C’est bien connu, on ne peut rester indifférent à Denise Bombardier. En lisant son dernier livre autobiographique intitulé Une vie sans peur et sans regret, publié aux Éditions Plon en 2018, j’ai été amené à comprendre à quel point les agissements de son père et de sa mère ont contribué à influencer la femme qu’elle est devenue aujourd’hui.
Toutefois, on ne peut passer sous silence sa force de caractère et son aplomb lors de ses rencontres avec les grands de ce monde qui ont souvent tenté de la « mettre en boîte » toujours sans succès.
« Porteurs d’eau nés pour un petit pain ».
« Le référendum de 1980 ne consistait pas à déclarer la souveraineté du Québec, il s’agissait d’un compromis politique. Répondre Non à la question référendaire révélait donc clairement l’ambivalence et la profonde insécurité des Québécois nord-américains, vivant dans un pays de paix et de liberté. On peut penser que la peur des risques encourus par une séparation d’avec le Canada apparut à beaucoup comme insurmontable. Sans doute avions-nous trop à perdre, sans doute la crainte de voir s’évanouir notre confort collectif retint-elle maints électeurs. La tentation devint grande de préférer vivre dans l’indifférence face à nos échecs et nos humiliations historiques. La devise du Québec n’est-elle pas « je me souviens », ce qui en dit long sur la fragilité de notre mémoire et l’oubli de notre passé de « porteurs d’eau nés pour un petit pain ». p. 321-322
Défendre la langue française
« Grâce à ma mère, tout au long de ma vie, je me suis efforcée de défendre la langue française, dont j’ai toujours fait l’éloge et que j’ai respectée comme une personne aimée. Le français m’habite, me nourrit, m’éblouit et me procure des joies depuis le jour où je me suis retrouvée, à trois ans et demi, dans les cours de diction de Mme Audet. J’ai appris les mots, j’ai saisi leur musicalité et j’ai découvert au gré du temps leurs nuances. Tous les auteurs français appartiennent à ma famille élargie. Je partage, par le livre et les phrases, une intimité avec eux ». p.325
Relation tendue avec Simon Durivage
« Très vite. Une guerre larvée a commencé. Simon Durivage s’étant vite fait copain avec le metteur en ondes, il bagarrait d’emblée pour être celui qui lancerait le « Bonsoir » de l’émission. Je le vis dépenser une énergie considérable à fomenter ce genre de niaiserie au lieu de lire les dossiers que lui préparaient ses recherchistes ultra-compétents… Lors de la réunion du matin, réunissant une dizaine de membres de l’équipe, il posait souvent la même question : « Qu’est-ce que le club des varices de la rue Panet veut voir ce soir? » … Le vocabulaire de Simon Durivage, qui savait courtiser les patrons, assurer son vedettariat, n’avait rien de châtié et frôlait la vulgarité en permanence ». p. 335-336
Gaston Miron, poète national
« J’ai croisé un matin, à Saint-Germain-des-Prés, Gaston Miron qui me retint plus de deux heures en m’éblouissant de ses envolées poétiques et politiques sur notre peuple. Gaston, au Québec, revendiquait le titre de poète national que personne ne lui contestait. Dans le café Danton, où il tenait salon, il interpellait les clients qui, une fois revenus de leur surprise, tombaient sous son charme. Certains quittaient même les lieux, parfois, en lançant un « Vive le Québec libre » bien senti, permettant à Gaston, en transe, de me dire : « Je viens de convertir un autre Français à notre cause. » Si Miron à Montréal était sublime; à Paris, il devenait littéralement sublissime ». p. 348
La liberté d’expression
« À la fin des années quatre-vingt, j’ai régulièrement été sollicitée pour donner des conférences… Colloques, tables rondes, émissions, j’acceptais ces invitations qui élargissaient mes horizons et m’aidaient à confronter ma vision de la politique avec celles de personnes issues de cultures diverses et aux convictions parfois opposées. Je pouvais alors constater à quel point la liberté d’expression, la vraie, était plus rare que je ne l’imaginais et la langue de bois commune à tous ceux qui choisissaient de ne pas sortir des sentiers battus… Les libres-penseurs, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire ceux qui se refusent à laisser leurs intérêts personnels prendre le pas sur leurs croyances et leur conscience, constituent des exceptions. » p. 370
Nul n’est prophète en son pays
« Cet automne-là (’95), j’eus le plaisir et l’honneur de recevoir le prix Gémeaux… En mars précédent, le Métrostar… Voici les seuls prix de journalisme reçus dans ma carrière au Québec. À quoi cela tient-il? Au fait que ma personnalité soit jugée clivante? Peut-être, mais ai-je jamais « mal » fait mon métier? Cette frilosité, voire distance à mon égard provient-elle du fait que, dans le petit monde médiatico-artistique du Québec, se trouvent nombre d’envieux et de jaloux qui carburent au ressentiment? L’on m’objectera qu’il s’agir d’un trait de la nature humaine, certes, mais au Québec, une société historiquement repliée sur elle-même, où frustrés et vengeurs ont libre court encore à ce jour, on se méfie de la réussite personnelle, du succès, de la reconnaissance sociale. Je ne doute pas qu’en l’écrivant aussi clairement je risque de m’attirer ses foudres. » p. 417
Les « accommodements raisonnables »
Il est facile aux représentants d’une minorité quelconque de déstabiliser un Québécois. Soucieux de ne pas faire de vague, de ne pas blesser, de ne pas être mal perçu, celui-ci cherchera d’abord, et parfois avant tout, à réduire, voire supprimer les éléments conflictuels. N’avons-nous pas inventé une expression qui reflète ce comportement collectif? Devant les requêtes concernant les droits de la personne, par exemple, ne parlons-nous pas de pratiquer de « accommodements raisonnables »? « Accommodements raisonnables » au nom desquels une femme peut se promener en burqa et voter. On le voit, je n’apprécie pas la rectitude politique qui flotte actuellement au-dessus du Québec. » p. 436
Épilogue (extrait)
« Ma vie s’est déroulée et inscrite dans une époque passionnante. J’ai vécu, en toute conscience, les bouillonnements d’un Québec qui a redéfini, à sa manière -turbulente- sa liberté comme ses rêves, Je suis de la génération qui, de Canadiens français, s’est rebaptisée Québécois, réduisant sa géographie pour mieux cerner son identité nouvelle. J’ai chanté ces débuts d’un temps nouveau dans l’allégresse, l’espoir, l’audace et la griserie collective.
Or, le rêve de l’affranchissement commun s’est fracassé à deux reprises, laissant dans les cœurs des blessures incicatrisables. Et, triste réalité, les Québécois ne sont plus tricotés serrés. Notre avenir en français demeure incertain. » p. 455
Au sujet du décès de Pierre Nadeau...
Henri Marineau, Québec
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