Tel un véritable masochiste, Justin Trudeau s’est contraint jeudi à une séance extraordinaire et interminable d’autoflagellation. Un exercice injustifié. Lui n’ose peut-être pas se défendre, mais bon, moi, je le ferai.
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Autres temps, autres mœurs
En 2019, nous convenons tous que le choix de se peindre le visage en brun ou en noir est totalement inacceptable. Par contre, il faut éviter d’analyser et juger des faits datant d’il y a 20 ans ou plus avec une lorgnette moderne. Certes, il y a des gestes qui seront toujours traités avec une égale indignation, comme le meurtre ou le viol. Mais quand on parle de cette habitude que des tonnes de gens avaient de se déguiser ou de tenter d’incarner une autre ethnie dans des contextes de fêtes ou de célébrations, il faut remettre les choses en perspective et reconnaître que les mœurs ont évolué.
Il importe aussi de mesurer le poids des mots. D’éviter de galvauder des expressions et d’en travestir le sens premier. C’est le cas de l’utilisation du terme blackface. À la base, celui-ci est apparu pour dénoncer l’action de se peinturer le visage en noir pour ridiculiser, pour blesser et pour véhiculer des préjugés complètement débiles. C’était ça, le blackface.
Alors, quand la planète entière se scandalise du fait qu’un jeune prof du secondaire avait décidé, au tournant des années 2000, de se déguiser en Aladdin à l’occasion d’une fête qui avait pour thématique le Moyen-Orient, je décroche.
Petite politique
Malheureusement, partisanerie politique et modération ne vont pas de pair. C’est pourquoi les deux principaux opposants de Justin Trudeau n’ont pas hésité à faire sauter le bouchon pour grappiller quelques petits points politiques. Andrew Scheer a ainsi exigé la démission du PM, estimant qu’il n’était pas apte à occuper cette fonction. Jagmeet Singh, qui peut assurément comprendre les affres de la discrimination, n’a pas jugé bon de faire la part des choses, invitant plutôt les jeunes Canadiens à résister à l’envie de carrément abandonner le Canada.
En langage politique, on appelle ça faire de l’overkill, soit de trop en faire et de finir par se décrédibiliser. Ce faisant, on risque même de finir par victimiser la personne mise en cause.
Tellement pire
Ce qui me subjugue, c’est de voir la force et la portée du séisme actuel. Comment peut-on en venir à une crise d’envergure planétaire pour des éléments anecdotiques, alors que le chef libéral a même augmenté son avance dans les sondages après le rapport accablant du Commissaire à l’éthique sur l’Affaire SNC-Lavalin? Comment peut-on sanctionner plus durement un choix discutable de costumes d’il y a deux décennies que le fait qu’un premier ministre en fonction s’est rendu coupable d’avoir violé la loi en interférant dans un processus légal et indépendant?
Il y a une multitude de raisons pour juger sévèrement Justin Trudeau. Mais sa propension à se déguiser il y a 20 ans n’en est pas une.