RÉGYS CARON ET JEAN-LUC LAVALLÉE -
Le séjour du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Michael Sabia, au domaine de l’influente famille Desmarais dans Charlevoix, choque l’opposition, alors que les libéraux, eux, cautionnent cette proximité.
« Un jour, peut-être, je serai invité et si je suis invité, je vais y aller, a promis le ministre responsable du Plan Nord, Clément Gignac. Je n’ai aucune pudeur par rapport à ça (...). M. Desmarais a le droit d’inviter qui il veut. Par la suite, on doit se comporter avec la responsabilité des fonds publics. Je n’ai aucun reproche à adresser à M. Sabia », a-t-il déclaré vendredi.
Bien que Michael Sabia ait passé tout un week-end à Sagard en août avec sa famille aux frais des Desmarais, le ministre des Finances, Raymond Bachand, n’y voit pas d’impair non plus. « C’est une activité sociale. Le président de la Caisse ne peut pas se retirer dans une tour d’ivoire », a commenté l’attachée de presse du ministre Bachand, Catherine Poulin.
En conférence de presse à Sherbrooke, le premier ministre Charest a d’abord répondu qu’il se fie au « bon jugement » de M. Sabia qui a une « bonne expérience de vie ». Puis, il en a surpris plus d’un en déclarant qu’il a lui-même séjourné chez les Desmarais. « J’y suis déjà allé, comme je suis allé chez Pierre Karl Péladeau », a-t-il lâché, sans plus de détails.
Interrogé à ce sujet, un porte-parole de Quebecor a ensuite précisé les circonstances de la rencontre évoquée par le premier ministre. « Je confirme qu’il y a plus de huit ans, en septembre 2003, Pierre Karl Péladeau a reçu à dîner le premier ministre Jean Charest et Henri-Paul Rousseau, qui était à ce moment-là président de la Caisse de dépôt et placement, principal partenaire de Quebecor Média. C’est la seule occasion où le premier ministre a été reçu par M. Péladeau », a fait savoir par courriel en soirée J. Serge Sasseville, vice-président aux affaires corporatives et institutionnelles de Quebecor Média.
Une « erreur de jugement »
Plus tôt dans la journée, les partis d’opposition avaient dénoncé le comportement de M. Sabia. « C’est un manque de jugement flagrant. La famille Desmarais exerce une influence considérable sur la politique et l’économie canadienne et québécoise. Tout le monde sait ça; M. Sabia le savait. Je trouve inacceptable qu’il n’ait pas eu la prudence la plus élémentaire en se présentant là », a commenté le député péquiste Nicolas Marceau.
Même son de cloche à la Coalition Avenir Québec (CAQ). « C’est imprudent de sa part. Ça ne donne pas une apparence d’indépendance. Il aurait intérêt à garder une plus grande distance par rapport aux grandes entreprises vis-à-vis desquelles il a des décisions à prendre. Il a intérêt à être plus prudent », a répondu François Rebello.
« Regrettable » et « troublant »
Amir Khadir, de Québec solidaire, juge que c’est « très regrettable ». « Ça me rappelle une mise en garde que j’avais faite quand M. Sabia est arrivé à la tête de la Caisse de dépôt. Pour moi, c’est un fonds important et souverain à la disposition du Québec qui doit agir en toute indépendance par rapport aux milieux financiers privés. C’est troublant... Juste de créer des liens d’amitié, ça vient corrompre les positions qui doivent être tout à fait infranchissables et étanches entre les deux institutions. »
La veille, le porte-parole de la Caisse de dépôt et placement avait déclaré qu’il s’agissait d’une « simple activité sociale ». L’explication a fait bondir Amir Khadir : « Il devrait peut-être ajouter que ce n’est qu’une “activité sociale dans laquelle les principaux participants prennent les observateurs que nous sommes pour de parfaits imbéciles”. »
L’opposition choquée
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