Le DG adjoint de la municipalité de Weedon, chargé d’accompagner une entreprise qui veut construire une méga-usine de pot médical, a aussi été le partenaire d’affaires d’un des actionnaires de cette même compagnie, a découvert notre Bureau d’enquête.
« C’est une situation bizarre, ça ne marche pas des affaires comme ça », affirme l’ex-ministre des Affaires municipales Rémy Trudel, professeur invité à l’École nationale d’administration publique.
Weedon est une petite ville de 2600 habitants en Estrie, qui, avec un nom taillé sur mesure, rêve de devenir la capitale du cannabis.
Elle en a fait l’annonce l’été dernier lorsqu’elle a signé un accord avec le producteur de pot MYM Neutraceuticals pour un projet de serre de cannabis.
Le directeur général adjoint de Weedon, Fabian Garcia, a été mandaté par la municipalité pour accompagner MYM Neutraceuticals et sa filiale CannaCanada. Pour ce faire, il porte un deuxième chapeau, celui d’agent de développement pour la Corporation de développement économique (un OBNL créé par la municipalité et financé avec des fonds publics).
À ce titre, M. Garcia collabore notamment avec Antonio Bramante, un consultant de CannaCanada, qui est également actionnaire « à moins de 10 % » de cette même entreprise.
Partenaires d’affaires
MM. Bramante et Garcia ont aussi été, jusqu’à tout récemment, partenaires d’affaires. Ils voulaient se lancer dans la culture du chanvre industriel sur les terres agricoles du fonctionnaire, situées à une trentaine de kilomètres de Weedon, à Bury.
Pour officialiser ce projet, M. Bramante a même déposé, en octobre dernier, une inscription au registre des entreprises du Québec (REQ).
Un fonctionnaire municipal et un promoteur peuvent-ils être partenaires d’affaires ?
« Ça induit toute sorte d’apparences de conflit d’intérêts, déplore M. Trudel. En administration publique, les apparences sont aussi graves que les conflits d’intérêts eux-mêmes. »
« Ce n’était pas un conflit »
Même s’il a été en affaires avec un investisseur qu’il doit accompagner à titre de fonctionnaire municipal, Fabian Garcia, lui, ne voit pas de conflit d’intérêts.
« Ce n’était pas un conflit [d’intérêts] tant que ça... parce que ça n’a pas été profitable », soutient-il, joint au téléphone.
« En travaillant pour la corporation de développement, j’ai une éthique à suivre », fait-il valoir.
Du reste, le jeune père de famille affirme qu’il n’avait pas le temps de s’impliquer dans son projet avec Antonio Bramante.
Il y a deux semaines, le dossier a donc été modifié au REQ pour faire inscrire la fin du mandat de Fabian Garcia.
Le maire n’y voit pas de problème
Le maire de Weedon, Richard Tanguay, ne voit pas de problème à ce que son directeur général adjoint ait été en affaires avec un investisseur dans un projet d’usine de cannabis.
M. Tanguay affirme qu’il était au courant des projets de culture de chanvre de M. Garcia, mais qu’il ne savait pas qu’il était inscrit au registre des entreprises avec Antonio Bramante.
Quant à savoir si cela pouvait poser problème, le maire répond : « Oui et non, il [M. Garcia] a le droit de faire pousser du chanvre comme agriculteur. Je ne vois pas de problème majeur. Le seul problème que je verrais c’est si Weedon lui achetait son chanvre. »
Il ajoute que la Ville veut encourager les producteurs agricoles de la région à faire la production de chanvre.
Le chanvre est une variété de cannabis qui est moins concentrée en THC. On peut utiliser les graines, les feuilles ou encore la tige pour fabriquer des textiles, notamment.
Toujours en attente
Le projet Weedon fait miroiter 400 emplois, une véritable planche de salut pour cette petite municipalité.
Ses promoteurs MYM et CannaCanada attendent toujours leur licence de Santé Canada. En plus de serres de cannabis médical, le projet comprend aussi un musée, une cafétéria, un restaurant, un hôtel, une clinique et un centre de recherche et d’innovation sur le cannabis.
Ce centre s’appliquera aussi à développer des applications pour le chanvre industriel, en collaboration avec la corporation économique de Weedon.
En janvier, MYM avait dû s’excuser auprès de Guy Lafleur après que notre Bureau d’enquête eut révélé que son président Yann Lafleur affirmait faussement, dans un communiqué, être le neveu du hockeyeur.