Pour bien des chefs d’État se rendant aux États-Unis, un arrêt par Ottawa est souvent une escale pratique. La première ministre britannique ne fera pas exception ce lundi alors qu’elle passera par la capitale canadienne avant de poursuivre son chemin jusqu’à New York. Mais Theresa May entend bien faire de son séjour plus qu’une visite de courtoisie. Elle prépare déjà l’après-Brexit et tente de s’assurer que le libre-échange avec son partenaire canadien se poursuivra le plus fluidement possible au-delà de 2019.
En entrevue avec Le Devoir, la haute-commissaire britannique en poste à Ottawa, Susan le Jeune d’Allegeershecque, explique que son pays cherche « à renforcer, à agrandir, à approfondir des relations » avec d’autres pays que ceux de l’Union européenne dont elle se sépare et que « cette visite sera le moment où nous allons dessiner le cadre de cette nouvelle relation » avec le Canada. Le libre-échange fait partie des questions à clarifier.
Le Canada vient tout juste de signer l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Union européenne (UE). Or, la Grande-Bretagne est de loin le pays européen avec lequel le Canada fait le plus affaire. Elle est la troisième destination en importance des exportations canadiennes, après les États-Unis et la Chine. Qu’arrivera-t-il au-delà de 2019, date à laquelle en théorie la rupture entre le Royaume-Uni et les 27 pays européens sera consommée ?
Officiellement, tant qu’elle fait encore partie de l’UE, la Grande-Bretagne ne peut entreprendre de négociations commerciales avec d’autres pays. Mais cela n’a pas empêché le ministre canadien du Commerce international, François-Philippe Champagne, d’avoir des conversations avec son homologue Liam Fox ou encore les fonctionnaires des deux pays de se parler.
« Ce sera important, une fois qu’on ne sera plus membre de l’Union européenne, de préserver pour nos entreprises respectives les bénéfices et d’avoir une transition rapide et sans problème vers une nouvelle relation commerciale », explique la haute-commissaire.
« On ne peut pas, tant qu’on est membre de l’Union européenne jusqu’en 2019, négocier. Mais on peut évidemment discuter un peu du genre de relation qu’on voudrait après, et c’est clair que l’AECG est le dernier accord signé. […] Il offre une base solide sur laquelle construire la nouvelle relation. »
La diplomate reconnaît qu’« il y aura une rupture » avec le Brexit et qu’un nouvel accord de libre-échange ne pourra entrer en vigueur immédiatement, « mais ce qui vient après ressemblera à mon avis très fort à ce qu’on a avec l’AECG », prédit Mme le Jeune d’Allegeershecque. Et il viendra le plus vite possible. « La continuité est très importante pour donner la certitude le plus possible aux entreprises qui n’aiment pas ne pas savoir. Cette continuité est notre objectif principal. »
Bombardier sur le radar
La rencontre de lundi entre Justin Trudeau et Theresa May sera probablement aussi l’occasion de discuter de Bombardier et du litige commercial qui l’oppose à son concurrent américain Boeing.
Boeing a déposé ce printemps une plainte à la Commission du commerce international des États-Unis alléguant que Bombardier liquide ses appareils de la C Series sur le marché américain à des prix « dérisoires ». Une victoire pour l’avionneur américain pourrait faire dérailler la C Series, dont les ailes sont fabriquées dans une usine de Belfast, en Irlande du Nord. Bombardier y emploie quelque 4500 travailleurs. D’où l’intérêt de Theresa May dans le dossier. Elle est intervenue directement auprès du président des États-Unis, Donald Trump, il y a deux semaines pour le convaincre d’intercéder dans le litige.
« Pour nous, c’est très, très important, et c’est très inquiétant ce qui se passe, lance Mme le Jeune d’Allegeershecque. On se tient côte à côte avec le gouvernement du Canada dans sa position vis-à-vis de Boeing et cette plainte, et on espère vivement que Boeing reconsidérera sa position. »
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