Pour Paul-François Paoli, les leitmotive actuels des nationalistes corses, qui ne peuvent plus, à bon droit, invoquer l’État jacobin sont de mauvaise foi.
La véritable raison de l’éloignement de la Corse vis-à-vis de la France est que les Corses ne se reconnaissent pas dans la France postmoderne multiculturaliste.
Vous avez écrit une tribune dans Le Figaro dans laquelle vous faisiez le constat de l’éloignement progressif de la Corse vis-à-vis de la France.
Quelles sont les raisons que vous évoquez ?
La raison invoquée autrefois par le nationalisme était celle de l’État jacobins.
On ne peut pas plus dire aujourd’hui que se soit un concept très pertinent.
On est dans une époque de décentralisation générale.
L’Europe a, d’une certaine manière, fait évoluer le principe de la centralisation à la française.
Lorsque les nationalistes parlent du Jacobisme, ils parlent donc d’un ennemi imaginaire.
En réalité, les nationalismes sont pris à leur propre piège. Ils ont toujours voulu l’Europe. Ils ont toujours appelé à voter pour l’Europe. Aujourd’hui, ils sont un petit peu désappointés, parce que le jacobinisme est un vocable qui a disparu.
L’Etat centralisé est extrêmement faible en Corse et inefficace. Ils n’ont donc plus cet ennemi commode.
Ils ont surtout eu tout ce qu’ils voulaient.
Ils ont obtenu la reconnaissance de langue corse, la reconnaissance de la notion de culture corse, depuis les années 75.
Depuis ces années-là, les nationalistes ont gagné la bataille du pouvoir culturel.
En réalité, leur leitmotiv actuel est en fait imaginaire.
Personne en Corse ne souhaite réellement la parité entre le Français et le Corse, parce que c’est très compliqué à mettre en œuvre administrativement.
Le Corse n’a aucun intérêt comme langue administrative. Le Corse est surtout une langue orale.
Ce sont des leitmotive symboliques que les nationalistes utilisent pour faire pression sur l’État français pour satisfaire leur base.
Les vraies raisons de cet éloignement de la Corse sont des raisons psychologiques et symboliques.
La Corse ne se reconnaît pas dans la postmodernité.
La France est devenue un pays postmoderne où les minorités ont beaucoup de pouvoir, de droits, en particulier les minorités homosexuelles et les communautés musulmanes.
La Corse est le dernier village Gaulois.
Le paradoxe de la Corse nationaliste est qu’elle est très proche de la France des années 60.
La France était alors beaucoup plus homogène qu’aujourd’hui. Les minorités étaient beaucoup moins voyantes.
Les Corses détestent l’exhibitionnisme communautaire quand il ne s’agit pas du leur.
Un seul communautarisme est considéré comme légitime en Corse, c’est le communautarisme Corse.
Tous les autres (musulman, gay…) ne doivent pas exister en Corse. C’est ce que pensent les Corses sans oser le dire. D’une certaine manière, c’est implicite.
Les gens qui viennent en Corse savent très bien qu’ils sont dans un pays particulier et que ce n’est pas le lieu pour organiser des gay pride à Ajaccio.
Pensez-vous que d’avoir fait rentrer trois députés nationalistes à l’Assemblée, va changer quelque chose à l’avancement du projet corse ?
Cela ne changera pas grand-chose. Trois députés, c’est une victoire symbolique pour les nationalistes.
Qu’est-ce que cela signifie sur le plan du pouvoir ?
Trois députés, c’est comme un député, ce n’est rien du tout.
Les députés corses nationalistes n’auront aucun moyen de faire pression sur quoi que se soit.
Ils vont simplement exister. C’est donc une certaine forme de reconnaissance.
Ce que veulent les nationalistes corses depuis toujours, c’est la reconnaissance.
Toutes les minorités veulent la reconnaissance.
C’est un mouvement général depuis les années 70.
Les nationalismes veulent la reconnaissance par rapport à l’État français, par rapport à la France. En revanche, ils n’ont pas très envie que les minorités vivant en Corse puissent accéder à cette même forme de reconnaissance.
La société corse est une société qui aspire à une certaine homogénéité culturelle.
De ce fait, le multiculturalisme est incompatible avec la société corse.
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