Si l’on en croit les dernières projections du ministère fédéral des Finances, Ottawa accumulerait les déficits chaque année jusqu’en 2050 en s’en tenant au scénario actuel de revenus et de dépenses. Un constat spectaculaire qui appelle certainement quelques nuances.
Chaque année, le ministère fédéral des Finances ajoute à ses prévisions de court terme des projections à très long terme construites sur la base d’hypothèses, dont certaines sont fiables, d’autres plus spéculatives, voire carrément politiques.
Parmi ces hypothèses, mentionnons la croissance prévisible de la population active et celle du nombre de prestataires de la Sécurité de la vieillesse, la croissance de la productivité et celle du PIB auxquelles il faut ajouter les projections de dépenses et de revenus de l’État comme s’il était éternellement dirigé par le même gouvernement. Spéculation, dites-vous ?
Ces précisions étant apportées, si la tendance actuelle se maintient, comme disent les prévisionnistes, Ottawa enregistrera un déficit compris entre 14 et 30 milliards chaque année d’ici 2050, ce qui ferait passer sa dette de 746 milliards aujourd’hui à 1554 milliards en 2050 !
Il va sans dire qu’une telle projection a de quoi faire bondir l’opposition conservatrice, pour qui le mot déficit est synonyme de cataclysme. D’autant plus que les précédentes projections effectuées sous Stephen Harper laissaient croire à la disparition complète de la dette vers 2038 suivie d’un surplus spectaculaire de 220 milliards en 2050 et une réserve accumulée entre-temps de 1700 milliards…
Que s’est-il passé en deux ans pour qu’on en vienne à un tel écart dans un scénario concocté par le même ministère ?
La réponse tient évidemment aux hypothèses évoquées plus haut. Côté démographie, les données sont à peu près les mêmes. En revanche, alors que le scénario conservateur misait sur un surplus budgétaire continu à partir de 2015-2016, les libéraux ont choisi de dépenser plus que leurs revenus pour stimuler la croissance, provoquant un effet boule de neige sur la dette à long terme et sur les intérêts à payer chaque année.
Ajoutons à cela une productivité du travail et des revenus pétroliers moins importants que prévu par les conservateurs, des prestations pour enfants plus coûteuses, le maintien de la Sécurité de la vieillesse à 65 au lieu de 67 ans, et nous voilà en 2035 avec un déficit libéral de 39 milliards au lieu d’un excédent conservateur de 50 milliards, l’écart allant en s’accentuant naturellement par la suite.
Rassurons-nous, il s’agit d’un exercice théorique destiné à faire ressortir les tendances inhérentes aux choix politiques effectués par les gouvernements. Alors que les conservateurs voyaient dans la lutte contre le déficit un passage obligé pour nous conduire dans la spirale d’un État fédéral minimal — réduction de services, surplus budgétaires, baisse d’impôt —, l’option libérale nous ramène à l’époque de l’État interventionniste du duo Trudeau-Lalonde.
À première vue du moins. Car il n’est pas certain que le jeune Trudeau suivra les traces de son père en matière d’endettement. D’abord, il faut relativiser les chiffres. Même à 38 milliards par année, le déficit ne représenterait que 1 % du PIB en 2035. Quant à la dette en pourcentage du PIB, même à 1554 milliards en 2050, elle ne compterait que pour 21 % du PIB contre 30 % aujourd’hui.
Cela dit, le modèle ne prévoit pas de récession, ce qui est un non-sens absolu. Or, une seule crise majeure suffirait pour faire exploser le déficit de plusieurs dizaines de milliards par année pendant plus d’une décennie.
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