16 novembre 2012 – L’affaire est partie de rien… Le 7 novembre, le monde-Système s’ébattait dans la très courte mais très jubilante et auto-congratulatrice exultation de la réélection de Barack Obama, l’homme dont la vertu principale et le programme audacieux pour résoudre la crise terminale du Système sont exprimés par l’observation hautement rassurante du «I am cool, and I know that you know that I am cool…». Vpyons le rien : un citoyen anonyme de Louisiane dépose une proposition de pétition demandant la sécession de la Louisiane.
(La Louisiane, ce n’est pas indifférent, notamment parce que c’est l’État de Katrina, mais aussi d’autres choses. Le 5 novembre 2008, le commentateur Charles Cook écrivait :
«As this campaign draws to a close, I'm reminded of what happened last year in my home state of Louisiana. For more than three-quarters of a century, Louisiana has suffered from what were frequently some of the worst public policy decisions imaginable. Sadly, competence and farsightedness among the state's top officials were the exception rather than the rule. Throw in the lousy luck of being hit by Hurricane Katrina in 2005, and the state's saga was really distressing.»
Nous avions vu un long documentaire de Spike Lee sur Katrina, où nombre de personnalités de Louisiane parlait de cet État, l’un des plus pauvres des USA, comme d’une entité « colonisée » par le « centre » [Washington, D.C.], avec les revenus du pétrole exploité au large de la Louisiane gérés directement à Washington pour être recyclé vers les pétroliers, sans la moindre redevance pour l’État de Louisiane. Ceux qui font profession du « devoir de repentance » pour nos colonies devraient s’intéresser à la Louisiane, notamment.)
Nous-mêmes avons été, comme c’est normal, surpris par ce mouvement, non sans tout de même le noter. Nous sommes passés ainsi d’un intérêt folklorique et accessoire à l’intérêt tout court. Notre série de « mises à jour » du texte du 14 novembre 2012, dont le sujet de départ était développé alors même que nous ignorions le mouvement, rajouté par nous in extremis, témoigne de cette ignorance et de cet éveil de l’intérêt…
«Première mise à jour : […]dans la nuit du 13 au 14 pour l'Europe, le site Infowars.com annonçait que le nombre d'Etats ayant émis de telles pétitions populaires était passé à 34, dont notamment la Californie en plus.
»Deuxième mise à jour, ce 14 novembre 2012 à 08H30 : les 50 États sont touchés par ce phénomène.
»Troisième mise à jour, ce 14 novembre 2012 : le nombre de signatures demandant la sécession du Texas atteint désormais le chiffre de 70.000 et nécessitera une réponse du président.»
Depuis, c’est-à-dire en l’espace de quelques heures, l’affaire est devenue, comme l’on dit, virale sur l’Internet US. Hors des USA, seuls les Russes (Russia Today) suivent l’affaire, parce qu’ils ont chez eux une vieille tradition d’analyse, appuyée sur le précédent de l’URSS autant que sur des intuitions typiquement russes, pour surveiller l’évolution de la situation selon la prévision d’une dislocation des USA.
Voici quelques données et références à ce propos, dans lesquelles nous signalons la réapparition de Ron Paul, avec des appels qui lui sont lancés pour qu’il prenne la tête du mouvement « sécession pour tous » (Cela, l’affaire “sécession pour tous”, vue comme une initiative furieuse, extrémiste et désespérée, pour tenter de se libérer du carcan d’un Système en folie autodestructrice, dont le centre principal se trouve à Washington D.C.)
Dans ces réactions, le site Infowars.com, d’Alex Jones, assez hésitant sinon inattentif au départ du mouvement, a désormais pris une part prépondérante.
• A tout seigneur, tout honneur : L’intervention de Ron Paul est présentée sur Infowars.com par Paul Joseph Watson, le 15 novembre 2012. En lisant Ron Paul, on retrouve les thèmes essentiels du constitutionnaliste et de la place du droit à la sécession dans la Constitution des États-Unis.
Il s’agit d’une réflexion importante ; théorique, certes, pour l’instant, en fonction des chances qu’un tel mouvement puisse aboutir ; pas nécessairement théorique, dans la mesure où les choses vont si vite qu’une perspective impensable aujourd’hui peut devenir concevable, littéralement demain ; de toutes les façons, réflexion importante, qui dépasse le cadre des USA pour concerner celui de l’Europe, par exemple…
«Congressman Ron Paul reacted to the secessionist movement sweeping America today by reminding people that the United States seceded from the British empire, while slamming those who suggested their fellow Americans should be deported merely for talking about the idea.
In the aftermath of petitions from all 50 states to secede being posted on the White House website and signed by over a million Americans, the secessionist movement has been portrayed as anti-American, unpatriotic and even treasonous. In reality, as Ron Paul has emphasized, it is as American as apple pie and George Washington.
Paul updated his thoughts on secession during an appearance on C-Span today, noting how “The founders believed in it, there’s no prohibition in the Constitution against secession,” adding that the union was voluntary and therefore secession was also voluntary under the tenth amendment…
“They want to put them on a list that they’re committing treason, put them in prison or throw them out of the country – what about the First Amendment,” asked Paul in response to calls by some on the left to have pro-secessionists deported… “The principle of secession is very important, not so much for the purpose of seceding, but the purpose of saying to the federal government ‘if you mistreat us that’s what we might consider’,” said Paul, noting that New England talked about secession in the early 19th century and was not condemned for doing so.
Paul explained that the principle was really about states nullifying laws that were anathema to the Constitution. “Nullification is the same thing – what if states could nullify the law? Look how wonderful it would have been to solve the problem of Obamacare if the states could just nullify the thing and get out of it, so nullification and secession should always be there,” said Paul.»
• Le 15 novembre 2012, le site Washington’s blog publiait une longue analyse du mouvement, donnant surtout des détails chiffrés, des déclarations, des appréciations, etc., ainsi que les détails des diverses pétitions embrassant les cinquante États de l’Union. Russia Today en donnait également une appréciation le même 15 novembre 2012. Au travers de ces diverses sources, on peut apprécier l’ampleur, le rythme du mouvement, son sérieux, etc…
A 18H00, mercredi, le cap des 675.000 signatures électroniques pour toutes les pétitions était dépassé (selon Washington.blog). A minuit, ce même mercredi on atteignait 703.326 signatures (selon Russia Today). Alex Jones, de Infowars.Com, affirmait, dans son émission du jeudi soir, que le million de signatures avait été dépassé. (A ce moment, la pétition du Texas atteignait 107.000 signatures.)
• Des personnalités impliquées en premier dans les buts d’un tel mouvement, c’est-à-dire les gouverneurs des États, répondent en général d’une manière contrainte et assez peu à l’aise. De toutes les façons, il n’est pas question pour eux de rejeter brutalement ou ne la prenant pas au sérieux l’option de la sécession, mais de la noyer dans des paroles lénifiantes.
Comme d’habitude, c’est le gouverneur du Texas, Parry, qui est le moins réticent, lorsqu’il dit que la sécession est une option très viable pour le Texas mais que le temps n’est pas encore venu, ou que le temps n’est pas encore propice, pour l’envisager.
D’autres réponses de gouverneurs, selon Russia Today, plus ou moins nuancées, ou ambigües : « I don’t think that’s a valid option for Tennessee, » Gov. Haslam (R) said on Tuesday, the Tennessean reports. « I don’t think we’ll be seceding. » A spokesperson for the top official in Alabama issued a similar statement to AL.com on Tuesday, saying that « While there is frustration with the federal government, Governor Bentley believes that states can be great laboratories of change. »
• Alex Jones, pétroleur antimondialiste notoire et éditeur très influent du site Infowars.com et de la station radio qui lui est adjointe, précisait ses propres conceptions selon l’idée « Pourquoi les États de l’Union doivent faire sécession pour sauver l’Amérique », ou sous une autre forme « Les États de l’Union doivent faire sécession du Nouvel Ordre Mondial » (voir infowars.comw le 15 novembre 2012 et le 15 novembre 2012) : « Radio host Alex Jones today called for a second American Revolution led by states who would secede from the federal government and reconstitute the Republic under the terms of the Declaration of Independence, bill of rights and constitution. »
• Une polémique est née autour du mouvement, à la suite de prises de position de sites libéraux et progressistes, pro-Obama, qui recommandent que les Américains signataires de pétitions sur la sécession soient déportés, – sans doute dans un Goulag à Gaza, après être passés dans le centre de triage de Guantanamo. (Voir Infowars.com, le 15 novembre 2012.)
C’est l’occasion qui est saisie, par les partisans de la sécession, pour rappeler que de nombreux démocrates avaient eu cette attitude et cette riche idée de réclamer eux-mêmes la sécession après la réélection de GW Bush, en 2004. Le Washington Times du 9 novembre 2004 écrivait : « One popular map circulating on the Internet shows the 19 blue states won by Sen. John Kerry – Washington, Oregon, California, Minnesota, Wisconsin, Michigan, Illinois, Maryland and the Northeastern states – conjoined with Canada to form the “United States of Canada.” The 31 red states carried by Mr. Bush are depicted as a separate nation dubbed “Jesusland.” The idea isn't just a joke; one top Democrat says, “The segment of the country that pays for the federal government is now being governed by the people who don't pay for the federal government.”»
• Du coup, et puisque nous y sommes, certains ressortent les thèses désormais classiques sur l’éclatement des USA, et notamment les thèses du Russe Panarine (voir plusieurs de nos articles où il en est fait mention, le 16 novembre 2008, le 14 octobre 2009, le 6 novembre 2009). Le site SHTFplan.com se charge de ce rappel, le 15 novembre 2012.
« Amid hundreds of thousands of signatures calling for secession of individual states from the United States of America, one can’t help but consider the past warnings of former KGB analyst and Russia’s head of the Foreign Ministry for Diplomats, Igor Panarin, who in 1998 theorized that the United States could potentially break up into six autonomous regions. In brief, according to the Washington Post, Panarin says that mass immigration, economic decline, and moral degradation will trigger a civil war and the collapse of the dollar…»
Voyage entre deux « riens »
Il ne s’agit pas, ici, évidemment, d’envisager les chances de « succès » d’un tel mouvement. Il n’y a aucune chance (nous envisagions 1%, mais ne serait-ce pas plutôt 0,1% ?), pour que ce mouvement aboutisse à quoi que ce soit de concret, encore plus dans le sens apparemment désiré de la sécession, aucune vraiment…
Là-dessus, il est absolument évident que, dans ces temps que nous vivons, tout peut arriver, comme chacun devrait avoir la prudence de savoir, y compris que quelque chose de fondamentalement explosif et d'impossible à envisager sorte de ce mouvement, « y compris dans le sens apparemment désiré de la sécession ».
Ainsi l’époque nous enseigne-t-elle de nous conduire lorsqu’il nous prend de nous adonner au jeu dérisoire de la prévision ; pour paraphraser l’esprit de la phrase stupide à force d’un nihilisme bien britannique de Churchill : rien ne peut sortir d’un mouvement de cette sorte, à part que ce “rien” nous indique la seule chose d’où quelque chose puisse encore survenir. (Et cela considéré, alors qu’il est par ailleurs évident que, dans les conditions actuelles, quelque chose doit survenir. Rien n’est simple.)
Ce qui est impressionnant, sans aucun doute, c’est l’évidence du phénomène ; ce qui est impressionnant, ce sont les conditions de la naissance et de la diffusion du mouvement, pas loin d’être l’enfant du hasard lorsque le hasard serait l’outil de la nécessité, mais nullement la nécessité du savant qui se croit humaniste, plutôt la nécessité d’au-dessus de nous, qui aurait tout à voir avec une force transcendante animée en riposte hautaine et décisive, du fait des conditions imposées par le Système ; ce qui est impressionnant, c’est le rythme du mouvement qui est d’abord une dynamique qu’on croirait justifiée par sa seule légitimité du refus du Système ; ce sont son rythme, son extension, la rapidité de son extension, etc., – l’espèce de diffusion générale, comme une marée, qui semblerait retrouver les conditions historiques de la constitution des États-Unis, État par État…
Dans ce cas excellemment démontrée, on comprend que l’idée de la “sécession” n’est désormais plus un tabou pour la psychologie américaine (non pas américaniste), alors qu’elle le fut si longtemps, jusqu’à terroriser la psychologie américaine au nom de l’américanisme impératif, après que les routes du Sud aient été terrorisées par le feu et par le sang des colonnes de Sherman poussant vers Atlanta, jusqu'à Savannah.
La situation est ici très différente de celle que nous avons mentionnée pour le cas de 2004, dans le chef de l’organisation effective du mouvement, de sa réalisation. Il y a là le signe d’un formidable bouleversement des psychologies américaines (pas américanistes), rejetant la terrorisation imposée par le Système.
Personne n’a cherché ce bouleversement psychologique ni ne l’a organisé, il s’agit bien d’une révolution psychologique voulue par les pressions de la métahistoire mettant en évidence que, pour affronter le Système il faut pulvériser tous les tabous.
L’idée (de cette révolution psychologique imposée par des forces extérieures) est exprimée in fine ou dans ses grandes lignes, mais sans aller jusqu’à la psychologie fondamentale qui nous importe par les liens qu’elle établit avec les forces métahistoriques, par un auteur libertarien, Ryan McMaken, le 15 novembre 2012 sur MI>LewRockwell.com :
« I have no illusions about this latest secession petition phenomenon. Nothing will directly come of this, and the people who are behind it are mostly people who would be singing “God Bless America” at the tops of their lungs had Mitt Romney been elected. On the other hand, it sure has a lot of people talking about secession, which shows that the idea of it remains an important part of the American political consciousness. »
…Mais, d’autre part, en aucun cas le fondement de ce mouvement n’est véritablement la recherche de la sécession en tant que telle, sinon la sécession perçue comme un moyen pour l’instant dialectique, une hypothèse pour le moment institutionnaliste, qui exprime une fureur générale de la population et prend nécessairement l’allure d’un système antiSystème.
Il s’agit d’une révolte qui ne sait pas encore qu’elle est une révolte, bien qu’elle se répande évidemment au nom d’un sentiment de révolte… Il n’empêche qu’elle pourrait bien vite se concrétiser dans une argumentation extrêmement solide et qui s’exprimerait en un projet bien concret, comme la chose l’est désormais d’une façon soutenue au Texas, un État qui ne manque pas d’arguments à cet égard…
Cela ne signifie pas que nous applaudissions le Texas, ni que nous jugions miraculeux qu’existe un jour, à nouveau, un Texas indépendant, ni que nous ayons une affection particulière pour le Texas, cet État particulièrement similaire dans ses comportements et ses conceptions à ce que prône le Système.
Cela signifie que le Système, – c’est-à-dire USA/Washington D.C. dans ce cas, – montre son extraordinaire vulnérabilité et son extraordinaire fragilité face à la moindre résistance, à la moindre révolte capable de s’exprimer d’une façon structurelle, même venue de quelque chose qui est le clone de lui-même.
Cela montre que le dégoût antiSystème, la fureur antiSystème est partout, qu’elle se trouve même chez ceux qui occupent des places de choix dans le Système, ou qui font profession de soutenir le Système, ou qui sembleraient être le Système lui-même.
Ce mouvement, les pétitions en faveur de la sécession, est né de rien. Il est tellement probable qu’il débouchera sur rien que c’est dit. En attendant, il prend, entre ces deux “rien” des proportions formidables, une allure d’aimant gigantesque qui attire les gens par milliers et centaines de milliers et crée ainsi une montagne, une sorte d’Himalaya de sa façon, – une autre, d’une certaine façon.
Pendant ce temps, il semblerait que l’on sente poindre une certaine panique chez diverses autorités. La presse-Système nous informe abondamment en ne nous parlant de rien, puisqu’il n’y a “rien ” au départ et “‘rien” à l’arrivée, donc qu’il est inutile de nous en dire plus, à propos de l’entre-deux “rien”.
Qui a vu venir ce mouvement sans queue ni tête et complètement décalé, sans espoir de rien donner de sérieux ? Qui a vu venir l’“Himalaya” né de la “souris-Système” qu’est le scandale Petraeus ? Le fait est que, du côté des vigies du Système, on navigue à vue par les temps qui courent, qui rendent cette fin d’année 2012 terrible et complètement effrayante.
La réinstallation d’Obama réélu au son de nos flons-flons satisfaits se déroule dans un climat incertain, presque irréel, qui est complètement inattendu. Elle est, pour l’instant, encombrée de débris fort déplacés où le président réélu n’a guère de place où poser ses projets pour son deuxième mandat ; l’on guette en vain les échos de le gloire formidable que nous promettait cette cérémonie grandiose de la postmodernité, – la reconduite dans ses fonctions, du premier Président africain américain des États-Unis, – selon l’idée somme toute honorable qu’un “rien” en place, habile à paraître parce qu’il est cool et qu’il sait que nous savons qu’il est cool, vaut mieux qu’un “rien” qui ne parvient même pas à cacher qu’il l’est décisivement et complètement avant même d’avoir commencé à essayer, sans espoir, de ne pas l’être.
Enfin, nous en sommes là, pour conclure que ce mouvement étrange, qui a réuni un million de signatures en huit jours, n’a évidemment rien de sérieux, non plus que l’idée même de la sécession qui est un écho archaïque du passé, – comme ils disent.
Cela fort bien entendu, il est évident que l’éclatement de l’Amérique, c’est-à-dire la sécession interprétée à telle et telle sauces, est le seul destin sérieux que l’on puisse voir à cette puissance en train de s’effondrer et de se dissoudre ; il est évident que ce sera le plus grand événement qu’on puisse attendre et fiévreusement espérer ; il est évident que ce sera l’événement qui sonnera le glas du Système (voir notre texte du 5 février 2009).
Il suffira donc de parvenir à concilier ces différentes propositions, entre ce qui est jugé sans appel comme impossible et ce qui devra nécessairement se faire… La métahistoire, qui a déjà accompli un beau travail en en voyant d'autres, s’arrangera pour le faire.
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