Enseignant à Montréal depuis 2008, surtout dans les quartiers à forte densité migratoire, j’en suis à même de constater que les réalités montréalaises détonnent un peu de ce qui se déroule ailleurs au Québec, et ce, pour deux raisons particulières : bien sûr, les réalités de la pauvreté urbaine, mais aussi la grande présence d’enfants immigrants, très souvent allophones.
En juin 2013, le Journal de Montréal rendait publique une étude qui démontrait que les élèves allophones étaient plus nombreux que les élèves francophones au sein de l’île de Montréal. La réalité se chiffre et lce constat est clair : 80 % des écoles de la Commission scolaire de Montréal ont une population de plus de 50 % d’allophones. Plusieurs problématiques en découlent, par exemple, le manque de modèles d’étudiants québécois. On peut alors se poser la question suivante : qui intègre qui ?
Plusieurs collègues se rendent compte qu’enseigner le programme régulier est ardu dans des classes où la majorité des élèves ne sont pas francophones et se voient souvent dans l’obligation de niveler vers le bas, ou de différencier de plus en plus, ce qui consiste, selon la réforme, à adapter l’enseignement au niveau de chaque étudiant et non plus d’exiger la même chose de tous. Bref, on adapte la matière à l’élève.
Les enfants qui ne maîtrisent pas le français fréquentent quant à eux des classes d’accueil, qui ont pour vocation de franciser les jeunes allophones, pour une période maximale de vingt mois (deux années scolaires.) Les réalités y sont parfois bien dures : certains enfants ont de lourds vécus dans leurs pays d’origine et d’autres sont sous-scolarisés. Très rares sont les cas où on permet à un enfant de fréquenter une classe d’accueil pour une troisième année alors que certains ayant des langues maternelles très éloignées du français en auraient bien besoin.
Plus préoccupant encore, on se rend compte que de plus en plus de classes de maternelle dites « d’accueil » francisent de jeunes enfants qui sont pourtant nés ici, au Québec ! Des enfants dont les parents n’ont pas cru bon les mettre en contact avec la langue de la société d’accueil. Plusieurs de ces enfants n’ont jamais quitté le milieu familial, étant restés à la maison avec leurs parents, n’ont pas fréquenté la garderie ni la pré-maternelle ou ont fréquenté une garderie tenue dans une autre langue. On ne parle pas d’un niveau de français universitaire, mais d’un niveau de langage de niveau préscolaire permettant à un enfant d’apprendre à lire et à écrire. Est-ce normal que des enfants qui sont nés ici, en 5 ans, n’aient jamais été exposés au français ? Pas même minimalement, en se mêlant dans leurs jeux aux enfants francophones de leur quartier, au parc, dans les camps de jour ou même en regardant certaines émissions pour enfants à la télévision ? La réalité, c’est que plusieurs habitent des quartiers à forte densité ethnique où il n’y a pas de francophones pour jouer avec eux et où ils n’entendent même pas le français dans la rue.
En outre, les communications avec la maison sont souvent ardues, dû au fait que plusieurs parents ne parlent pas du tout français, bien que ce ne soit pas le cas de tous. Plusieurs commissions scolaires de l’île de Montréal et des environs offrent une formation de francisation aux adultes « pour communiquer avec l’école » souvent donnée en matinée, la fin de semaine. Mais malgré cette offre gratuite, plusieurs parents n’apprennent pas, voire n’apprendront jamais le français. Je ne compte plus le nombre de réunion entre un enseignant et un parent qui doivent être tenues avec des interprètes coûteux ou même avec la présence de l’enfant lui-même – ce qui n’est pas du tout souhaitable puisqu’on ne sait pas si l’enfant traduit la bonne chose à son parent ou si certains enseignants se censureront – lorsqu’il est temps d’annoncer, par exemple, que les résultats scolaires laissent à désirer ou que les dcevoirs ne sont pas faits. Comment demander à un enfant de réussir à l’école s’il n’a aucune aide à la maison et qu’aucun de ses parents ne s’intègre lui-même, ni à la langue et ni à la société ?
Le projet de loi 23, de la ministre Marie Malavoy, adopté en juin à l’Assemblée nationale du Québec, ouvrira les portes de la maternelle à certains enfants de moins de cinq ans provenant de secteurs défavorisés. Tout porte à croire que plusieurs de ces maternelles « quatre ans » seront ouvertes dans des quartiers à forte densité migratoire, tels que Parc-Extension, Saint-Michel, Montréal-Nord ou Côte-des-Neiges. Ces enfants auront donc la chance d’apprendre le français un peu plus tôt et ainsi peut-être pouvoir entrer dans le cursus du primaire régulier sans passer par les classes d’accueil. C’est l’école qui donnera un lieu commun à ces enfants et c’est celle-ci qui lui ouvrira les portes de la culture québécoise. L’intégration des immigrants doit être un des dossiers prioritaires de notre société en ce moment, espérons qu’on ne les oubliera pas.
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