L’année 1981 représente un moment charnière dans l’histoire du livre au Québec. La Loi 51 sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre est instaurée. Les retombées positives sont instantanées: un fort réseau de librairies indépendantes agréées se développe, offrant une vitrine unique au savoir-faire local et à la virtuosité de nos créateurs. À l’époque ministre des Affaires culturelles du Québec, Denis Vaugeois n’a qu’un seul regret: l’absence d’une réglementation sur le prix du livre dans cette loi.
Depuis lors, le monde du livre a changé et de nouveaux obstacles ont surgi, dont le plus important est la prolifération des grandes surfaces. Ces géants du commerce au détail ont commencé à vendre à prix dérisoires les best-sellers qu’on ne trouvait auparavant que dans les librairies traditionnelles, grugeant ainsi une part importante des revenus de ces dernières. Pourtant, ces «paradis» de la consommation n’offrent qu’un minime pourcentage des nouveautés. Ils ne valorisent en rien le livre et ne proposent aucun service-conseil: un livre et une boîte de cure-dents y sont égaux.
Première industrie culturelle au Québec, le livre emploie quelque
12 000 personnes et génère près de 800 M $ annuellement. Cette industrie est aujourd’hui sérieusement fragilisée par la vente à rabais des best-sellers dans les magasins à grande surface qui vendent ces livres à perte pour attirer la clientèle dans les autres rayons de leur commerce.
Dans ce contexte, le milieu du livre se mobilise pour réclamer d’urgence au gouvernement une réglementation du prix de vente des nouveautés au Québec dans le but de préserver le réseau de librairies. En cinq ans, seize librairies agréées ont fermé boutique au Québec selon les chiffres de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec.
Afin de « stopper l’hémorragie » de la fermeture des librairies, la solution proposée consiste à adopter une mesure législative qui limiterait à 10 % les rabais sur le prix des livres neufs, qu’ils soient imprimés ou numériques, et ce, pour une période temporaire de neuf mois, échéance au-delà de laquelle le prix du livre obéirait aux lois du libre marché.
À mon avis, la solution avancée par le milieu du livre, quoique louable, souffre d’une timidité qui ne fait que reporter le problème à plus tard en ce qui a trait aux livres québécois. En conséquence, le législateur peut et doit intervenir au niveau du réseau de distribution pour redonner au livre québécois ses lettres de créances.
Compte tenu du caractère culturel important, voire essentiel, de l’industrie du livre québécoise, le gouvernement du Québec, pour contribuer efficacement à sa sauvegarde en tant que premier responsable de la culture, doit légiférer en faisant en sorte que les librairies indépendantes québécoises, actuellement noyées dans une mer de concurrence déloyale, obtiennent l’exclusivité de la distribution du livre de chez nous, fleuron de notre culture identitaire.
Henri Marineau
Québec
Pour contribuer à la sauvegarde des librairies québécoises...
Tribune libre
Henri Marineau2095 articles
Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplô...
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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
27 août 2013Réflexion intéressante de la part de l'IRIS
Je vois que le message précédent n'est pas signé. Il est de moi également.
Gaston Carmichael
Archives de Vigile Répondre
22 août 2013À bien des égards, un prix unique du livre pourrait être avantageux. La difficulté est dans le "comment"
Le Québec n'est qu'une province. On ne contrôle pas le marché en Ontario ou ailleurs.
Amazon est un joueur de plus en plus important dans le marché du livre. Eux pourront s'amuser comme des petits fous dans le marché du Québec sachant que les compétiteurs installés au Québec ne pourront pas répondre à une guerre de prix.
Je demeure à Gatineau. Aller à un Chapters à Ottawa m'est très facile. Beaucoup de résidents de Gatineau travaillent à Ottawa. Comme ils sont déjà sur place, c'est encore plus facile.
Alors si on dépense des efforts et des énergies pour mettre en place un prix unique du livre, il faudra s'assurer que la mesure soit efficace.