Pour le CHUM, les analyses ne tiennent guère compte des inconvénients de la formule du partenariat public-privé, de la précarité du transfert de risque, de la pérennité du consortium privé choisi et de sa flexibilité pour répondre aux besoins, observe le vérificateur général Renaud Lachance.
Photo: François Roy, La Presse
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Denis Lessard - (Québec) Le gouvernement Charest a opté les yeux fermés pour construire le CHUM et le CUSM en partenariat avec l'entreprise privée. Les études préparées par l'Agence des partenariats public-privé (PPP) ne permettaient pas de conclure que cette formule était préférable à d'autres.
Dans le rapport qu'il a remis hier à l'Assemblée nationale, le vérificateur constate que le gouvernement a foncé tête baissée dans un projet sur la base d'études «incomplètes» et «peu fiables», a expliqué hier le vérificateur général adjoint, Gilles Bédard.
Par exemple, l'Agence des PPP s'appuyait sur une étude britannique «qui remontait à l'an 2000 pour des projets construits dans les années 1990, et ils n'étaient pas sûrs qu'on y parlait d'hôpitaux. Pouvez-vous vous fier à cela?» a lancé M. Bédard.
Renaud Lachance n'a pas raté l'occasion de dire tout le mal qu'il pense de l'idée de construire le CHUM en PPP. Il en est à sa troisième mise en garde au gouvernement. Il avait d'abord souligné les risques dans la gestion du projet. «On nous a dit non, non, il n'y en a pas», a laissé tomber M. Lachance.
Puis il a prévenu que le projet de 3,2 milliards pourrait grimper à 5,2 milliards. «On a dit non, non, il n'y a pas de problème.» Dans le dernier rapport, c'est l'Agence des PPP qui parle d'un problème : la direction tricéphale nuit à l'organisation et augmente les coûts. «On est très heureux de voir que les gens nous ont donné raison», a dit M. Lachance, cinglant.
Selon lui, toutefois, maintenant que l'appel d'offres est lancé, Québec pourrait difficilement revenir à un mode de réalisation traditionnel. Le rapport d'hier critique le fait que l'Agence des PPP n'a pas sérieusement étudié d'autre processus - les contrats «clés en main», par exemple.
Dans son évaluation comparative entre le PPP et le mode traditionnel, Québec a pipé les dés. Par exemple, l'Agence a tablé sur la présomption que Québec n'entretiendrait pas un édifice construit en mode traditionnel et que, de ce fait, sa valeur diminuerait de 94% après 30 ans. L'immeuble, selon l'Agence, n'aurait plus été bon que pour la démolition. Pour le vérificateur, ce genre de prémisse fait que les études ne tiennent pas la route.
L'Agence des PPP a aussi eu recours à des «taux d'actualisation» plus élevés, de 8%, pour ses projets d'hôpitaux. Dans les autres projets, ont ciblait 6,5%. Ce changement a pesé lourd dans la balance en faveur des PPP. Au-delà des chiffres, les éléments «qualitatifs» ne plaident pas davantage en faveur du PPP. Pour le CHUM, les analyses ne tiennent guère compte des inconvénients de la formule, de la précarité du transfert de risque, de la pérennité du consortium privé choisi et de sa flexibilité pour répondre aux besoins, observe le vérificateur.
Pour Louis Roy, vice-président de la CSN, le constat du vérificateur correspond totalement à celui du comité consultatif à l'OCDE - un groupe où l'ensemble des syndicats sont représentés. «C'est exactement ce qu'on avait prédit, a-t-il dit. On pouvait faire dire ce qu'on voulait aux chiffres en se projetant sur 30 ans. Le choix des PPP était idéologique. On voit que l'Agence a trafiqué les analyses pour vendre les PPP. C'est pire que le scandale des compteurs d'eau de Montréal.»
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