Le procès de Ghislaine Maxwell, qui se tient en ce moment, dévoile les dessous du monde de l’espionnage et ses pratiques les plus immorales. La réalité dépasse – et de loin – la fiction.
Sorti en avril 2018, à peu près au même moment que l’affaire Skripal (opposant services secrets britanniques, ou MI6, aux services secrets russes, ou FSB), le film Red Sparrow de Francis Lawrence est arrivé sur les grands écrans de nos salles obscures à point nommé.
Dans un contexte de « nouvelle guerre froide » entre Occident et Russie, le film met en scène une danseuse du Bolchoï obligée, suite à une grave blessure pas tout à fait accidentelle, à intégrer les rangs des services secrets russes. Elle devient ce qu’en Russie on appelle un « moineau rouge » (red sparrow en anglais), c’est-à-dire une espionne dont la spécialité est de se servir de ses attraits physiques comme arme ultime pour parvenir à ses fins. Les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur de l’État russe sont parfois neutralisés par le truchement du pouvoir de séduction de ces beauté slaves ; beautés dont la réputation a depuis des lustres largement dépassé les frontières de la Russie.
Le film nous plonge dans l’une de ces écoles où est prodigué à des nymphes à peine enlaidies par leurs uniformes grisâtres, outre que l’Occident est en proie à un irrépressible déclin qui risque de le mener tout droit à une guerre civile inter-ethnique (l’un des passages du film les plus intéressants du point de vue géopolitique), l’art de charmer des cibles en vue d’obtenir des avantages déterminés.
Cette œuvre assez médiocre mais plaisante à voir du cinéma grand public anglo-saxon fait écho à une histoire bien réelle signalée récemment dans les médias.
Contrairement à ce que nous laisse croire le film, les « moineaux rouges » ne sont pas, comme la vodka, les fusils AK47 ou le caviar, une spécialité à proprement parler russe. Un autre pays excelle dans l’utilisation de femmes capables d’user de leur charme en vue d’atteindre des objectifs stratégiques, qu’ils soient militaires, politiques ou économiques. Ce pays c’est Israël.
Une affaire qui s’est déroulée il y a plusieurs a démontré cette réalité. Le quotidien Le Monde a dévoilé qu’une « enquête, préliminaire, a été ouverte au cours de l’année 2017 pour intelligence avec une puissance étrangère contre un officier de la marine nationale, qui aurait été séduit par une espionne israélienne. »1 Si, pour l’heure, les investigations n’ont pas débouché sur des poursuites, cette histoire est révélatrice de la performativité du Mossad, les services secrets israéliens, en matière de formation et d’usage de « moineaux rouges ».
Cela met en lumière la vigueur du nationalisme israélien : des femmes sont prêtes à tout pour défendre leur patrie, cet havre de démocratie perdu au milieu dans un océan arabe qui lui est hostile, pour paraphraser le plus affabulateur de nos députés, Meyer Habib. Prêtes notamment à aller jusqu’à coucher avec des inconnus, si la réussite de leur mission l’exige. La D.G.S.E., dirigée depuis juin 2017 par Bernard Émié, l’apprit à ses dépens.
Une fois de plus notre « allié » israélien a missionné l’un de ses agents secrets pour s’ingérer dans les affaires françaises. Dans le film Les Patriotes d’Éric Rochant (1994), qui montre les agissements du Mossad à l’intérieur de notre pays, un ingénieur du nucléaire qui travaille au service de l’Irak de Saddam Hussein – ennemi d’Israël s’il en est – se voit contraint de renoncer après avoir subi un chantage de la part du Mossad, qui a dépêché l’un de ses agents féminins pour l’amener à coucher avec lui dans une chambre d’hôtel nantie d’une caméra cachée. Recevant la menace que la cassette contenant la vidéo de ses ébats adultérins pût être envoyée à son épouse, le physicien choisit de prendre une retraite anticipée.
Un tel procédé est un classique du genre. Le pianiste Stéphane Blet expatrié en Turquie a déclaré avoir entendu en loge (maçonnique) Serge Klarsfeld expliquer que c’est de cette manière que la communauté juive organisée a poussé le président Jacques Chirac à devoir se résoudre à commettre le discours du Vél’ d’Hiv’ imputant à l’État français la responsabilité de la déportation des juifs vers l’Allemagne nazie. Et à donner, de fait, des gages à la culture de la repentance et à la religion de la Shoah.
Depuis la lutte entre Joseph et la femme du pharaon Potiphar jusqu’à la science toxique de Sigmund Freud, la production littéraire juive souligne çà et là l’importance du sexe comme moteur social et comme instrument politique.
Le cas Vanunu
La red sparrow la plus renommée de l’État hébreu s’est illustrée au mitan des années 1980. Elle s’appelle Cheryl Ben Tov. D’origine américaine, elle est issue d’ « une riche famille juive d’Orlando »2, une ville se trouvant dans l’état américain de Floride. Adolescente, très affectée par le divorce de ses parents, elle se plonge dans l’étude de la religion juive, ce qui la conduit à partir visiter Israël, à vivre quelques mois dans un kibboutz. Le pays lui plaît, elle décide donc d’y rester, d’autant plus qu’elle tombe amoureuse d’Ofer Ben Tov, un Israélien, un vrai, un sabra, c’est-à-dire un juif né sur la terre d’Israël. Âgée de dix-neuf ans elle se marie avec lui. Ce Ben Tov n’est autre qu’un agent du Mossad. À leur mariage, sont présents nombre de ses collègues, dont un membre de la Melukha, le bureau de recrutement du Mossad. Ce dernier parvient vite à faire rentrer Cheryl au sein des services secrets israéliens.
Parmi les nombreuses questions qu’on lui posa lors des tests préliminaires à l’embauche effective, il y eut celle-ci : « Serait-elle prête à coucher avec un inconnu si sa mission l’exigeait ? »3 Elle répondit que « si le succès d’une mission en dépendait, elle était capable d’aller au lit avec un homme. Il ne serait pas question de plaisir, uniquement de travail. Elle apprit donc à utiliser son charme pour forcer, séduire – et dominer. Elle se révéla très efficace dans ce domaine. »4
Disposant de capacités cognitives supérieures à la moyenne, dotée en plus d’une culture et d’un passeport américains, Cheryl est reçue après deux années d’entraînements intensifs. Elle commence au grade de bat leveyha au Kaisrut, le département du Mossad chargé de la liaison avec les ambassades israéliennes. Au début son activité se réduit au rôle de « couverture » : jouer la femme ou la compagne de katsas, les agents en mission de rang supérieur aux bat leveyha, dans des grandes métropoles européennes.
Au point de départ de la première mission importante de Cheryl Ben Tov il y a un coup de fil. Un appel téléphonique passé le 14 septembre 1986 par le magnat de la presse Robert Maxwell au Mossad. Ce dernier est un sayan, un informateur qui agit pour le compte de l’État sioniste. La raison de son appel est qu’il vient d’apprendre que l’on a proposé à l’un de ses journaux, le Sunday Mirror, un scoop sensationnel. Le journaliste indépendant colombien Oscar Guerrero a dans sa besace ni plus ni moins que des photos, des plans et autres documents prouvant que la centrale de Dimona sert à fabriquer des bombes atomiques, et donc qu’Israël est devenue une puissance nucléaire de premier plan, ce que l’État hébreu nie.
C’est un certain Mordechai Vanunu, un Israélien né au Maroc, alors en voyage en Australie, qui a fourni ces pièces à conviction au Colombien. De 1977 à 1986 Vanunu avait travaillé à Dimona en tant que menahil, contrôleur de l’équipe de nuit. Il avait ainsi accès aux endroits les plus confidentiels de la centrale, en particulier au laboratoire Makhon-2, la zone la plus secrète parmi les dix unités de Dimona. Il en avait photographié chaque recoin. En outre il était parvenu à sortir les pellicules de cet endroit très surveillé. Puis il fut licencié, non point à cause de cela puisqu’il n’avait pas été repéré, mais parce qu’il avait manifesté des convictions « gauchistes et pro-arabes ».
Il quitte alors Israël et entreprend un long voyage en direction de l’extrême-Orient, coutume typique des Israéliens qui viennent de finir leur service militaire, dont le point d’arrivée est l’Australie. Sur le chemin il se convertit au christianisme. À Sydney il rencontre le journaliste Guerrero, avec qui il se rend à Londres pour vendre à un titre de presse britannique cette documentation exceptionnelle. C’est le Sunday Times qui se montre le plus intéressé.
C’est là que Cheryl la red sparrow entre en scène. Ses supérieurs du Mossad la chargent de servir d’appât à Vanunu, qui loge dans un hôtel du centre de Londres, le Mountbatten. Le 23 septembre 1986 elle se rend dans la capitale du Royaume-Uni. Le lendemain, Vanunu, las de vivre cloîtré dans sa chambre d’hôtel, décide de sortir seul, au grand dam de ses protecteurs et mécènes du Sunday Times. À Leicester Square une jolie Américaine nommée Cindy l’aborde et lui propose d’aller avec lui à Rome chez sa sœur. Naïvement, il accepte sans hésiter, en dépit de la mise en garde de l’équipe de journalistes du Sunday Times qui l’entourent, ceux-ci émettant des doutes sur cette rencontre qui ne leur semble pas fortuite.
Et ils ont raison. Cheryl Ben Tov a rempli son objectif : rapidement le « couple » prend un avion pour Rome, accompagné discrètement par quelques agents du Mossad. Une fois arrivés, ils se rendent dans un appartement où les attendent des katsas, des espions israéliens. Vanunu est neutralisé par un produit paralysant, transféré en ambulance jusqu’à un cargo qui trois jours plus tard accoste à Haïfa, l’un des principaux ports de l’État sioniste. Il est interrogé, jugé et condamné à une longue peine de prison pour acte de haute trahison. À cette heure, lui a qui a quitté les geôles israéliennes après avoir « passé 18 ans derrière les barreaux, continue de se voir interdire de quitter son pays »5.
Cheryl Ben Tov, épigone de Rahab
Interviewée en 1997 par le Sunday Times lors d’un séjour dans son pays natal, les États-Unis, Cheryl Ben Tov a reconnu avoir participé au kidnapping de Mordechai Vanunu. Le cas de cette digne héritière de Mata Hari met en évidence l’importance des femmes en tant qu’armes des services secrets. C’est ce qu’a voulu montrer Luc Besson en réalisant Nikita (1990).
Or l’on sait moins que ce mélange des métiers d’espion et de prostituée est une vieille réalité, que l’on retrouve dans l’Ancien Testament. Plus précisément dans le livre de Josué :
« Josué, fils de Nûn, envoya secrètement de Shittim deux hommes pour espionner, en disant : ʽʽAllez, examinez le pays et Jéricho’’. Ils y allèrent, se rendirent à la maison d’une prostituée nommée Rahab et ils y couchèrent. On dit au roi de Jéricho : ʽʽVoici que des hommes sont venus ici cette nuit, les Israélites, pour explorer le pays.’’ Alors le roi de Jéricho envoya dire à Rahab : ʽʽFais sortir les hommes venus chez toi – qui sont descendus dans ta maison – car c’est pour explorer tout le pays qu’ils sont venus.’’ Mais la femme prit les deux hommes et les cacha. ʽʽC’est vrai, dit-elle, ces hommes sont venus chez moi, mais je ne savais d’où ils étaient. Lorsqu’à la nuit tombée on allait fermer la porte de la ville, ces hommes sont sortis et je ne sais pas où ils sont allés. Mettez-vous vite à leur poursuite et vous les rejoindrez » (Jos 2 : 1-5).
Dans le domaine de l’espionnage, les femmes ont certaines qualités propres. En premier chef l’écoute, le recueil d’informations sensibles. Comme l’a affirmé un ancien agent du Mossad : « Les confidences sur l’oreiller arrivent naturellement. L’histoire du renseignement moderne est truffée de récits de femmes ayant usé de leurs charmes pour le bénéfice de leur pays. Prétendre qu’Israël ne l’a pas fait serait stupide. Mais nos femmes sont des volontaires courageuses et conscientes des risques qu’elles courent. Ce travail demande un type de bravoure très spécial. Il ne s’agit pas tant de coucher avec un homme que de l’induire à croire que vous accepterez s’il vous fait certaines confidences. »6
Il y a quatre ans un haut gradé de notre marine a ainsi succombé aux charmes d’un « moineau bleu et blanc », un moineau aux couleurs de l’entité sioniste... Si cette katsa ressemble à la célèbre mannequin israélienne Bar Rafaeli, on peut le comprendre !
Références
1 Nathalie Guibert, « Trois enquêtes sur des espions chinois, russes et israéliens en France », Le Monde, n° 22821, 27-28 mai 2018.
2 Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad, Paris, Nouveau Monde, 2006, p. 214.
3 Ibid., p. 216.
4 Idem.
5 https://www.marianne.net/monde/jonathan-pollard-et-mordehai-vanunu-le-destin-croise-de-deux-anciens-espions-condamnes
6 Cité par Gordon Thomas, op. cit., p. 213-214.
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