Le premier ministre Philippe Couillard était coincé. Les militants libéraux n’auraient pas compris que Jean Charest ne soit pas invité aux célébrations du 150e anniversaire de la fondation du PLQ. À dix mois d’une élection qui s’annonce difficile, ce n’était pas le moment de semer la zizanie au sein du parti.
La présence de M. Charest au congrès de la fin de semaine n’en demeure pas moins embarrassante. Jean-François Lisée a pris un malin plaisir à tourner le fer dans la plaie en félicitant le PLQ de « mettre en vitrine son problème de fond ». Tant qu’à y être, pourquoi ne pas avoir aussi invité Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté ?
Comme pour mieux documenter le problème en question, le dernier rapport de la vérificatrice générale a très bien exposé les magouilles des collecteurs de fonds libéraux que le gouvernement Charest avait laissés noyauter et escroquer la Société immobilière du Québec (SIQ).
Cinq ans après son départ, l’ancien premier ministre et son ami Marc Bibeau continuent de défrayer la chronique. Ce soir, les militants libéraux réunis à Québec vont pourtant ovationner celui qui a donné au magazine Maclean’s l’occasion de qualifier le Québec de « province la plus corrompue au Canada ».
En honorant son ancien chef, le PLQ va célébrer sa propre turpitude. Jeudi, à l’Assemblée nationale, il était fascinant d’entendre M. Couillard chanter les louanges de son prédécesseur, dont le souvenir aura empoisonné son mandat du début à la fin et provoqué un écoeurement collectif auquel il devra peut-être sa défaite l’an prochain. Il y a décidément quelque chose de pourri dans le royaume.
La dérive éthique du PLQ s’est accompagnée d’un laxisme tout aussi coupable dans la défense de l’identité québécoise, que la vérificatrice générale a également bien documenté dans son rapport. S‘il est vrai que les règles encadrant le financement des partis politiques et l’octroi des contrats publics ont été resserrées depuis le départ de M. Charest, la francisation des immigrants demeure toujours aussi déficiente.
M. Couillard s’est indigné des propos méprisants du gérant de la nouvelle succursale montréalaise d’Adidas, qui a consenti à prononcer quelques mots de français pour « accommoder » les indigènes. Mais qu’a fait son propre gouvernement pour renforcer la présence et le prestige du français, si on excepte un timide règlement pour lui assurer une « présence suffisante » sur la façade des grandes enseignes commerciales ? Le premier ministre a décrété que le français se portait bien au Québec. Ceux qui s’inquiètent ne sont que des alarmistes qui cherchent à semer la division.
C’est avec un manque d’enthousiasme évident que les libéraux s’étaient résignés au maintien de la loi 101, après s’être opposés férocement à son adoption et l’avoir affaiblie le plus possible. C’est comme s’ils associaient la promotion du français à celle de l’indépendance.
Malgré la hausse des budgets qui lui sont consacrés, il est clair que l’approche incitative est aussi insuffisante dans le cas des individus que dans celui des PME. Alors que la proportion de nouveaux arrivants capables de parler français a chuté de 62 % à 42 % en cinq ans, à peine 30 % de ceux qui ne le parlent pas se sont inscrits à un cours et moins de 10 % atteignent le niveau minimal pour obtenir un emploi ou poursuivre des études postsecondaires.
Le nouveau ministre de l’Immigration, David Heurtel, a un nouveau plan et promet une refonte du programme « Réussir l’intégration » pour le printemps 2019. Certaines des carences constatées par la vérificatrice générale peuvent sans doute être corrigées, mais il semble de plus en plus évident qu’il faudrait rendre l’apprentissage du français obligatoire, comme le proposent déjà la CAQ et le PQ.
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