Serguei Skripal, ex-colonel du renseignement militaire russe ayant travaillé pour les services secrets de Sa Majesté, aurait été exposé à une substance chimique. Il se trouve dans un état critique.
Comme au temps de la Guerre froide, Serguei Skripal, un ex-espion russe au service de Sa Majesté, arrêté en Russie puis libéré lors d'un échange d'espions en 2010, se trouvait dans un état critique après avoir été mystérieusement empoisonné en Grande-Bretagne. L'homme d'une soixantaine d'années a été hospitalisé dimanche «dans un état critique» à Salisbury, à 140 km au sud-ouest de Londres, a annoncé lundi la police du Wiltshire. Sa fille Youlia, âgée de 33 ans, se trouvait avec lui. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a assuré que «si l'enquête démontre la responsabilité d'un État, le gouvernement répondra de façon appropriée et ferme» .
Serguei Skripal et sa fille «sont traitées pour une exposition présumée à une substance toxique», a précisé la police. «Les deux personnes ne présentaient aucune blessure visible». Elles ont été retrouvées inconscientes sur un banc, dans un centre commercial de Salisbury, a expliqué la police. «Ils donnaient l'impression d'avoir pris quelque chose de fort», a raconté à la BBC Freya Church, un témoin de la scène. «Je le dis aux gouvernements à travers le monde, aucune tentative de prendre une vie innocente sur le sol britannique ne restera impunie», a ajouté Johnson, faisant allusion à la Russie, déjà à plusieurs reprises désignée par le passé comme une menace par les autorités politiques et militaires britanniques.
Le fentanyl, un puissant opiacé
Ex-colonel du renseignement militaire russe, Serguei Skripal a été accusé d'espionnage au profit du Royaume-Uni. Condamné à 13 ans de prison en Russie en 2006, il avait été payé 100.000 dollars pour fournir au MI6, le renseignement britannique, les noms des agents russes présents en Europe, selon la BBC. Avec trois autres agents russes, il avait fait l'objet d'un échange en 2010 contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington, dont Anna Chapman, une jeune femme d'affaires russe surnommée la «nouvelle Mata Hari» à New York. Cet échange, au terme duquel il s'était réfugié en Angleterre, était le plus important depuis la fin de la guerre froide.
Dans l'immédiat, les autorités tentaient de trouver l'origine d'un éventuel empoisonnement et s'il y avait un risque sanitaire pour le public. L'hôpital de Salisbury a conseillé lundi au public de ne pas se rendre aux urgences de l'établissement «sauf cas d'urgence absolue». Un porte-parole des autorités sanitaires s'est toutefois voulu rassurant, affirmant qu'il n'y «avait apparemment pas de risque immédiat pour la santé du public». L'homme aurait été intoxiqué au fentanyl, un puissant opiacé, selon le quotidien The Guardian .
D'autres empoisonnements non élucidés
Cette affaire a immédiatement fait ressurgir le souvenir de l'affaire Litvinenko, du nom d'un ex-agent du FSB (les services secrets russes) et opposant à Vladimir Poutine, empoisonné en 2006 à Londres au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique. «Cela ressemble à ce qui est arrivé à mon mari mais nous devons attendre plus d'informations», a dit la veuve d'Alexandre Litvinenko au Daily Telegraph. Pour elle, si l'empoisonnement russe est prouvé, cela montrera que «rien n'a changé depuis la mort» de son époux. Alexandre Litvinenko avait été empoisonnéaprès avoir fui la Russie pour Londres avec sa famille en octobre 2000. Il y avait rejoint le milliardaire Boris Berezovski, farouche ennemi de Vladimir Poutine, lui-même décédé dans des circonstances non élucidées en mars 2013.
Alexandre Litvinenko collaborait avec les services secrets britanniques et enquêtait sur d'éventuels liens entre le Kremlin et des réseaux mafieux. Selon les conclusions de l'enquête menée par la justice britannique après sa mort, il avait été empoisonné alors qu'il prenait un thé avec Andreï Lougovoï et Dmitri Kovtoun, deux ressortissants russes, au Millenium Hotel, dans le centre de Londres. «Le fait qu'Alexandre Litvinenko ait été empoisonné par du polonium-210 fabriqué dans un réacteur nucléaire suggère que MM. Lougovoï et Kotvoun agissaient pour le compte d'un État plutôt que d'une organisation criminelle», avait souligné le juge Robert Owen, alors chargé de l'enquête.
Une autre affaire de meurtre survenue à Londres sur fond de guerre froide, n'a, elle, jamais été résolue. Le 7 septembre 1978, l'écrivain dissident bulgare Guéorgui Markov avait été piqué par le parapluie qu'avait laissé tomber un homme, alors qu'il remontait le Waterloo Bridge. Pris d'une forte fièvre le soir même, Guéorgui Markov était décédé quatre jours plus tard à l'hôpital sans avoir été interrogé par la police. Lors de l'autopsie, une capsule pleine d'un poison fort, la ricine, avait été découverte dans la jambe de la victime. En 2002, Oleg Kalouguine, un ex-général du KGB, a affirmé que les Soviétiques avaient fourni l'arme du crime sur demande du dictateur bulgare Todor Jivkov. Une enquête judiciaire ouverte en Bulgarie a été classée sans suite en 2013 en raison du délai de prescription.