Qui ment? Le directeur général de la Ville, Claude Léger, ou le maire de Montréal, Gérald Tremblay? Une chose est certaine, un des deux ment. Si c'est le maire, il ment effrontément, si c'est Claude Léger, il ment par omission. Et celui qui ment doit démissionner.
Au coeur de la tourmente, le vérificateur de la Ville, Michel Doyon, qui a écrit deux rapports: un premier, officiel, qui a été dévoilé en grande pompe mardi, et un deuxième, secret, qui a été rendu public, mercredi, à la suite des pressions de La Presse.
Le rapport secret parle du rôle du directeur général, Claude Léger, qui est intervenu dans la vente du Faubourg Contrecoeur au promoteur Catania. Une transaction explosive, entachée de nombreuses irrégularités, qui ébranle l'administration Tremblay.
La firme Deloitte a pondu un rapport de 115 pages pour expliquer en long et en large que la vente du terrain a été bâclée, que Catania a été indûment privilégié et que la Ville a perdu plusieurs millions; 115 pages bien tassées; 115 pages accablantes.
Le dossier sent tellement mauvais que le vérificateur et la nouvelle administration de la SHDM ont décidé de remettre le tout entre les mains de la police.
Pourtant, hier, le maire affirmait que la Ville avait fait une bonne affaire. Allez comprendre.
Mais revenons au rapport secret. Le vérificateur, Michel Doyon, en a remis une copie à Claude Léger le 27 mars. C'est le vérificateur qui me l'a confirmé, hier, lors d'une brève entrevue téléphonique.
Le 27 mars. Claude Léger a donc le rapport depuis un mois. La première chose qu'il aurait dû faire, c'est parler au maire et lui dire: J'ai un rapport du vérificateur qui soulève des questions sur mon rôle dans la vente du Faubourg Contrecoeur.
N'importe quel DG se serait précipité dans le bureau de son patron. Claude Léger n'a pas reçu un rapport sur la culture du blé d'Inde dans un jardin communautaire à Ahuntsic. Non, il a reçu un rapport sur une transaction explosive.
Et il n'a rien dit au maire? Il a gentiment remisé le rapport dans un tiroir de son bureau? Difficile à croire. Si c'est le cas, il devrait démissionner sur-le-champ, car il a rompu le lien de confiance avec le maire.
Claude Léger, qui est le plus haut fonctionnaire de la Ville, n'est pas un néophyte. Le maire précisait, hier, qu'il avait 30 ans d'expérience dans le milieu municipal. Alors, il n'en a pas soufflé mot au maire, lui, un homme aussi expérimenté? Si c'est le cas, pourquoi s'est-il tu? Avait-il quelque chose à cacher?
Claude Léger n'est pas le seul à avoir reçu une copie du rapport. Le directeur des affaires corporatives, Robert Cassius de Linval, aussi, l'a reçu. C'est le grand patron de tous les avocats de la Ville. Il l'a en main depuis le 27 mars. Un mois. Et il n'aurait pas pris la peine d'en parler au maire?
Le vérificateur a aussi envoyé son rapport à Pierre Bernardin, directeur général adjoint, et Josée Guy, directrice de l'arrondissement Hochelaga-Maisonneuve. Et tout ce beau monde aurait gardé le secret?
Renversant.
Hier, le maire jurait qu'il n'avait jamais entendu parler du rapport. Il a appris son existence mardi, pendant le point de presse du vérificateur qui a lâché, mine de rien, qu'il existait un deuxième rapport qu'il refusait de rendre public.
Le maire a dit qu'il a sursauté. Un deuxième rapport? Hier, il était indigné. «J'ai appris comme vous qu'il y en avait un autre», a-t-il dit aux journalistes.
Puis, il a tiré à boulets rouges sur le vérificateur. Par contre, il n'avait que de bons mots pour Claude Léger et Robert Cassius de Linval.
Hier, impossible de parler à Claude Léger. Pour toute réponse, il a envoyé une lettre ouverte hyper pointue où il a disséqué les millions de la transaction Catania, en évitant soigneusement de mentionner les nombreuses irrégularités étalées dans les 115 pages du rapport Deloitte.
Dommage, j'aurais bien aimé lui poser une ou deux questions. A-t-il parlé du rapport secret au maire? Sinon, pourquoi? Si oui, le maire a menti. Et s'il a menti, il doit démissionner.
On n'en finit plus de s'enfarger dans les scandales à l'hôtel de ville?: les compteurs d'eau, les voyages de l'ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, sur le yacht du promoteur Tony Accurso qui a décroché le juteux contrat des compteurs d'eau, sans oublier le gâchis à la SHDM qui a vendu plusieurs terrains pour une bouchée de pain.
La défense du maire: j'étais tenu dans l'ignorance. Il jure qu'il ne savait rien. Rien sur les irrégularités à la SHDM, rien sur les terrains vendus à perte, rien sur les balades en yacht de M. Zampino.
Toute sa défense repose sur sa franchise. S'il a menti sur le rapport secret du vérificateur, tout s'écroule. Comment pourra-t-on désormais le croire? Les Montréalais ne lui feront plus jamais confiance.
Il n'aura pas le choix, il devra démissionner.
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