein, chercheur au
département de sociologie de l’université de Yale.
Albert Einstein résume ainsi notre situation : « Le monde est dangereux à
vivre. Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui
regardent et laissent faire ».
Bonne et révolutionnaire année 2009 !
Gilles Bonafi
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
2009, la croisée des chemins
« Ce n'est pas la finance qui est devenue folle, c'est l'État américain qui l'est. Il l'a laissée prospérer et elle risque de tout emporter! Il joue l'État pompier, alors que c'est lui l'incendiaire »
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
10 janvier 2010Cher ami gilles BONAFI c'est un excellent article car la crise n'est pas terminée car l'on ne s'est pas attaqué aux deux fondamentaux de la crise la dominance de la sphère financière sur la sphère réelle et les distorsions entre les salaires en baisse et les profits spéculatifs toujours en hausse.
Information - tu sais que l'on a piraté mon mail prière me joindre au nouveau ademmebtoul@gmail.com
Professeur Mebtoul
Éric Savard Répondre
9 janvier 2009M. Bonafi,
Ce que vous proposez est intéressant, surtout qu'il existe déjà un forum mondial alternatif appelé "Forum social mondial" (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_social_mondial).
Il est certain que la réponse à cette situation catastrophique ne doit pas être laissée uniquement aux gouvernements et aux riches multinationales qui tentent actuellement d'établir un gouvernement mondial qui outrepassera le droit des États.
La vraie solution, celle qui fera de notre monde un endroit plus juste et équitable, doit venir du peuple, c'est-à-dire de ceux qui sont concernés au plus haut chef par tout ce qui se passe actuellement.
Ce "Forum social mondial" doit d'ailleurs se réunir en 2009, à Belém, aux portes de l'Amazonie brésilienne. À nous de nous y présenter et de sonner l'alarme pour que l'humanité entière se réveille et prenne son futur en main.