C’est avec enthousiasme et humilité que je me joins à l’équipe des Spin Doctors. Il s’agit d’une tribune de choix, à laquelle j’entends contribuer par mes réflexions sur l’ensemble des enjeux politiques et sociétaux qui touchent la société québécoise. Au plaisir!
C’est ce mardi 13 février que reprendront les délibérations dans le cadre de l’étude du projet 107, ce projet de loi qui vise à faire de l’UPAC un corps de police indépendant et non plus une unité policière composée de gens qui lui sont « prêtés » en quelque sorte.
Le parti libéral demeure isolé. L’opposition, en bloc, refusera d’appuyer le projet de loi dans son état actuel. Et c’est bien la moindre des choses. Ne devrait-on pas faire le ménage de cette institution avant de lui octroyer quelque indépendance que ce soit?
Au cours des derniers mois, l’état major de ce corps policier n’a rien fait pour redorer le blason de l’institution. Il y a bien eu la saga de l’arrestation du député Guy Ouellette, lequel n’a toujours été accusé de rien, mais aussi des volte-face gênantes.
Fin octobre dernier, dans le cadre d’une conférence de presse où l’état-major de l’UPAC veut expliquer le contexte de l’arrestation du député Ouellette, non seulement le commissaire Robert Lafrenière ne convainc personne avec son explication de piège et d’appât, mais le directeur des opérations de l’UPAC André Boulanger, pressé de questions sur le climat de travail qui règne au sein du corps de police anticorruption, avance que « le climat est très bon. [...] je peux vous confirmer que présentement, ça va très bien au niveau du plancher.»
Il n’en est rien. Nous savons depuis que le diable est aux vaches à l’UPAC et que le plancher... il n’est pas content le plancher. Tellement pas content que « le 25 octobre, le Syndicat de la fonction publique du Québec, qui représente des employés du service de la vérification, qualifie de lamentable le climat de travail à l’UPAC ».
Assis de l’autre côté de Robert Lafrenière lors de ladite conférence de presse, le numéro 2 de l’UPAC, Marcel Forget. Lui dont on a cru qu’il avait « démissionné » le 1er décembre 2017 à la suite des révélations du Bureau d’enquête de Québecor selon lesquelles Forget « aurait fait la promotion d’actions d’une entreprise controversée alors qu’il travaillait à la SQ ». Marcel Forget dont le rôle était de vérifier l’intégrité des entreprises, notamment...
Aujourd’hui, Marcel Forget clame qu’on « l’a démissionné », qu’on l’a poussé vers la sortie et le tout s’envenime alors que l’ex numéro 2 de l’UPAC poursuit Québec pour 2 millions de dollars...
On a déjà vu des « planchers » plus gais.
Et ce n’est pas gai depuis longtemps. Doit-on rappeler ce texte coup de poingde Fabrice de Pierrebourg et André Noël en novembre 2011. Un texte qui traitait de « l’ampleur des dysfonctionnements et des sources de tension qui touchent l'UPAC: l'absence de communication entre les unités, des enquêtes de l'escouade Marteau qui seraient «orientées» de manière à être limitées au monde municipal ».
Sept ans plus tard, l’UPAC n’a toujours pas trop égratigné le provincial justement...
Nous sommes plusieurs à nous demander ce que Robert Lafrenière fait encore là. Il a le sens du timing M. le commissaire, il a le sens de la formule aussi. Il ne déteste pas les kodaks non plus. Fin 2014, alors qu’il faisait la tournée des médias pour dresser le bilan de l’année de son organisme, Lafrenière n’hésitait pas à se commettre sur les enquêtes de forte nature politique, sur le financement au parti libéral notamment : « Ce sont des enquêtes que l'on [mène] depuis longtemps et qui vont aboutir, je le souhaite ardemment, en 2015 ».
Autre revendication portée par le commissaire Lafrenière lors de sa tournée des médias de 2014? Changement de structure pour que l’UPAC devienne un corps de police indépendant.
La réalité c’est qu’aucune arrestation n’a été faite dans le dossier du financement politique au parti libéral. Le commissaire Lafrenière – qui jurait que son « agenda » n’était pas dicté par le politique – s’est même permis d’annoncer ses couleurs en cette année électorale. « Pas d’arrestation ni de perquisition qui puisse entraver le processus électoral ».
C’est pratique. Ce pacte de « non-agression » n’est-il pas, à sa face même, une entrave au processus démocratique? Et quelle est cette période tampon? Ça commence quand? La campagne électorale en tant que telle est assez courte, à peine plus de trente jours. Si les dossiers sont prêts, mettons, fin aout... On procède? Même si cela s’avérait catastrophique pour le PLQ? C’est un jeu dangereux que celui où la police anticorruption se positionne de telle façon.
Toutefois, là où le bât blesse complètement, c’est que ce projet de loi 107 ne corrige pas la plus grande (et inacceptable) incohérence qui soit, le fait que ce gouvernement libéral, sur qui pèse l’essentiel des soupçons en matière de corruption, continue de s’entêter à vouloir nommer seul le chef de la police anticorruption.
Dès la création de l’UPAC, en mars 2011, le député Stéphane Bergeron avait déjà mis en doute l’indépendance du commissaire : « Est-ce qu’on a toute l’indépendance requise pour agir, maintenant que, qui plus est, le grand patron de cette unité est lui-même un ancien sous-ministre du ministre de la Sécurité publique? La question se pose. »
Et elle est d’autant plus d’actualité aujourd’hui.
Car la preuve n'est plus à faire que le parti libéral refusera au-delà de toute raison d'accepter que le patron de l'UPAC soit nommé par l'Assemblée nationale, au deux tiers. Cette obstination inconsidérée devient suspecte. Et elle mine la crédibilité du corps de police.
Si le parti libéral s’entête à imposer son projet de loi 107 sans l’appui de l’opposition, par la seule force de sa majorité parlementaire, que restera-t-il de la crédibilité de ce corps de police ensuite?
Qui est Steve E. Fortin
Travaillant dans le domaine des communications publiques depuis plus de 20 ans, Steve E. Fortin commente la politique québécoise depuis plusieurs années; au Huff Post Québec pendant cinq ans, notamment. Depuis quelques années, il chronique également à la radio régionale de Radio-Canada dans la région de l’Outaouais. Il a collaboré dans le passé avec le cabinet de Bernard Drainville, ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne.