Le ministre Pierre Moreau a inscrit mercredi sa dissidence à l’égard du discours prononcé par le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, durant lequel ce dernier enjoignait à l’état-major de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) d’« accuser » le député Guy Ouellette ou de s’« excuser » auprès de lui, près d’une semaine après son arrestation.
M. Moreau s’est avéré être le seul élu à s’abstenir de saluer, par le truchement d’une motion, « le discours historique de son président [Jacques Chagnon] tenu le 31 octobre 2017 visant à défendre les droits et privilèges des parlementaires ».
« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un discours historique », a-t-il déclaré à sa sortie du Salon bleu. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles a dit s’inquiéter de voir l’Assemblée nationale « politise[r] un débat [sur l’arrestation de l’ex-président de la Commission des institutions],qui est essentiellement dans les mains du système de justice ».
Qui plus est, Jacques Chagnon « semble avoir confondu des mandats » en demandant à l’UPAC « d’accuser ou de s’excuser » dans l’affaire Ouellette, selon M. Moreau. « Les accusations, ce n’est pas la police qui les porte, c’est le DPCP, a rappelé le juriste de carrière. Ça peut faire un bon discours, j’en conviens. »
Son collègue à la Santé, Gaétan Barrette, avait quelques minutes plus tôt salué « l’excellent discours » du président Chagnon. Comme la majorité de ses collègues, le ministre avait déploré le peu d’explications fournies par l’UPAC dans une conférence de presse organisée mardi. « Ce que je retiens d’hier [de la conférence de presse de l’UPAC], c’est : faites-vous-en pas, on a raison, il va y avoir des accusations et il va être condamné. C’est bien trop mince ! a déploré M. Barrette. Je vais prendre le côté de la présomption d’innocence. »
À Guy Ouellette, Pierre Moreau a plutôt suggéré de se tourner vers la police s’il se croit lésé. « Il peut déposer une plainte à la police en disant : on a essayé de faire de l’intimidation », a-t-il dit. « Tout citoyen peut être arrêté sans être accusé, ça fait partie du processus qui est prévu et que les policiers peuvent utiliser de façon légale. »
L’opposition souligne la dissension à gros traits
Le député péquiste Pascal Bérubé a jugé l’abstention de M. Moreau suspecte. « C’est le seul qui ne veut pas appuyer le président de l’Assemblée nationale. Je pense qu’il a des explications à fournir », a-t-il affirmé dans une mêlée de presse.
De son côté, le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, s’est défendu d’avoir « confondu » l’UPAC et le DPCP, comme le lui a reproché M. Moreau. « Si l’UPAC ne va pas voir le DPCP, il n’y a pas d’accusation », a-t-il dit dans un impromptu de presse avant la période des questions.
M. Chagnon a également tourné en dérision l’explication du directeur des opérations de l’UPAC, André Boulanger, selon qui les policiers ont « appâté » Guy Ouellette plutôt que « piégé ». « C’est un peu rocambolesque. S’il y avait un chasseur dans ce groupe-là, il aurait de la misère à comprendre. Quand tu appâtes, c’est pour piéger », a déclaré M. Chagnon.
Le président a sommé l’UPAC de ne pas consulter le contenu des appareils électroniques saisis à Guy Ouellette. « Chose certaine, c’est du matériel de l’Assemblée nationale. Ça appartient à l’Assemblée nationale. Ça n’appartient pas au parlementaire », a-t-il affirmé. Il se dit prêt à saisir les tribunaux de l’affaire si l’UPAC persiste.
Hier soir, Jacques Chagnon disait ne pas avoir reçu de demande formelle de l’UPAC pour fouiller le matériel informatique qu’elle a saisi. « Ce qui est sous le privilège parlementaire, à ma connaissance, non », a répondu la porte-parole de l’UPAC, Anne-Frédérick Laurence, quand on lui a demandé si les policiers avaient déjà fouillé la tablette, le cellulaire et l’ordinateur de Guy Ouellette.
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