La Parti québécois est en crise. C'est évident. Mais pourquoi? Le réflexe premier des militants a été d'en attribuer la cause aux maladresses de leur chef André Boisclair et à son manque de leadership. Mais le mal est beaucoup profond, c'est celui d'un parti ossifié qui déploie de phénoménales énergies pour résister aux changements.
Cette rigidité est devenue évidente au printemps 2003, quand le PQ, sous la valeureuse direction de Bernard Landry, s'est littéralement fait planter aux élections générales, avec 33% des voix. Après une telle débarque, le réflexe normal d'un parti normal aurait été de faire un bilan, pour essayer de comprendre, pour voir ce qu'il fallait changer.
Au delà des causes immédiates, comme l'usure du pouvoir ou les aléas d'une course à trois, cette défaite avait des causes plus profondes, peut-être la personnalité de M. Landry, sans doute l'impopularité d'une social-démocratie orthodoxe auprès d'une population qui a appuyé des partis prêts à remettre en question le modèle québécois, certainement aussi l'absence de ferveur face au projet souverainiste. À tout le moins, ce sont des questions que les péquistes devaient se poser. Ils ne l'ont pas fait, pour des raisons internes et externes.
À l'interne, on a commencé par mettre de côté la question du leadership, dès que Bernard Landry a choisi de rester en poste. Ensuite, ce fut l'échec de la "saison des idées", une période de réflexion qui s'est transformée en rituel liturgique de réaffirmation des dogmes. Au lieu d'être à l'écoute des Québécois, les péquistes se sont lancés dans une fuite en avant, en adoptant un programme gauchisant sur les questions économiques et sociales et en durcissant le ton sur l'indépendance, notamment avec l'élimination de l'idée de partenariat et la promesse d'un référendum rapide.
Ce refus des remises en cause a été encouragé par des conditions externes, surtout la remontée du PQ qui recueillait 50% des intentions de vote. Ce succès inespéré a enlevé le goût de l'introspection à des militants certains que c'était dans le sac: une victoire facile contre Jean Charest, un référendum rapide et un nouveau pays. Sans réfléchir au fait que la remontée du PQ ne reposait pas sur une tendance lourde, mais sur des facteurs extérieurs incontrôlables, comme le scandale des commandites et les gaffes de Jean Charest.
Le PQ a bien sûr été ébranlé par la démission-surprise de Bernard Landry, parti sur un coup de tête. Mais la lutte au leadership s'est déroulée dans un climat euphorique parce que la victoire électorale semblait certaine, et sans permettre les nécessaires débats de fond, parce que les candidats devaient adhérer au programme et à ses dogmes. Cela a amené le PQ à choisir non pas un bon premier ministre mais le politicien qui leur semblait le plus apte à décrocher un maximum de oui au référendum, soit André Boisclair, médiatique mais pas prêt.
La victoire de M. Boisclair reposait toutefois sur un malentendu. Celui-ci a été élu au suffrage universel, par de simples membres, ou par des nouveaux venus au PQ, moins fervents, sans doute ouverts à l'idée de changement. Mais les vrais péquistes, eux, les militants de la première heure, la gauche syndicale, les gardiens de la vieille orthodoxie social-démocrate, les durs de la souveraineté, n'ont jamais fait confiance à André Boisclair, trop mou sur la souveraineté et trop à droite. Et ce sont eux qui contrôlent le parti.
Le désaccord idéologique s'est transformé en crise quand les sondages ont montré que la victoire électorale était en train d'échapper au PQ. La bulle s'est crevée, et les péquistes, confrontés au réel, voyant le rêve d'une victoire référendaire leur échapper, se sont retournés contre leur chef. En oubliant que la remontée de Jean Charest s'expliquait moins par les gaffes d'André Boisclair que par des facteurs objectifs, comme l'épuisement du scandale des commandites, la nouvelle donne à Ottawa et l'apprentissage du pouvoir par l'équipe libérale.
Et ce à quoi on assiste, c'est encore une fois au même mécanisme de repli sur soi. Au lieu de réfléchir, le PQ, dans un cul-de-sac, se braque. Les vieillards ressortent, Yves Michaud, Jacques Parizeau qui prodigue des conseils, Bernard Landry qui rêve d'un putsch.
Et l'on peut déjà parier que les gardiens de l'orthodoxie vont probablement se rallier au nouveau chef en tentant de le ramener dans le droit chemin et en le forçant à mettre la pédale douce sur ses rêves de changement. C'est déjà commencé. M. Boisclair, après une rencontre du caucus du parti, promettait hier un référendum rapide et tendait la main aux syndicats.
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