La commission des lois du Sénat demande à l'Elysée et au gouvernement des explications après les révélations sur les passeports diplomatiques d'Alexandre Benalla. La marcheuse Yaël Braun-Pivet a empêché la tenue d'une nouvelle enquête à l'Assemblée.
Alors que la députée La République en marche (LREM) Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a fermé la porte le 1er janvier à la nouvelle convocation d'une commission d'enquête à l'Assemblée sur l'affaire Benalla, ce 2 janvier, le Sénat a émis un communiqué de presse sur son site internet dans lequel il fait savoir que sa commission des lois veut obtenir des explications de la part de la présidence et du gouvernement concernant les passeports diplomatiques de l'ancien chargé de mission de l'Elysée.
Selon des révélations de Mediapart, Alexandre Benalla a récemment effectué plusieurs voyages en Afrique (où il a notamment rencontré le dirigeant du Tchad Idriss Deby, peu avant la rencontre de celui-ci avec Emmanuel Macron) et en Israël. L'ancien collaborateur de l'Elysée a affirmé avoir toujours rendu compte au président ou à son entourage de ses faits et gestes : «J'explique que j’ai vu telle personne, je détaille les propos qui m’ont été rapportés et de quelle nature ils sont. Après, ils en font ce qu’ils veulent. Y compris le président de la République, qui est informé en direct.» Le Palais présidentiel avait pourtant insisté le 25 décembre sur le fait qu'Alexandre Benalla n'était «pas un émissaire officiel ou officieux» de la présidence.
La commission vérifiera que la sanction de licenciement infligée à Alexandre Benalla a bien entraîné l’arrêt de toute collaboration entre l’intéressé et la présidence de la République.
Le communiqué du Sénat publié ce 2 janvier fait ainsi savoir : «Ces derniers jours, la presse s’est fait l’écho d’informations selon lesquelles M. Alexandre Benalla aurait fait usage, au cours des derniers mois, des passeports diplomatiques qui lui avaient été délivrés dans le cadre de ses fonctions à l’Elysée. Au vu de ces informations, la commission a adressé le vendredi 28 décembre 2018 à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, ainsi qu’à la présidence de la République des demandes d’explications afin de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles M. Alexandre Benalla a pu faire usage de passeports diplomatiques en dépit de la demande de restitution qui lui avait été adressée après son licenciement, au mois de juillet dernier, et alors même qu’il avait déclaré, lors de son audition sous serment du 19 septembre 2018, les avoir laissés dans le bureau qu’il occupait à l’Elysée.»
Et de préciser : «Par ailleurs, conformément à son mandat, la commission vérifiera que la sanction de licenciement infligée à M. Alexandre Benalla a bien entraîné l’arrêt de toute collaboration entre l’intéressé et la présidence de la République. Des demandes d’éclaircissements ont également été formulées concernant d’éventuelles activités privées, notamment dans le domaine de la sécurité, réalisées par MM. Alexandre Benalla ou Vincent Crase lorsqu'ils étaient en fonction à l’Elysée.»
Pour le moment, le président de la commission, Philippe Bas et les deux rapporteurs, Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur, ont fait savoir qu'en «fonction des informations qui [leur seraient] transmises, [ils apprécieraient] s’il y a lieu de procéder à de nouvelles auditions voire de saisir la justice».
Une réponse au refus de l'Assemblée ?
Le 1er janvier, Yaël Braun-Pivet a opposé une fin de non-recevoir, par communiqué interposé, aux députés socialistes qui souhaitaient voir la commission des lois qu'elle préside se pencher sur l'affaire des passeports diplomatiques d'Alexandre Benalla. Dans leur demande, les députés d'opposition épinglaient justement la marcheuse en l'invitant à ne pas «une nouvelle fois ignorer les exigences de transparence».
Macron aurait livré sa version à ses collaborateurs
Pour sa part, Emmanuel Macron aurait fait savoir à ses conseillers, selon les informations du Canard enchaîné, qu'il avait échangé à seulement deux reprises avec Alexandre Benalla depuis l'été 2018. L'Elysée a confirmé cette information de l'hebdomadaire satirique.
Benalla essaie de monnayer une prétendue proximité avec moi et il trouve preneur [...] Il n'est que leur idiot utile
Selon le Canard, le chef de l'Etat aurait fait cette mise au point à des proches le 31 décembre, quelques heures après que l'ex-chargé de mission ait affirmé à Mediapart avoir continué à échanger régulièrement avec lui, via la messagerie Telegram, depuis son licenciement de l'Elysée.
Si le président de la République aurait reconnu avoir reçu une multitude de messages, souvent «lunaires» de la part de son ancien collaborateur, il aurait également admis lui avoir répondu à deux reprises «de manière laconique» et de préciser : «Deux messages un point c'est tout [...] En juillet, au moment de l'affaire, j'étais inquiet de son état : je lui ai donc demandé comment il allait [...] Benalla essaie de monnayer une prétendue proximité avec moi et il trouve preneur auprès de réseaux que j'ai toujours combattus et qui m'attaquent sans limite. Benalla n'est que leur idiot utile», relate le Canard enchaîné.