Toujours pas de comité fédéral sur le français

Annoncé il y a un an, le comité devait être chargé d’évaluer la vitalité du français dans les entreprises fédérales du Québec


Un an après l’annonce de sa création par Ottawa, le comité pour évaluer la vitalité du français comme langue de travail dans les entreprises fédérales au Québec n’a toujours pas vu le jour.
Pour le ministre responsable de l’initiative, Christian Paradis, ce dossier est suffisamment important et délicat pour qu’il prenne le temps de faire les choses correctement.
Mais pour l’opposition, cette excuse ne tient pas la route. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) croit que l’annonce du comité en novembre 2011 a été faite uniquement pour sauver les apparences et calmer le jeu, peu après que le gouvernement a fait des choix contestés, soit la nomination d’un juge unilingue anglais à la Cour suprême et d’un vérificateur général qui ne parle pas français.
L’unilinguisme de l’anglophone John B. Cieslak, premier vice-président des technologies de l’information de la Banque Nationale, avait aussi fait manchettes à cette époque. Le secteur banquier n’est pas soumis à la Charte québécoise de la langue française, puisqu’il relève d’un champ de compétence fédérale.
Le NPD considère que l’absence d’action et de gestes concrets pendant un an démontre que le respect du français n’est pas un dossier important pour le gouvernement Harper. « Moi, je ne crois pas en Stephen Harper et la francophonie. Quand il a créé son comité, c’était plutôt pour modérer les choses, faire croire aux gens qu’il allait faire quelque chose », a commenté le porte-parole du NPD en matière de langues officielles, Yvon Godin.
Selon lui, quand le gouvernement veut réellement quelque chose, il est capable d’agir rapidement. Il cite en exemple le projet de loi C-38 pour la mise en oeuvre du budget, un projet omnibus qui modifiait 70 lois, et qui a été étudié et adopté en un mois.
Le comité consultatif annoncé par Ottawa devait étudier l’utilisation du français dans les entreprises privées du Québec relevant d’un champ de compétence fédérale et ainsi déterminer si leurs employés sont pleinement en mesure de travailler en français.
Pour la députée du Bloc québécois Maria Mourani, cette idée de comité n’était qu’un écran de fumée il y a un an, et le fait que rien n’ait été fait depuis le confirme. Puisque le comité a été annoncé, le gouvernement doit tenir parole et agir, soutient-elle. « C’est pour faire de la diversion et ne pas faire le débat là-dessus », a-t-elle déclaré sur l’annonce de 2011.
Et aujourd’hui, elle ne comprend pas pourquoi l’initiative n’a pas progressé. « Ce n’est pas compliqué mettre un comité sur pied », tranche Mme Mourani. « S’il [Christian Paradis] a besoin d’aide, qu’il m’appelle », a-t-elle lancé.
« C’est une façon directe de dire : “on s’en occupe, ne nous en faites pas”. Puis en même temps, on ne fait rien. Parce que c’est un débat qui est très très très chaud au niveau du Canada anglais. Pour eux, la loi 101, c’est un peu un crime de lèse-majesté. »
Le ministre Christian Paradis assure que le comité verra le jour. Alors qu’on lui demandait pourquoi le nom des membres du comité n’avait pas encore été dévoilé un an plus tard, il n’a pas voulu révéler ce qui avait été accompli depuis ce temps. « Ce n’est pas une question de trouver des membres ou rien. C’est sûr que le NPD essaie d’embarquer dans la procédure et de discréditer le processus. On n’embarque pas là-dedans », a déclaré le ministre de l’Industrie lors d’une entrevue avec La Presse canadienne.
Dossier délicat
Christian Paradis a répété que des annonces seraient faites en temps et lieu, après une réflexion « sérieuse et réfléchie ». « Quand ce sera le temps de faire des annonces, on va le faire », a répété le ministre fédéral à plusieurs reprises en réponse à diverses questions.
Il n’a pas non plus voulu fournir de date, mais dit espérer « faire une annonce prochainement ».
Le ministre avait déjà eu à se défendre en Chambre pour ne pas avoir encore mis sur pied le comité et avait fourni des réponses similaires.
Une source proche du ministre a toutefois précisé que l’enjeu est tellement « sensible et sérieux » que le gouvernement veut éviter de « politiser » le dossier, et souhaite ainsi prendre le temps nécessaire.
L’opposition affirme ne pas avoir été consultée pour la sélection des membres du comité ni pour formuler son mandat exact.
Le Bloc québécois réclame depuis des années l’application de la loi 101 aux entreprises oeuvrant relevant d’un champ de compétence fédérale en sol québécois et a déposé des projets de loi aux Communes dans ce but.
Le NPD a quant à lui déjà formulé l’an dernier une nouvelle mouture d’un projet de loi allant dans le même sens. Il vise à imposer le français comme langue de travail dans les institutions fédérales au Québec, avec toutefois la possibilité d’exempter certains employeurs.


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