La Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale a entrepris cette semaine des consultations publiques sur le prix unique du livre, pour lequel le consensus au sein de l’industrie du livre n’a jamais été aussi fort. Des résistances demeurent toutefois, pour, souvent, de mauvaises raisons.
Le débat n’est pas nouveau. En 1998, le gouvernement Bouchard avait, lors d’un Sommet sur la lecture, abordé cette question du prix unique. L’idée, hier comme aujourd’hui, est simple. Pendant les trois mois qui suivent la sortie d’un livre, les rabais au prix fixé par l’éditeur sont limités à 5 %. Par là, on offre un soutien indirect aux librairies, dont la survie, qui est essentielle à l’ensemble de la chaîne du livre, est menacée par la concurrence de Costco et Walmart, qui ne vendent que les best-sellers à fort rabais. Leur part du marché du livre atteint déjà 11 %.
Le gouvernement Bouchard avait repoussé le prix unique de crainte qu’il ne réduise l’accessibilité du livre. C’est l’argument qu’on fait encore valoir aujourd’hui, tenant pour acquis que, pour une proportion significative de lecteurs, le prix est le facteur déterminant dans leur décision d’acheter un livre. Comme en toute matière, le prix peut influencer la décision d’achat. Mais il y a d’autres facteurs, comme le désir de vouloir absolument lire la suite du best-sellerCinquante nuances de Grey ou 1Q84 sans attendre qu’il soit offert au rabais chez Walmart.
Le problème du livre est double. Il y a d’abord celui de la demande, qui, au Québec, est plus faible que dans le reste du Canada, parce qu’on lit moins. Le Québec a adopté des mesures pour encourager la lecture, tout particulièrement au niveau scolaire, mais pas toujours de façon cohérente malheureusement, laissant pendant des années à l’abandon les bibliothèques scolaires, dont il fallait faire des centres de lecture.
L’accès au livre, on le voit par cet exemple des bibliothèques scolaires, a une incidence directe sur la demande. Les bibliothèques et les librairies sont essentielles. Des efforts ont été faits depuis 15 ans. Les budgets des bibliothèques ont été augmentés. Quant aux librairies, Québec les a aidées à s’informatiser et à s’adapter au commerce en ligne et à l’arrivée du livre électronique.
On a entendu en commission parlementaire des experts servir aux libraires quelques recettes toutes faites. Depuis déjà longtemps, les librairies se sont regroupées pour concurrencer les grandes surfaces. Leur milieu est dynamique, plus que bien d’autres. Voir leur site de commerce électronique RueDesLibraires.com suffit à convaincre qu’elles font ce qu’il faut.
Le problème des librairies, grandes et petites, est que dans un marché de libre concurrence, elles sont soumises à une pression considérable venue des Walmart et Costco, mais aussi des sites de librairies en ligne comme Amazon. Parce qu’elles vendent à fort volume les best-sellers, elles obtiennent des rabais des distributeurs qui leur permettent des « prix coupés » imbattables. L’impact est direct sur les profits et la survie des librairies, dont la disparition aura un impact sur la publication de tous les livres qui ne sont pas des best-sellers. Le premier roman de l’auteur de futurs best-sellers pourrait ne jamais paraître.
Avant qu’il ne soit trop tard, l’État doit protéger les librairies. Le prix unique n’offre pas la garantie de la vie éternelle, mais aucune autre solution n’est proposée autre que le laisser-faire, qui serait irresponsable. Au nom de la raison d’État, les gouvernements pratiquent volontiers le protectionnisme, notamment dans le secteur agricole. Certes, il y a plus d’agriculteurs que de libraires, mais les seconds valent bien les premiers.
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