Soit que l'Église se dépouille d'elle même et se mette au service de l'humanité

Un pape pour l'humanité

Soit qu'elle demeure enfermée sur elle-même et qu'elle périsse

Tribune libre


À lire les journaux, à écouter les nouvelles, à entendre ce qui se dit sur le conclave, sur les candidats qui se détachent le plus pour être au nombre des papables, je réalise que tout tourne autour de l’institution ecclésiale, comme si cette dernière était l’Église qu’il faut sauver à tout prix.
On parle des nombreux problèmes reliés à la gestion de la banque du Vatican, des scandales d’abus sexuels d’un certain nombre de prêtres, de religieux et de quelques évêques. On parle du silence des autorités épiscopales et du Vatican pour couvrir ces crimes et protéger leurs auteurs.
On parle également de la doctrine catholique à renforcer et à promouvoir dans le cadre de la nouvelle évangélisation, de théologie à approfondir, de baptisés à reconvertir pour les ramener au bercail. Dans tous ces cas on ne parle pas beaucoup des Évangiles, de Jésus de Nazareth et de tous ces gens de bonne foi qui vivent les valeurs évangéliques sans pour autant s’identifier à quelque croyance que ce soit.
Le monde est perçu comme un foyer où règne le relativisme, comme une barque sans gouvernail où tout un chacun trouve sa raison de vivre sous la forme qui lui convient le mieux. Donc, un monde qui a besoin, plus que jamais, d’un phare qui puisse l’orienter dans cette mer agitée.
Les cardinaux sont convaincus qu’ils sont ce phare, étant les dépositaires de la foi et de la doctrine de l’Église. Il ne leur vient pas à l’esprit que la foi est un don de l’Esprit de Jésus qui se vit dans le cœur de millions de personnes qui sont également Église et qui trouve son expression dans leur engagement. À chacun, les dons de l’Esprit sont distribués et c’est en lui que l’unité du Corps qu’est l’Église se révèle.

"Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit  ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur  ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun. A l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit  ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit  ; (…) Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend. » Cor. 1 ,4-11
POUR RÉSUMER, L’APPROCHE DES CARDINAUX DEMEURE ENTIÈREMENT CENTRÉE SUR L’INSTITUTION ECCLÉSIALE, SUR SA DOCTRINE QU’IL FAUT ENSEIGNER ET SUR LES FIDÈLES QU’IL FAUT RÉCUPÉRER. ILS SONT ÉGLISE ET AUTORITÉ TOUT À LA FOIS.
Je pense bien humblement que cette approche fausse complètement la problématique de ce qu’est l’Église et de son rôle dans le monde.
Les questions que doivent se poser les électeurs du prochain Pape devraient porter à la fois sur cette HUMANITÉ de sept milliards de personnes et sur la présence qu’y assume Jésus de Nazareth. Ces deux questions ne peuvent être évacuées en ne parlant que de doctrine, d’enseignement et d’autorité vaticane, sans s'incarner, comme l'a fait Jésus, dans le milieu de vie des humbles de la terre, non pas comme des rois et des maitres, mais comme des frères.
Nous savons que dans cette humanité, plus des deux tiers vivent dans la grande misère et qu’une minorité de 10% à 20% contrôle 80% à 90% des richesses de la terre. Les cardinaux et les évêques savent cela. Ils savent aussi que Jésus a voulu que ses disciples ne s’en tiennent qu’à l’essentiel des biens matériels pour témoigner par leur vie et leur parole des nouveaux paradigmes du règne du Père, inaugurés en Jésus.
Ils le savent, mais préfèrent ne pas y regarder de trop près, trahis qu’ils sont par leurs fonctions entièrement assimilées à celles des puissants de ce monde. Je ne parviens pas à imaginer le Jésus des Évangiles, déambulant, tout vêtu comme un prince, dans les grands espaces du Vatican ou dans les palais des cardinaux et évêques à travers le monde. Je ne le vois pas plus se laisser baiser la main et se faire appeler « ma sainteté, mon excellence, monseigneur, etc.. ». C’est pourtant lui le personnage central de l’Église et de tout ce qui se vit dans ses murs. On ne peut pas faire semblant de ne pas le voir.
Il y a de toute évidence un grand ménage à faire dans ces us et coutumes. Pour tout dire, une véritable s'impose.L'institution ecclésiale ne peut plus continuer à être ce qu'elle est.
Comment voulez-vous que les pauvres et les humbles de la terre accordent quelque crédibilité que ce soit à un discours qui est étranger à leur quotidien, à leurs souffrances, à leurs angoisses et espérances?
Comment voulez-vous prêcher la foi et le royaume en demeurant à l’abri des intempéries et des réalités qui affectent les deux tiers de l’humanité?
Ici s’applique ce dialogue, entre celui qui se réclame de sa foi et celui qui se réclame de ses œuvres, que l’apôtre Jacques transmet à tous les croyants et à toute personne de bonne volonté.

« A quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu'un dise : « J'ai la foi », s'il n'a pas les œuvres? La foi peut-elle le sauver? Si un frère ou une sœur sont nus, s'ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l'un d'entre vous leur dise : « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il? Ainsi en est-il de la foi : si elle n'a pas les œuvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira : « Toi, tu as la foi, et moi, j'ai les œuvres? Montre-moi ta foi sans les œuvres; moi, c'est par les œuvres que je te montrerai ma foi. Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent. » Jc. 2, 14-19
Le Pape, phare d’humanité, doit être d’abord et avant tout un témoin comme Jésus l’a été et comme le furent ses disciples, Pierre et tous les autres. Il doit être le témoin de première ligne du nouveau paradigme du règne du Père sur terre. Le plus grand se fait le plus petit et le plus petit devient le plus grand. Les derniers sont les premiers et les premiers sont les derniers. Ne soyez pas, dit Jésus à ses disciples, comme ces scribes et pharisiens assis sur la Chaire de Moïse :

« Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. En tout, ils agissent pour se faire remarquer des hommes. C'est ainsi qu'ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges. Ils aiment à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s'entendre appeler” Rabbi » par les gens. « Pour vous, ne vous faites pas appeler » Rabbi » : car vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères. N'appelez personne votre » Père » sur la terre : car vous n'en avez qu'un, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler » Directeurs » : car vous n'avez qu'un Directeur, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé. » Mt. 23, 3-12
Voilà tracé le paradigme de la gouvernance du Règne du Père sur terre. Qu’en est-il de ce paradigme dans l’institution ecclésiale?
Le vrai problème de l’institution ecclésiale est qu’elle a décroché depuis longtemps de ce paradigme de la bonne nouvelle annoncée aux pauvres. Elle a gardé la partie du discours qui lui convient et a choisi d’anticiper sur terre les conditions du royaume dans les cieux plutôt que d’assumer sur terre les conditions de solidarité avec les pauvres et ceux et celles qui sont porteurs (ses) d’un esprit de vérité, de justice, de solidarité, de compassion, de lutte contre tout ce qui est mensonge, domination, manipulation, hypocrisie, injustice.
Le pape qu’attendent les croyants et l’humanité dans son ensemble doit assumer les consignes de Jésus de Nazareth et rejoindre les personnes de bonne volonté au milieu des pauvres et des déshérités de la terre. Là, il trouvera sa demeure et témoignera avec crédibilité de la bonne nouvelle, livrée en Jésus de Nazareth.
Point n’est besoin d’être un grand théologien, un administrateur hors pair, mais simplement un pasteur libéré du paradigme du règne de ce monde et un passionné du paradigme du règne de Dieu sur terre.

Les théologiens pourront continuer à discuter de théologie et il y aura toujours de bons administrateurs laïcs pour gérer et éventuellement concéder aux Nations Unies le Vatican avec ses archives, ses tableaux et ces vêtements qui auront pendant des siècles fait la gloire de papes, de cardinaux et d’évêques. Un véritable dépouillement, singe d’une conversion profonde de cette frange de l’Église qui reprend à son compte ces paroles du maitre « laisse tout, viens et suis-moi »
Oscar Fortin
Québec, le 10 mars 2013
http://humanisme.blogspot.com

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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9 commentaires

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    18 mars 2013

    Ce sont les gauchistes anticléricaux qui ne veulent pas un Pape pour l'humanité, car en le rejetant ils pourront continuer leurs actions populistes et totalitaires afin de pouvoir monopoliser l’appareil de l’État.
    Voici autre exemple de ce POUVOIR populiste et cynique :
    Le pape François et la réconciliation avec les Kirchner
    http://www.lapresse.ca/international/dossiers/succession-de-benoit-xvi/201303/18/01-4631962-le-pape-francois-et-la-reconciliation-avec-les-kirchner.php
    ***
    JLPM

  • Alain Maronani Répondre

    13 mars 2013

    « Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l’ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains. »
    Albert Einstein
    ou relire Sigmund Freud...
    Moise et le monotheisme...

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    13 mars 2013

    François I, un jésuite conservateur

    Le jésuite argentin Jorge Mario Bergoglio, farouchement opposé à la ‘’théologie de la libération’’, est le nouveau Pape de l'Église pour mettre de l’ordre dans l’appareil du POUVOIR du Vatican.
    Une mauvaise nouvelle pour les marxistes et les libertins de tout acabit.
    JLPM

  • Oscar Fortin Répondre

    12 mars 2013

    @M. Tompson : Vous référez à un ouvrage important d’Eugen Drewermann ‘’Dieu Immédiat’’. Il s’agit d’une analyse et réflexion qui démantèle cette infrastructure ecclésiale qui a fini par prendre toute la place et à s’imposer dans divers milieux et auprès d’un nombre important de croyants.
    Aujourd’hui, ma compréhension personnelle de l’Église n’a guère de liens véritables avec cette institution. Dans un article que Vigile n’a pas retenu pour publication, mais qui fut placé dans mes archives d’auteur, « Je renonce à l’État du Vatican, à ses pompes et à ses œuvres » je me dissocie de tout ce volet institutionnel qui n’a rien à voir avec le message évangélique et les consignes données par Jésus à ses disciples.
    http://www.vigile.net/Je-renonce-a-l-etat-du-Vatican-a
    Je crois qu’il y a une Église bien vivante dans le monde à travers ces millions de personnes qui se donnent pour qu’il y ait moins de souffrance, plus de justice, plus de vérité, plus de compassion. Des millions de personnes qui ne contentent plus de beaux discours portant sur la paix et toutes ces valeurs, mais qui reconnaissent ceux et celles qui en témoignent. Là, est l’église, là sont les authentiques membres de corps porté par le Christ et son Esprit.
    Je vous remercie pour ces réflexions de Drewermann. Pour le moment, l’avenir de l’Église ne passe pas par le Vatican, mais par les croyants.
    Oscar Fortin

  • Oscar Fortin Répondre

    11 mars 2013

    Je suis particulièrement honoré de ceux qui ont pris le temps de commenter cet article, sachant que plusieurs ne sont pas particulièrement portés sur ces questions religieuses ou de foi. Je voudrais apporter une première réaction à chacune de ces personnes
    @M. Marineau: merci pour votre commentaire qui semble rejoindre vos préoccupations et votre vision de la foi.
    @JMRS: Vous dites « je ne suis pas certain que personne ne voudrait être élu ». Pour la caméra, ils se font tous très humbles et indignes pour occuper une telle charge, mais dans les coulisses les négociations politiques battent à plein tambour. Chacun utilise les médias pour finalement se gagner l'appui de l'opinion publique et le cardinal Ouellet n'y échappe pas. Ils disent ne pas vouloir le pouvoir, mais tous se battent comme des déchaînés pour l'obtenir.
    Je sais que vous saviez ces choses et que votre commentaire voulait mettre en évidence cette double volonté.
    @Pierre Cloutier: Vous avez tout à fait raison de dire que ne pas croire en Dieu ne signifie pas ne pas croire en l'humanité et en ses grandes valeurs. En effet, qui peut dire ce qu'est Dieu ? Personne ne l'a jamais vu et ceux qui disent l'avoir vu en dehors de ce que fut Jésus de Nazareth sont des illuminés et des rêveurs. Sans prétention de ma part, c'est ce que j'essaie de faire ressortir à travers mes écrits sur le sujet: le fait de se dire croyant en Dieu ne veut absolument rien dire si les actions et les engagements ne répondent pas aux aspirations des hommes et des femmes d'aujourd'hui.
    Merci beaucoup pour vote intervention sur ce sujet.
    @Serge Charbonneau : Votre commentaire me rejoint particulièrement du fait que nous nous retrouvons souvent sur des sujets conflictuels par rapport à l'information et à l'Amérique latine. Dans tous les cas, je me sens interpellé, tout comme vous, par les faits que vous relevez et les observations que vous faites. Votre souci pour la vérité, pour la bonne foi des responsables d'information me rejoignent dans ce qu'il y a de plus profond dans ma foi. Je vous y retrouve sans devoir vous interpeller sur le sujet. Nous sommes tous engagés, avec ou sans foi, dans un défi d'humanité. En tant que croyant dans les Évangiles et en ce Jésus, je me retrouve en très bonne compagnie avec vous, avec Pierre Cloutier, et avec tous les autres qui ont choisi la vérité, la justice, la solidarité, la compassion et la lutte pour le respect.
    Merci pour vos commentaires. J'en suis profondément touché.

  • Serge Charbonneau Répondre

    11 mars 2013

    Tout le monde ici (en tout cas de ma génération) connait l'expression: «ce n'est pas très catholique!».
    Je crois que cette expression s'applique à merveille à l'église catholique, aux papes et à l'oligarchie de la secte.
    Ce sont une bande de pas très catholiques.
    Je crois que ceux qui luttent pour les vraies valeurs de Jésus se tiennent loin du Vatican.
    Je crois même qu'il serait plus adéquat de dire que ceux qui luttent pour les vraies valeurs de Jésus sont tenus loin du Vatican.
    Il est illusoire de penser que l’Église puisse se dépouiller d’elle-même et se mette au service de l’humanité.
    Je crois qu'elle va périr et même j'espère qu'elle périsse.
    Je n'ai aucune pitié et aucun respect pour ceux qui se pognent le moine avec leurs airs de grands saints au Vatican.
    Merci pour cette réflexion, M. Fortin.
    Merci pour les excellentes photos.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2013

    [1] Très bon article. Cependant, 2 brèves remarques me paraissent pertinentes.
    [2] Primo, il n'est pas nécessaire de croire en Dieu ni de faire partie de l'Église catholique pour se comporter en chrétien.
    [3] Deuxio, l'Église catholique comme le Parti Québécois sont 2 organisations de type pyramidal, hiérarchique et autoritaire remplies de carriéristes, d'opportunistes et arrivistes qui finissent inévitablement par tuer le message, les enseignements de Jésus-Christ, l'être humain, dans le cas de l'Église et l'indépendance, dans le cas du PQ.
    [4] On l'a vu, on le voit et on le verra.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mars 2013


    Personne parmi les cardinaux ne semble vouloir être élu pape. Espérsons que l'élu sera le serviteur des serviteurs de Dieu. Il sera un des derniers car le Royaume est proche maintenant. Même la Science s'accorde avec la Révélation pour annoncer la fin des temps, qui viendra de la manière la plus inattendue, alors que le monde se croira arrivé dans une paix définitive.
    JRMS

  • Henri Marineau Répondre

    11 mars 2013

    "Le Pape, phare d’humanité, doit être d’abord et avant tout un témoin comme Jésus l’a été et comme le furent ses disciples, Pierre et tous les autres. Il doit être le témoin de première ligne du nouveau paradigme du règne du Père sur terre. Le plus grand se fait le plus petit et le plus petit devient le plus grand. Les derniers sont les premiers et les premiers sont les derniers. Ne soyez pas, dit Jésus à ses disciples, comme ces scribes et pharisiens assis sur la Chaire de Moïse."
    Puisse les oreilles des cardinaux réunis en conclave entendent bourdonner vos sages paroles!