Rumeurs d'élections

Québec - prochaines élections 2007


La machine à spéculations est bien partie. Y aura-t-il des élections générales au Québec dès cet automne, ou devra-t-on plutôt attendre au printemps prochain? Ces spéculations ne sont pas seulement le fait de journalistes soucieux de meubler le vide de cette fin d'été. Les stratèges libéraux et péquistes se posent la même question.
Cela n'a rien de bien étonnant. Le gouvernement Charest a été élu il y a trois ans et demi, pas loin des quatre ans d'un mandat normal, et la question des élections commence à se poser tout naturellement.
Le choix de la date des élections, prérogative du premier ministre, reposera sur un pari. Et ce pari, c'est de tenter de prévoir comment le temps fera son oeuvre, et dans le cas qui nous occupe, comment il affectera les deux principaux protagonistes de l'affrontement électoral, Jean Charest lui-même et André Boisclair.
Est-ce que le temps aidera Jean Charest? Depuis bientôt trois ans, le premier ministre libéral bat des records d'impopularité. Le taux d'insatisfaction du gouvernement est certainement trop élevé pour que les libéraux partent en campagne le coeur léger. Faut-il attendre, dans l'espoir qu'une bonne gestion de la chose publique permette à la popularité de Jean Charest de rejoindre des niveaux plus confortables?
Est-ce que le temps aidera André Boisclair? Jusqu'ici, le chef péquiste a déçu. Il n'a pas réussi à séduire les électeurs, l'unité de son parti est fragile, il n'a pas encore mis les pieds à l'Assemblée nationale dans ses nouvelles fonctions, il n'a pas encore de plate-forme électorale et il traîne toujours comme un boulet un programme jusqu'auboutiste. Les libéraux doivent-ils profiter de sa vulnérabilité actuelle et craindre qu'un répit de six mois lui permette de mieux se préparer?
Il faut tenir compte d'un troisième joueur pour qui le temps joue aussi, Stephen Harper, minoritaire, qui risque de devoir affronter l'électorat le printemps prochain, ce qui réduirait la marge de manoeuvre des libéraux québécois. Le sort électoral des deux hommes est en outre lié par le dossier du déséquilibre fiscal. Jean Charest doit-il attendre la résolution de ce dossier pour solliciter un second mandat ou doit-il plutôt en faire un enjeu électoral?
Mais quand on y regarde de plus près, il est loin d'être évident que le temps changera tellement la donne. Il ne faut pas croire aux miracles.
En six mois, malgré tout le " coaching " du monde, André Boisclair ne deviendra pas un politicien limpide et convivial. De toute façon, ses difficultés actuelles tiennent moins à la forme qu'au fond. Ses vrais problèmes, c'est d'être porteur d'un projet de souveraineté qu'une majorité d'électeurs ne veut pas appuyer, et de devoir plaire à la fois à des partisans radicaux et à un électorat centriste. Deux problèmes qui ne disparaîtront pas par enchantement.
Le temps n'aidera pas non plus Jean Charest à devenir la coqueluche des Québécois. Même dans ses meilleurs périodes, sa popularité n'a pas augmenté. Cette insatisfaction reflète sans doute un mécontentement général face à la politique et aux politiciens, mais aussi le fait qu'il n'y a pas d'atomes crochus entre les électeurs québécois et Jean Charest. Il n'y a aucune raison de croire que cela changera.
Mais le temps jouera un rôle, dans une toute autre déclinaison, celle de la permanence. La tradition et la sagesse veulent que les citoyens reconduisent les gouvernements au pouvoir pour un second mandat, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles. Dans un tel contexte, ce que l'on demande au gouvernement sortant, ce n'est pas d'être populaire, mais d'être compétent, d'être capable de poursuivre correctement son travail.
À ce chapitre, même mal aimé, malgré les gaffes de son gouvernement, Jean Charest est en bonne position. Depuis un an, son gouvernement a manifesté une maîtrise de ses dossiers et a fait bien des choses: un bon budget, les négociations du secteur public, l'équité salariale, la gestion de la santé, une très bonne politique énergétique, une politique environnementale bien reçue, et récemment, un virage en éducation supérieure. Un bilan assez solide qui transcendera la cote de popularité.
Et l'intérêt public dans tout ça? Le fait que ce soit le premier ministre qui choisisse le moment des élections en fonction de critères essentiellement partisans a toujours quelque chose d'agaçant.
Mais nous sommes entrés dans une période où la question électorale se pose de toute façon, et où les décisions gouvernementales commencent à être prises en fonction de ces échéances. Où tous les gestes seront décodés en termes électoraux. Où le gouvernement deviendra soucieux de plaire et cessera d'oser. Où la machine gouvernementale commencera à ralentir.
Quand le climat électoral commence à s'installer ainsi, la meilleure chose, pour tout le monde, c'est d'aller en élections.
Adubuc@lapresse.ca


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