par De Grandpré, Hugo
PC
Ottawa - Après avoir essuyé une rebuffade au début de la semaine dernière, Stephen Harper a finalement pu rencontrer le président chinois, Hu Jintao. Une leçon de diplomatie servie par les Chinois au premier ministre canadien, selon certains.
Le face-à-face, très bref, a eu lieu avant un dîner de gala lors du sommet de l'APEC, le forum de coopération Asie-Pacifique. M. Jintao en a été l'instigateur, et des gens sur place on décrit l'entretien comme une simple conversation tenue à l'écart du groupe de dignitaires.
Le dirigeant chinois, qui avait en pratique humilié le premier ministre canadien, lui a finalement permis de sauver la face au terme du sommet de l'APEC, qui réunissait 21 leaders à Hanoï, au Vietnam.
D'après la version officielle du gouvernement, l'échange a été " franc et constructif ", et il y a été question d'économie et de droits de l'homme. Des porte-parole de M. Harper ont notamment indiqué que celui-ci avait abordé la question du Sino-Canadien Huseyin Celil, emprisonné à Pékin sans que les services consulaires puissent le visiter. Un porte-parole du dirigeant chinois a toutefois démenti que la question des droits de l'homme ait été abordée mais a confirmé que le cas de M. Celil l'avait été.
Frustration des gens d'affaires
Le président chinois avait annulé une rencontre avec Stephen Harper au début du sommet, ce qui a laissé supposer que ses dénonciations de la situation des droits de l'homme dans le pays avaient indisposé la Chine.
L'incident a soulevé de nombreuses critiques de la part de gens d'affaires canadiens, qui craignent que l'attitude du gouvernement Harper nuise aux échanges commerciaux entre les deux pays. La Chine est le deuxième partenaire commercial du Canada, mais celui-ci a un déficit commercial à rattraper. Les importations chinoises ont atteint près de 30 milliards en 2005, tandis que nos exportations se limitent à 7 milliards.
Selon le professeur Errol Medes, de l'Université d'Ottawa, le premier ministre Harper a appris à la dure l'un des traits principaux de la culture chinoise, qui consiste à sauver la face à tout prix - et à permettre aux autres de faire de même.
" S'il est une chose que ce gouvernement n'a pas apprise, c'est cette leçon, dit ce spécialiste des relations avec la Chine et des droits fondamentaux. Ils ont usé d'une diplomatie à haut-parleur à l'encontre de la situation des droits de la personne en Chine et à Taiwan. Mais il y a différents rôles pour différentes personnes dans la société. "
Ainsi, selon M. Medes, le gouvernement Harper devrait laisser cette dénonciation aux ONG et se concentrer sur l'établissement de bonnes relations entre les deux pays.
" Les conservateurs manquent le bateau en ayant des relations au moins refroidies avec la Chine. Ils montrent qu'ils n'ont peut-être pas compris que nos relations passent par ce géant avec lequel il faut composer ", croit pour sa part le député libéral Jean Lapierre, qui s'est lui-même rendu en Chine à quelques reprises à titre de ministre des Transports. Il dénonce lui aussi l'attitude du gouvernement actuel, qui entraîne un important recul du Canada sur le plan international, dit-il.
Malgré tout, cette main tendue par le président chinois montre bien que les relations commerciales sino-canadiennes ne sont pas prêtes de s'écrouler, affirme le professeur Mendes. " Il y a beaucoup trop d'enjeux importants en cause. Par exemple, le pays a désespérément besoin d'énergie et cherche des approvisionnements partout dans le monde, et le Canada a un rôle à jouer là-dedans. La Chine réalise que, lorsqu'on a une relation aussi importante, on ne peut la laisser dégénérer dans une opposition semblable. "
Une chose est sûre : la leçon tombe à point, juge Dimitri Kitsikis, professeur émérite d'histoire des relations internationales et de géopolitique à l'Université d'Ottawa. " M. Harper semble avoir peu d'expérience en matière de politique étrangère et multiplie les faux pas ", a-t-il écrit à La Presse hier.
Indifférence chinoise
La rencontre ne semble pas avoir eu autant d'impact en Chine, où elle a été largement passée sous silence par les médias. Celle d'une heure et quart entre Jintao et Bush, par contre, a fait la manchette. Ce dernier a notamment demandé l'aide de la Chine pour gérer la menace nucléaire de la Corée du Nord.
Selon un représentant de la Maison-Blanche, les deux hommes sont parvenus à une entente sur les prochaines étapes dans le dossier. Selon la presse chinoise, Jintao a préconisé un dialogue de paix et recommandé " d'user de patience et de sagesse pour trouver des solutions pratiques pour dénucléariser la péninsule ".
Dans le même registre, le ministre des Affaires étrangères Peter MacKay a indiqué hier à l'émission Question Period, du réseau CTV, que le Canada avait envoyé un diplomate à Pyongyang sans consulter les États-Unis au préalable.
Rappelons que le sommet annuel de l'APEC s'est achevé sur un plaidoyer en faveur de la relance des négociations sur le commerce mondial, affichant une unanimité qui a contrasté avec les difficultés du bloc régional à s'entendre sur le dossier nord-coréen. Le forum n'a en effet eu aucun problème à se mettre d'accord pour appeler la planèete à prendre ses responsabilités en vue d'une relance rapide du cycle de Doha. Le prochain sommet de l'APEC se tiendra à Sydney.
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Harper se veut plus musclé et courageux
Le Soleil lundi, 20 novembre 2006
PC
Hanoï, Viêtnam - Le gouvernement conservateur a introduit un style plus musclé dans ses interventions sur la scène internationale, a déclaré hier le premier ministre Stephen Harper, laissant entendre que les libéraux avaient manqué de courage par le passé.
M. Harper a évoqué un bref entretien informel qu'il a eu avec le président chinois Hu Jintao, la veille au soir, comme preuve de sa fermeté. Les deux hommes étaient au nombre des 21 leaders réunis au Viêtnam pour le Sommet de la coopération économique Asie-Pacifique.
Il a dit avoir soulevé le cas d'un Sino-Canadien, Huseyin Celil, emprisonné à Pékin sans accès à une assistance consulaire. Quelques jours plus tôt, M. Harper avait abordé la question des droits de la personne, y compris les libertés de presse et de religion, avec le premier ministre vietnamien.
"Nous avons eu des discussions très franches avec plusieurs leaders, y compris, bien que cela n'ait pas été une très longue discussion, un entretien bref mais très franc avec le président Hu de Chine", a soutenu M. Harper, qui s'exprimait à la fin du sommet de l'APEC. Il ajouté qu'il avait eu l'impression que les Chinois n'étaient pas habitués à une telle franchise de la part d'un gouvernement canadien.
Le premier ministre a aussi fait allusion à ses déclarations publiques lors d'événements internationaux passés. Au Sommet de la Francophonie, en septembre, M. Harper avait insisté pour que les autres leaders reconnaissent non seulement le sort des citoyens libanais aux prises avec le conflit Israël-Hezbollah, mais aussi celui des victimes israéliennes.
Plus tôt, M. Harper avait dit espérer avoir un entretien bilatéral avec le président chinois, et avait affirmé, en route vers Hanoï, que les Chinois avaient retiré leur offre de rencontre.
Mais le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Jianchao, a dit aux journalistes que les Chinois n'avaient jamais prévu avoir une telle rencontre. M. Hu a rencontré au moins six autres leaders dans le cadre de ces entretiens.
M. Harper avait fait les manchettes récemment en affirmant que le Canada ne renoncerait pas à défendre les droits de la personne dans ses discussions avec la Chine pour des questions d'argent. Il a réitéré cette assertion hier, laissant entendre que les libéraux n'avaient pas été aussi directs à l'endroit de Pékin.
Déficit commercial
Le Canada a un important déficit commercial avec la Chine. Le fait de négliger les droits humains n'a pas ouvert tellement de portes, a-t-il dit. De toute évidence, on ne va nulle part si on compromet ses valeurs.
C'est cependant le gouvernement libéral, sous le premier ministre Jean Chrétien, en 1997, qui avait créé le Dialogue conjoint Canada-Chine sur les droits humains, qui s'est réuni toutes les années sauf celle-ci. Le successeur de M. Chrétien, Paul Martin, a été le premier premier ministre canadien à rencontrer le dalaï lama.
M. Harper s'est montré réticent à parler des questions de droits qu'il avait soulevées avec le président Hu. Selon M. Liu Jianchao, les deux hommes ont discuté du cas de M. Celil, que la Chine considère comme un de ses citoyens, mais la question des droits de la personne n'a pas été abordée.
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