Paris | Les «gilets jaunes» français, qui contestent depuis plus de trois mois la politique sociale et fiscale du président Emmanuel Macron, manifestent à nouveau samedi, pour la quinzième fois consécutive, espérant endiguer le déclin de leur mobilisation.
«On voudrait penser à l’avenir de nos enfants, et au présent des mères célibataires qui galèrent»: Sylvie, 58 ans et veuve, fait partie des quelque 750 «gilets jaunes», selon les gendarmes, rassemblés sous un soleil printanier en milieu de journée sur la pelouse du château de Chambord, un des plus beaux de la Loire.
Ce haut lieu touristique, qui appartenait au roi François Ier, avait été choisi par le président Macron pour fêter ses 40 ans en 2017. Les «gilets jaunes» prévoient d’y organiser un pique-nique.
À Paris, quelques centaines de manifestants, selon un journaliste de l’AFP, occupaient en milieu de journée une partie des Champs-Élysées, célèbre artère parisienne, près de l’Arc de triomphe, symbole de la République dont les images de dégradation lors d’une manifestation de «gilets» avaient heurté nombre de Français. Deux défilés sont prévus dans la capitale, ainsi qu’une «marche dans les beaux quartiers».
Près de 4.000 personnes ont annoncé vendredi soir leur intention de participer à ces rassemblements, un chiffre qui ne présume en rien de l’affluence effective: samedi dernier, 5000 «gilets jaunes» seulement ont défilé dans la capitale, selon les autorités.
«À bout de souffle», titrait ainsi samedi le quotidien Le Parisien, sur une photo d’un «gilet jaune» esseulé, mais malgré tout toujours posté sur un rond-point en signe de protestation.
Les «gilets» étaient 282 000 à manifester le 17 novembre quand ils ont lancé cette contestation sociale inédite dans sa forme apolitique et asyndicale, qui portait alors sur le prix des carburants jugés trop élevés et la relance du pouvoir d’achat.
Le mouvement a constitué la pire crise essuyée par le président Macron depuis son élection en 2017.
Mais, samedi dernier, ils n’étaient plus que 41 000 à manifester, selon des chiffres officiels que les manifestants contestent.
«Un mouvement qui pâlit», estime ainsi Le Parisien, seul quotidien à accorder samedi une large place à cette actualité-là.
Craintes de violences
L’éclatement de violences à presque chaque manifestation, et l’incapacité du mouvement à se fédérer autour d’une cause et d’une figure communes, ont favorisé une baisse de la mobilisation, ainsi qu’un recul de la popularité des «gilets» dans l’opinion publique: alors que les Français soutenaient largement le mouvement, jusqu’à peu encore, ils étaient 52% (+15 points) à estimer qu’il devait cesser, selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche (JDD) publié le 17 février.
En plus de trois mois de mouvement, les autorités ont de plus tenté de reprendre la main: après avoir concédé des mesures pour le pouvoir d’achat se chiffrant à 10 milliards d’euros, le président Macron a lancé le «grand débat national» : à travers la France, il est destiné à permettre aux mécontents, «gilets» ou non, d’évoquer les raisons de leur colère. Mais il reste à définir comment ces doléances seront prises en compte. Ou pas, comme le craignent nombre de «gilets jaunes».
De nombreuses manifestations sont également annoncées hors de Paris, en particulier à Clermont-Ferrand (centre), où 3.000 personnes sont attendues. La ville entière s’est barricadée par peur d’une répétition de scènes de vandalisme.
Les images de tels débordements ont fait le tour du monde, écornant l’image de la France, première destination touristique de la planète.
Une nouvelle fois, les violences sont craintes. Si les onze morts depuis le début du mouvement sont la plupart dues à des accidents en marge de points de blocage installés par les «gilets», près de 2000 personnes ont été blessées lors de rassemblements, les manifestants pointant du doigt la «violence policière». Plus de 200 signalements faisant état d’abus de forces de l’ordre ont été déposés sur la plateforme de la police des polices.