« Lorsqu'elle est vraiment vivante,
la mémoire ne contemple pas l’histoire,
mais elle incite à la faire. »
Eduardo Galeano
Un livre essentiel pour ceux qui ne se contentent pas en histoire des farces plates de Jacques Godbout et des diarrhées verbales de René-Daniel Dubois. Un grand livre. Un très grand livre. Maurice Séguin, un des historiens majeurs de ce pays a formé des milliers d’étudiants à l’Université de Montréal. Malheureusement, cet élève « déviationniste » de Groulx qui a révolutionné l’historiographie du Québec, a peu écrit. On a commencé à publier son œuvre, bien malgré lui, une dizaine d’années après sa mort. Essentiellement, il s’agit de ses plans de cours, de ses notes polycopiées ou de ses fonds de tiroir. Des fonds de tiroirs qui valent leur pesant d’or.
On ne lit pas ce livre pour ses qualités littéraires, mais pour la profondeur de son analyse. Dans cette synthèse historique des rapports de force entre le Québec et le Canada, Séguin va directement à l’essentiel, sans s’enfarger dans les fleurs de rhétorique ou les coquetteries de style. Pas de niaisage, pas de romanesque, que du concentré.
Évidemment, c’est plus difficile à lire que ces livres où l’Histoire se résume à la recette de la soupe aux pois ou au secret de la fabrication des « bottines de beu » . Mais il y a, tout du long, l’intense plaisir de pénétrer un monde et de comprendre les rapports de domination dans lesquels le peuple québécois se débat depuis 237 ans.
Un livre essentiel donc. Car si on ne saisit pas les lignes de force, la dynamique des sociétés sur une longue période, on se condamne à rester des victimes du papotage médiatique, de la manipulation des esprits, de la propagande grossière incapable de restituer l’actualité politique quotidienne dans l’évolution historique, on s’enfonce dans la poutine intellectuelle des pseudo-analystes de service, style Martineau, Dubuc ou Gagnon ou milles autres supposés experts qui, comme certains historiens, semblent penser avec la permission des ulstériens de McGill. Un livre d’histoire pour comprendre le présent et préparer l’avenir, loin du passéisme et de la nostalgie. Un livre donc à éviter pour les inconditionnels de Marguerite Volant de « Séraphin Poudrier » ou de La Conquête de l’Amérique. Un livre qui rend plus intelligent. C’est rare.
Pierre Falardeau
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