«Vous trouvez ça normal que la police protège les libéraux?»

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La police politique libérale est toujours à l'oeuvre

Quand Philippe Couillard a été forcé de contredire la Sûreté du Québec sur l’ingérence politique dans le travail de la police...


Nous sommes en mars 2017, Philippe Couillard est embarrassé par une autre histoire d’éthique qui vise le Parti libéral. Le PM du Québec est bien embêté par des révélations qui portent à croire qu’il y aurait eu des procédures lors d’enquêtes à la Sûreté du Québec qui visaient à protéger le gouvernement libéral.


Une forme «d’immunité diplomatique» faite sur mesure pour protéger certains politiciens. Des élus libéraux.


Saisissant la balle au bond, le député caquiste François Legault avait alors demandé au PM Couillard «s’il trouvait normal que la police protège les libéraux».


Contexte, tiré d’un article de La Presse canadienne, publié sur le site de Radio-Canada:


«L’affaire remonte à l’opération Diligence, une enquête amorcée en 2007 qui visait à contrer l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la construction, entre autres. Le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) de l’époque, Michel Arsenault, avait été mis sur écoute électronique.


Dans une déclaration sous serment d’un enquêteur de la SQ, Patrick Duclos, on apprend que les conversations de Michel Arsenault avec les élus “avaient été restreintes sous le principe de l’immunité diplomatique” et que “des cartables avaient été montés et les conversations étaient classées par nom de dignitaires”.


Le directeur général adjoint de la SQ de l’époque “avait informé le gouvernement de l’écoute électronique sur Michel Arsenault, cela avait pour but de protéger le premier ministre [Jean Charest] d’être piégé par Arsenault”.


On peut lire aussi que les procureurs “étaient craintifs de s’attaquer au Fonds de solidarité de la FTQ” et qu’on tenait informé le sous-ministre Louis Dionne, qui avait des liens avec l’ex-ministre libéral de l’époque, Jacques Dupuis


N’y a-t-il pas forme plus assumée, accomplie, d’ingérence «politique» dans le travail de la police quand la police devient un paravent pour certains politiciens dont on pourrait douter de certains comportements?


Ce que Philippe Couillard a été contraint de faire à la suite de la publication de ces informations gênantes, compromettantes pour son parti, c’est ni plus ni moins que d’accuser un officier de la Sûreté du Québec de s’être parjuré, de mentir.


C’est pas banal.


Ce l’est encore moins quand on prend connaissance de la déclaration sous serment de l’enquêteur de la SQ Patrick Duclos; on constate que le «démenti» de Philippe Couillard est lourd de conséquences.


Au moment des faits, j’avais publié l’intégralité de cette déclaration sous serment dans le HuffPost Québec. On pourra la consulter ici.


Quelques passages de cette déclaration de l’officier de la SQ Patrick Duclos méritent d’être rappelés.


On notera ici que le sous-ministre Louis Dionne dont il est question dans la déclaration du policier Duclos et qui était tenu au fait du dossier sera nommé Directeur des poursuites criminelles et pénales et qu'il avait été fait sous-ministre de la Justice à la demande de Jean Charest. Son passage à titre de DPCP a été pour le moins houleux tel que le rappelait Paul Journet dans La Presse en février 2011:


«[...] les procureurs remettent carrément en cause l’indépendance du DPCP. À la demande de Jean Charest, Me Dionne avait été nommé sous-ministre de la Justice de Marc Bellemare en 2003. Me Dionne était sous-ministre de la Sécurité publique avant d’être nommé DPCP en mars 2007. C’est le conseil exécutif, le ministère du premier ministre, qui l’avait choisi. [...]


Le PQ, Québec solidaire et l’ADQ dénoncent aussi Me Dionne. “Il n’avait pas le choix d’accepter (les démissions des procureurs-chefs et chefs adjoints)”, croit Pauline Marois. Elle pense qu’il “n’a plus la confiance des gens qu’il dirige” et que le gouvernement devrait “réfléchir sérieusement” à demander son départ.


Comme Mme Marois, Amir Khadir remet en question l’indépendance de MeDionne.


Sylvie Roy, leader parlementaire de l’ADQ, va plus loin. Elle demande ouvertement à Me Dionne de démissionner. Le lien d’emploi entre Me Dionne et le conseil exécutif est problématique, selon elle. “Le judiciaire et l’exécutif doivent être séparés, c’est un principe inaliénable”, lance-t-elle. Elle souhaite que ce soit l’Assemblée nationale qui nomme le prochain DPCP. C’est ainsi que sont choisis, entre autres, le directeur général des élections et la commissaire à l’éthique.»


Les dossiers éthiques dont on traite ici s’étendent sur plus de dix ans. La regrettée députée de l’ADQ Sylvie Roy, dont le travail sur les questions éthiques doit être salué, militait pour que le poste de DPCP soit nommé par l’Assemblée nationale, au deux tiers, afin d’éviter toute politisation de cette fonction névralgique.


Deux mandats plus tard, après 15 ans de gouvernance libérale quasi ininterrompue, rien n’a été fait pour «dépolitiser» la justice au Québec. Contre toute considération éthique, le PLQ continue de s’accrocher à sa prérogative de nommer seul les partons de l’UPAC, de la SQ (et, pour l’heure du SPVM), le/la DPCP, les juges, etc.


Philippe Couillard n’est tout simplement pas crédible quand il accuse quiconque de vouloir «politiser» le travail des policiers.


En quelques mois seulement au pouvoir sous le Parti québécois, les enquêtes visant la corruption libérale ont avancé de façon fulgurante, les perquisitions visant le PLQ se sont multipliées, et comme par magie, lors du retour au pouvoir des libéraux, tout s’est arrêté.


Même que les libéraux ont reçu, par deux fois, l’assurance du patron de la police anticorruption, qu’ils ont nommé, que leur campagne électorale ne serait pas ternie par des «mauvaises surprises», du genre des enquêtes sur la corruption libérale qui aboutissent en pleine campagne.


Imaginons que cette situation intolérable se produise aux États-Unis, sous Trump mettons, que le président américain se trouve dans la position de contrôler les nominations en justice comme peut le faire le PLQ au Québec, croyez qu’on se retiendrait pour qualifier le tout de «République de bananes»? 


Et pourtant l’élection actuelle se déroule sans que la dépolitisation de notre système de justice ne soit un enjeu de premier plan.


Heureusement, au cours des derniers jours, les déclarations à l’emporte-pièce du candidat caquiste et ex-policier au SPVM Ian Lafrenière ont forcé les partis à se positionner sur ces questions. Le PQ promet de mettre fin au mandat de Robert Lafrenière, patron de l’UPAC, s’il est élu. C’est la moindre des choses. Cet organisme doit être soumis à une nouvelle gouvernance, ça presse.


François Legault promet que le prochain patron de l’UPAC sera nommé au deux tiers de l’Assemblée nationale, mais sans l’assurance d’éjecter Robert Lafrenière. C’est insuffisant. Le prochain gouvernement non libéral doit impérativement s’assurer que les enquêtes sur la corruption, la collusion et le financement politique reprennent sans aucune forme d’entraves, apparentes ou réelles.


Même si cela devait éclabousser ce prochain gouvernement. Même si cela devait lui coûter, par exemple, une ex-ministre de l’ère de Jean Charest.