Dilemme classique: vaut-il mieux être premier dans son village ou second à Rome?
Jules César a déjà réfléchi là-dessus, avec le résultat que l'on sait. Mais n'est pas Jules César qui veut. Arrive-t-il à Mario Dumont de se poser la question? Il le devrait. Car si le village métaphorique du grand empereur romain peut être le tremplin qui mène à Rome, il peut aussi être le cimetière de toutes les ambitions.
Il y a maintenant 12 ans que l'Action démocratique du Québec existe. Douze ans qu'elle tourne en rond.
Exception faite d'occasionnelles flambées de popularité (mais toujours entre deux scrutins...), l'ADQ reste collée au fond du baril, sa principale utilité étant de servir de parking aux électeurs indécis- dont l'immense majorité, le jour du vote, optera pour l'un des deux grands partis.
En fait, aujourd'hui l'ADQ ne sert même plus de parking; en tout cas, si parking il y a, il n'est guère fréquenté. Le petit parti de Mario Dumont est plus marginal qu'il ne l'a jamais été. Il s'est écrasé aux dernières partielles: 2 % dans Outremont, 10 % dans Verchères, 13,5 % dans Taillon... Selon le dernier sondage CROP, l'ADQ ne récolte que 13 % des intentions de vote. C'est dix points de moins que la cote habituelle qu'obtenait il n'y a pas si longtemps l'ADQ entre les élections générales.
Malgré le capital de sympathie populaire dont Mario Dumont dispose encore, et malgré le fait que les orientations de son parti reflètent le sentiment d'une partie substantielle de la population, l'ADQ semble promise à un état plus ou moins végétatif. C'est dommage, car il y a là un énorme gaspillage de talents et de ressources.
Mario Dumont tient-il tant à être chef de parti qu'il est prêt à ruiner sa carrière à la barre d'un navire sans avenir?
Il y a deux options parfaitement honorables qui s'offrent aux adéquistes. La première serait de dissoudre le parti pour se joindre au Parti libéral du Québec. Les adéquistes y constitueraient une sorte d'aile droite, et Mario Dumont hériterait sans nul doute d'un ministère important.
La seconde serait de passer au Parti conservateur fédéral, dont l'ADQ est idéologiquement très proche. Là aussi, Mario Dumont aurait un rôle important à jouer et il serait accueilli à bras ouverts. On peut imaginer que non seulement il entrerait au cabinet mais qu'il deviendrait le lieutenant québécois de Stephen Harper.
Ministre dans un gouvernement Charest ou dans un gouvernement Harper, c'est évidemment être " second à Rome ". Mais c'est beaucoup mieux que d'être le petit chef d'un parti qui ne s'en va nulle part.
Le retour du fils prodigue au bercail libéral ne serait pas sans embûches, tant l'amertume reste vive entre Mario Dumont et les libéraux qui ont vécu la rupture de 1992. Mais le temps a pansé bien des plaies; surtout, le leadership du parti a changé. Jean Charest n'a rien eu à voir avec les querelles qui suivirent l'échec de Meech et l'aventure du rapport Allaire. Quant aux conservateurs de Harper, il y a très peu de pommes de discorde qui les séparent de l'ADQ, sauf peut-être dans le dossier de la politique étrangère.
On dira qu'il n'y a pas de raison pour suggérer la dissolution de l'ADQ, alors qu'elle est, malgré ses déboires, quand même un peu plus forte que les autres tiers partis comme les verts et Québec solidaire. Mais justement, ces deux dernières formations ont théoriquement un potentiel de croissance, alors que l'ADQ a fait son temps.
Surtout, tant les verts que QS se situent à gauche de l'échiquier politique: de ce fait, ils comblent un vide, et il serait impensable qu'ils se greffent à un parti de centre-droite (le PLQ) ou à un parti de centre-gauche (le PQ). L'ADQ, au contraire, n'a pas de désaccord idéologique fondamental ni avec le PC fédéral ni avec le PLQ.
L'idée d'une fusion entre les adéquistes et les troupes de Charest ou de Harper serait, sur papier, un projet rationnel. Mais le coeur (ou la politique, ou la vanité) a ses raisons que la raison ne connaît pas...
Même si le plancher se dérobe sous ses pieds, Mario Dumont aime être chef de parti, il aime poser à l'arbitre entre les souverainistes et les fédéralistes, il aime ce contrôle absolu qu'il exerce sur ses troupes. Dommage, car le Québec perd, dans cette aventure sans issue, un jeune politicien de talent.
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