Daniel Denis, Jean-Pierre Lessard et Guillaume Caudron
_ Économistes, les auteurs sont respectivement associé senior et directeurs à la firme-conseil SECOR.
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Le Plan Nord est au coeur de l'actualité politique. Dans un tel contexte, il est normal que différentes études soient publiées sur ses retombées économiques. Néanmoins, on ne peut qu'être surpris de l'écart entre les chiffres d'une étude de SECOR et ceux de l'Institut de recherche et d'information socio-économique (IRIS).
Alors que l'étude de SECOR parle d'une opération rentable pour la société et projette 148 milliards$ en valeur ajoutée pour le Québec, l'IRIS conclut à une perte sèche de plusieurs milliards pour les contribuables québécois.
La cacophonie de chiffres qui se dégagent de la dissonance de ces deux études ne sert nullement la société québécoise. SECOR conduit, en toute indépendance, des études économiques depuis plus de 30 ans. L'étude sur l'impact économique du Plan Nord a été financée entièrement par SECOR, dans le cadre d'une démarche d'entreprise visant à aider la société québécoise à mieux comprendre ses grands enjeux.
L'analyse de l'IRIS ne porte que sur la perspective du gouvernement du Québec, alors que l'analyse SECOR s'est attardée aux répercussions potentielles du Plan Nord sur l'ensemble des Québécois (travailleurs, entreprises et gouvernement). On compte trois grandes différences entre les deux approches.
La différence la plus importante est le fait que l'IRIS n'a pas tenu compte dans ses calculs des activités d'exploitation (projets miniers ou énergétiques), évalués à 150 milliards par SECOR, et n'a donc pas intégré les revenus fiscaux qui en découlent.
L'approche de l'IRIS correspond à un postulat où l'on construirait une usine et mettrait la clé sous la porte aussitôt la construction finie, ne l'exploitant pas. Évidemment, le gouvernement investit dans le Plan Nord principalement pour les bénéfices que le Québec retirera de l'exploitation de projets miniers et énergétiques. Selon l'étude SECOR, le gouvernement retirera 12 milliards en revenus fiscaux et parafiscaux liés aux salaires des employés et sous-traitants impliqués dans l'exploitation des mines (sans compter les redevances minières et l'impôt des sociétés). Les travailleurs, les fournisseurs québécois, les minières et les entreprises publiques tireront pour leur part près de 100 milliards de cette exploitation. L'étude de l'IRIS a omis les revenus fiscaux du gouvernement issus de la phase de l'exploitation.
Une deuxième différence est le partage des coûts d'investissement entre le privé et le public. Selon nos analyses des investissements impliqués dans les mines et des investissements en infrastructures requis, le gouvernement devrait investir près de 5 milliards dans le Nord, en particulier pour la construction d'une grande route d'accès. Elle figure dans le premier plan quinquennal où des investissements de 2,1 milliards sont prévus. Nous estimons que les entreprises privées investiront 28 milliards dans leurs projets et les infrastructures, alors que 47 milliards seront investis dans des projets énergétiques. L'IRIS exclut les projets énergétiques et partage à parts égales le solde de 33 milliards d'investissements entre le privé et le gouvernement. Cette hypothèse nous semble incongrue et nécessiterait d'être documentée.
La troisième source d'écart est une somme de 6,2 milliards en «coûts supplémentaires fiscaux, sociaux et environnementaux» à la charge du gouvernement. Plusieurs de ces coûts sont discutables. Les coûts de réhabilitation sont imputés au gouvernement alors qu'ils seront à la charge des minières. On peut s'interroger sur le fait que les coûts de santé de la population du Nord soient considérés comme des coûts supplémentaires.
Pourquoi eux et pas nous?
La construction d'une route donnant accès au Nord québécois pour les sociétés minières aura un impact économique considérable. La construction de la mine Osisko à Malartic a amené une injection nette de 800 millions dans l'économie québécoise et générera entre 3 et 5 milliards de valeur ajoutée au Québec pendant les prochains 25 ans, dont le tiers sera récupéré par le gouvernement du Québec en droits miniers et impôts des sociétés.
On peut s'interroger sur l'effet que laissent les conclusions de l'IRIS. Comme si le Nord et ses communautés n'avaient pas le droit à leurs infrastructures publiques. Comme si on ne pouvait par les relier au Sud, y substituer dans certains cas le mazout par des énergies renouvelables, y construire des logements adaptés dignes de notre siècle et de notre société.
Les pays scandinaves profitent depuis longtemps d'une exploitation responsable de leur patrimoine nordique. Les Québécois devraient être en mesure d'en faire autant.
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