Un pacte bien légitime

La langue - un état des lieux



Qui peut reprocher au gouvernement Charest de n'avoir pas donné suite aux recommandations redondantes de la commission Bouchard-Taylor?
Le Québec peut se passer d'un "livre blanc sur la laïcité", d'une "loi sur l'interculturalisme", d'un "Office d'harmonisation culturelle" (sic) et des multiples comités que proposaient les commissaires, non contents d'avoir vu le Québec dépenser 3,7 millions pour un psychodrame.
Heureusement, la réponse de Québec est beaucoup plus modeste. On continue, en y consacrant plus de moyens, dans la même voie - francisation et intégration des immigrants par le travail -, et en y ajoutant un "contrat moral" par lequel les immigrants s'engageront à apprendre le français et à respecter les valeurs communes au Québec.
Ce projet n'a rien de répréhensible, puisque personne ne sera pénalisé pour avoir refusé de se conformer à cet engagement. Voilà tout un contraste avec le projet péquiste (depuis lors abandonné) qui voulait, au nom du fameux "nous", retirer des droits civiques aux immigrants qui n'auraient pas appris le français assez vite. Dans ce cas-là, on pouvait parler d'atteinte grave aux libertés. Pas dans ce cas-ci.
On peut toujours dire que cet engagement dont les résultats échapperont à tout suivi est une manoeuvre électorale pour amadouer le Québec profond. C'est vrai. Mais ce n'est pas une raison pour le décrier.
Ce pacte enverra un message. Un message qui dit que l'immigrant doit respecter les valeurs de sa société d'accueil. Seuls les relativistes à tout crin, qui voient le Québec comme une auberge espagnole sans passé ni culture propres, s'en scandaliseront.
Par contre, la déclaration insiste sur le fait que le Québec respecte la liberté d'opinion et de religion... une autre valeur, justement, que cultivent les démocraties libérales. D'où la pratique louable et nécessaire des accommodements raisonnables... lesquels, notons-le bien, ne concernent pas que les immigrants (la majorité des demandes d'accommodement provenaient de Témoins de Jéhovah canadiens-français et de juifs hassidiques établis à Montréal depuis des décennies). Il reste que pour l'essentiel, c'est à l'immigrant de s'adapter à la société d'accueil, et non l'inverse.
Des chercheurs de la commission Bouchard-Taylor reprochent au gouvernement d'imposer aux immigrants un "agacement de plus, parmi tous les obstacles (imposés aux) candidats à l'immigration". Cette accusation est totalement injustifiée. L'immigration n'est pas un droit; c'est un privilège qu'octroie le pays d'accueil. Nos immigrants sont choisis, et à ce titre, il est normal qu'ils passent par un processus rigoureux de sélection. Cette déclaration d'intention n'agacera que ceux qui ont l'épiderme trop sensible pour s'adapter à une autre société.
Le problème, c'est que ce message s'adresse aux mauvais interlocuteurs. Les candidats à l'immigration choisis par le Québec sont généralement instruits et bien informés. Ils savent très bien que le Québec est une société occidentale et francophone qui adhère aux valeurs des démocraties libérales. Ce ne sont pas ceux-là qui auraient besoin de se faire rappeler cette réalité, mais les étudiants munis de visas temporaires, les immigrants admis au titre de la réunification familiale et les demandeurs d'asile, qui tous échappent au processus de sélection, les deux dernières catégories relevant en outre de la juridiction fédérale.
Autre problème, la formulation laisse place à l'équivoque. Exemple: "La société québécoise est basée sur la primauté du droit". À quoi un intégriste islamiste dirait que lui aussi croit à la primauté du droit... tel que défini par la charia, qui est effectivement une sorte de code civil.
Le pacte québécois est modelé sur le "contrat d'intégration" que s'est donné la France l'an dernier, à cette différence près que dans le modèle français certains énoncés sont plus clairement formulés: ainsi l'on précise carrément que "la polygamie et les mariages forcés sont carrément interdits" (on aurait pu aussi mentionner l'excision).
La France exige en outre que l'immigrant ait une connaissance minimale du français - une exigence compréhensible en France, qui n'est pas, comme le Canada, un pays d'immigration, et où les candidats à l'immigration se réclament du droit à la réunification familiale.
Le Québec mise au contraire sur la francisation suivant l'immigration. Le contraire serait suicidaire: veut-on se priver du médecin indien, de l'infirmière philippine ou de l'horloger bulgare dont on a tant besoin?


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