Le groupe français Total sera jugé en correctionnelle pour «corruption d’agents publics étrangers» en marge de contrats pétroliers et gaziers conclus en Iran dans les années 1990.
Son ancien PDG, Christophe de Margerie, avait également été renvoyé pour ce même chef le 15 octobre, a indiqué mardi à l’AFP une source judiciaire, confirmant une information de Charlie Hebdo. Mais les poursuites le concernant se sont terminées avec son décès quelques jours plus tard à Moscou.
Cette enquête ancienne porte sur un peu plus de 30 millions de dollars qui auraient été versés à partir d’octobre 2000 en marge de deux contrats du géant français en lien avec l’Iran dans les années 1990, sur fond d’embargo américain.
Le principal contrat, d’une valeur de 2 milliards de dollars, avait été conclu le 28 septembre 1997 avec la société pétrolière nationale iranienne NIOC et concernait l’exploitation - par une coentreprise réunissant Total, le russe Gazprom et le malaisien Petronas - d’une partie du champ gazier de South Pars au large de l’Iran, dans le Golfe. Washington avait menacé les pétroliers de sanctions pour ces investissements.
Le second contrat visé par l’enquête avait été conclu le 14 juillet 1997 entre Total et la société Baston Limited. Il était lié à un important accord conclu deux ans plus tôt, le 13 juillet 1995, pour l’exploitation des champs pétroliers iraniens de Sirri A et E, également dans le Golfe.
Total avait alors bénéficié du retrait de l’Américain Conoco, contraint de céder la place après que l’administration Clinton eut décrété un embargo total sur l’Iran.
Dans l’enquête ouverte en France fin 2006, Christophe de Margerie avait été mis en examen en 2007 par l’ancien juge d’instruction Philippe Courroye pour «corruption d’agents publics étrangers» et «abus de biens sociaux». M. de Margerie était à l’époque des faits directeur pour le Moyen-Orient du géant français.
- «Réels problèmes juridiques» -
Les juges d’instruction ont finalement ordonné en octobre le renvoi en correctionnelle de Total et de Christophe de Margerie pour les faits de «corruption d’agents publics étrangers», selon la source. Ils n’ont pas retenu l’abus de biens sociaux contre le patron du groupe.
Christophe de Margerie a péri dans la nuit du 20 au 21 octobre quand son Falcon a percuté un chasse-neige au décollage à l’aéroport Vnoukovo de Moscou.
Deux intermédiaires iraniens sont également renvoyés pour complicité: l’homme d’affaires et lobbyiste Bijan Dadfar, qui travaillait pour Baston Limited, et Abbas Yazdi, un consultant pétrolier.
Interrogé sur cette affaire en juin 2013, alors que le parquet de Paris venait de requérir son renvoi et celui de Total, Christophe de Margerie avait réfuté les accusations de versement «de pots-de-vin» ou de «rétrocommissions»: «ce que nous avons fait dans les années 90 était effectivement conforme à la loi», avait-il déclaré au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI.
Sollicité par l’AFP, l’avocat de Total, Me Daniel Soulez-Larivière, a estimé mardi que ce dossier posait «de réels problèmes juridiques».
D’une part parce que les contrats sont antérieurs à l’entrée en vigueur en France en 2000 de la convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prohibant la corruption d’agents publics étrangers.
D’autre part parce que, visé par des poursuites aux Etats-Unis pour ces contrats, Total a accepté en 2013 de transiger pour clore la procédure, moyennant le versement de près de 400 millions de dollars. Or, selon la règle dite du «non bis in idem», nul ne peut être poursuivi ou puni plusieurs fois pour les mêmes faits, relève l’avocat.
Première entreprise de l’Hexagone par les bénéfices et deuxième par la capitalisation boursière, Total avait bénéficié en juillet 2013 d’une relaxe dans le procès «pétrole contre nourriture». Mais le parquet a fait appel de cette décision.
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