QuébecLeaks devrait être représenté par un porte-parole en chair et en os pour donner un visage à l'organisation, à l'instar de WikiLeaks et de son fondateur, Julian Assange (photo).
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Pierre-Olivier Fortin
Pierre-Olivier Fortin Le Soleil (Québec) - Moins de deux jours avant le lancement de QuébecLeaks, le pendant québécois de WikiLeaks, les gouvernements commencent déjà à frémir, avance son porte-parole anonyme. «Nous savons très bien que nous dérangeons, ce qui est une bonne chose, car une discussion sur la libre circulation de l'information [...] et sur la place de la transparence au niveau du gouvernement devait avoir lieu depuis longtemps.»
«D'autant plus, poursuit-il, [que] nous savons qu'une douzaine de ministères, que la Chambre des communes et que le département de la défense nationale du Canada ont fait des enquêtes sur nous.»
Notre interlocuteur, pour l'instant, est sans visage et sans voix. Le Soleil s'est entretenu avec lui par courriel, hier. Il utilise le pseudonyme Noam Chomsky - avec l'accord du principal intéressé, dit-il -, un intellectuel et activiste américain.
L'anonymat du porte-parole aussi dérange, et il le sait. «Nous savons que le fait de rester anonymes nous ferait perdre de la crédibilité à long terme. C'est pourquoi nous aurons un visage public dès le lancement de mercredi prochain», un porte-parole, précise-t-il, qui n'est pas connu du public actuellement. Cette décision, souligne-t-il, a été prise à la lumière de l'expérience de WikiLeaks, dont le fondateur Julian Assange est pourchassé entre autres par les États-Unis.
«En fonction de ce qui s'est passé avec Julian Assange et des organisations qui enquêtaient sur nous, nous avons préféré bien se préparer à un lancement officiel, et [aux] conséquences que cela pourrait avoir sur notre organisation et notre porte-parole. Nous avons monté une équipe d'avocats et préparé les finances», explique notre «Noam Chomsky».
À la suite de la publication de plusieurs câbles compromettants pour le gouvernement américain, fin novembre, des institutions financières avaient bloqué les transferts d'argent vers WikiLeaks et plusieurs serveurs qui hébergeaient leur site leur avaient fermé la porte. Sur ce point, QuébecLeaks se dotera de plusieurs miroirs, des espèces de copies de sauvegarde de leur site, hébergé en Allemagne, selon toute vraisemblance.
Toutes ces précautions entreprises avant le lancement officiel, «Noam Chomsky» y tient mordicus, quitte à lancer un site sans contenu. Il est cependant confiant de voir les documents affluer lorsque les gens connaîtront davantage l'organisation et son porte-parole.
QuébecLeaks est prêt à recevoir les documents sensibles depuis la fin février. La sécurité et l'anonymat des sources sont en béton, assure-t-il. L'organisation s'est entourée d'experts en la matière et a collaboré avec OpenLeaks, un site créé par d'ex-membres de WikiLeaks, pour peaufiner certains aspects techniques.
Maigre récolte
À savoir si la pêche a été bonne jusqu'à maintenant, la réponse est nuancée. Sur sa page Facebook, QuébecLeaks y allait de drôles d'allusions concernant le rapport du BAPE sur le gaz de schiste et sur l'entente entre Pétrolia et Hydro-Québec concernant l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti. QuébecLeaks a-t-il en sa possession lesdits documents?
«Non, [mais] ce serait le genre de documents que nous aimerions rendre publics, évidemment. Nous avons reçu d'autres documents sérieux du même ordre [...] mais ceux-ci n'ont pas été retenus car ils n'étaient pas exclusifs, et certains demandaient un travail d'enquête, ce qui ne tombe pas dans nos cordes - mais plus dans celles des journalistes.»
QuébecLeaks entend travailler avec les journalistes, mais pas nécessairement, et pas seulement avec eux. Ses membres s'entoureront aussi d'avocats, de comptables, d'informaticiens et de politiciens pour analyser les informations qui leur parviendront.
L'organisme ne se pose pas trop de questions sur la popularité que pourrait connaître son site. «Ce dont nous voulons nous assurer est d'offrir un système sécuritaire, anonyme, et de faire un travail extrêmement poussé d'analyse par la suite sur les documents qui nous seront soumis.» Il sera toujours temps de se rattraper, dit-il «lorsque nous recevrons des documents très controversés, qui signalent des situations graves».
Pourquoi QuébecLeaks?
Qu'est-ce qui a motivé la création de QuébecLeaks? «Tout d'abord, nous croyons fortement que le Québec actuel souffre d'un énorme déficit de transparence et d'éthique», explique son porte-parole anonyme.
«Ce manque de transparence, poursuit-il, affecte toutes les institutions en place, incluant les deux grands partis au pouvoir depuis une trentaine d'années. [...] Une certaine période de noirceur s'est étendue sur le Québec depuis déjà plusieurs années, et cela entraîne un désintérêt tranquille de la population face à la chose politique. Ce climat crée, inévitablement, plus de corruption et plus de collusion. [...] Cette corruption sclérose notre gouvernement et notre sphère publique.»
Il clame également son insatisfaction devant la loi actuelle sur l'accès à l'information, en vertu de laquelle les journalistes reçoivent souvent des documents «caviardés» par les autorités en place, «ces mêmes autorités qui sont soupçonnées de corruption et de collusion»....
Le site (attention aux copies) : [www.quebecleaks.org->www.quebecleaks.org]
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