Le Collège des médecins du Québec plaide pour que les personnes atteintes d’un trouble de santé mentale puissent demander l’aide médicale à mourir. Dans un avis adopté vendredi, l’ordre professionnel ouvre également la porte à l’admissibilité de certains enfants. Mais pour ces deux catégories de patients, des balises claires viendraient encadrer la pratique.
L’avis indique que « l’AMM peut être un soin approprié dans les cas de bébés âgés de moins de 1 an, victimes de souffrances extrêmes qui ne peuvent être soulagées, couplées à des pronostics très sombres, et affectés par des malformations sévères ou des syndromes polysymptomatiques graves, qui annihilent toute perspective de survie ». Dans ces cas, très rares, les parents seraient parties prenantes de la décision, qui serait encadrée par un « protocole strict », comme aux Pays-Bas, explique le président du Collège des médecins du Québec, le Dr Mauril Gaudreault.
Il y a des cas où c’est dramatique pendant les premiers mois de vie. On s’entend que ça peut être exceptionnel. Mais pour nous, même dans des cas exceptionnels comme ça, c’est un soin qui devrait être envisagé pour tous les patients. La souffrance touche ces petits bébés qui souffrent sans pouvoir le dire.
Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec
Le Collège croit aussi que les « mineurs matures », soit les enfants âgés de 14 à 17 ans, devraient être admissibles, à certaines conditions, à l’AMM. Ces jeunes pourraient y consentir « conjointement avec l’autorité parentale », selon le Dr Gaudreault, qui parle par exemple de jeunes qui vivent depuis la naissance avec des maladies chroniques et qui ont passé plus de la moitié de leur vie à l’hôpital. « Le Collège appuie sa position sur le fait que la souffrance ne tient pas compte de l’âge et que chez les mineurs, elle peut être aussi intolérable que chez les adultes », indique le Collège dans son avis.
Avant de rendre cette recommandation, l’ordre professionnel a mis sur pied un comité de réflexion qui a consulté la population et ses membres par des sondages, des mémoires et des groupes de discussion durant la dernière année, explique le Dr Gaudreault.
Troubles neurocognitifs : pour des demandes anticipées
Le Collège des médecins – qui avait déjà fait connaître son appui à cet élargissement au cours de la commission spéciale qui s’est penchée sur la question à Québec – croit par ailleurs que les personnes atteintes de troubles neurocognitifs, comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson, devraient pouvoir avoir recours à l’aide médicale à mourir si elles le désirent. Celles-ci devraient toutefois en avoir fait la demande avec des directives anticipées, peu après avoir obtenu leur diagnostic, alors qu’elles sont aptes à donner leur consentement. « Une très forte majorité de la population et des médecins appuient cette ouverture », dit le Dr Gaudreault.
Cette position concorde avec celle de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, qui s’est dite mercredi favorable à l’élargissement de la loi aux personnes inaptes, comme celles atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Ne pas exclure la maladie mentale
Le Collège des médecins se démarque de la Commission spéciale en ce qui concerne les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. Pour la Commission spéciale, « il n’existe pas un consensus parmi les professionnels de la santé quant à l’incurabilité des troubles mentaux » et sur leur caractère irréversible. L’élargissement de l’AMM pour ce groupe de patients n’est pas donc appuyé.
Une position critiquée par l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ). Dans un communiqué publié jeudi, l’AGIDD-SMQ juge la position de la Commission spéciale « injuste et discriminatoire ». « Une fois de plus, les droits et la souffrance des personnes vivant un problème de santé mentale ne sont pas pris en compte », écrit l’AGIDD-SMQ.
Contrairement à la Commission spéciale, le Collège des médecins croit que les patients atteints de maladie mentale devraient pouvoir avoir recours à l’AMM.
On parle beaucoup des souffrances inapaisables pour les troubles physiques ou les troubles neurocognitifs […] Mais pour les troubles psychiatriques sévères aussi, il peut y avoir des souffrances inapaisables.
Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec
Ce dernier explique que très peu de ces patients seraient admissibles à l’AMM. Ceux-ci devraient notamment être en souffrance depuis « plusieurs années ». Et des balises « claires et sérieuses » devraient être établies pour guider les cliniciens dans leur décision. Le Collège parle notamment de « l’idéation suicidaire, inscrite dans la symptomatologie décrite d’un trouble mental, qui devrait être exclue ».
Le Dr Gaudreault précise aussi que « trouble mental » ne signifie pas nécessairement que la personne est inapte à consentir à ses soins. Il précise ne pas être en confrontation avec la Commission spéciale. Le Collège veut simplement « participer à la réflexion » alors que le Québec est appelé à élargir éventuellement sa loi. Vendredi, François Legault a d’ailleurs laissé entendre qu’un projet de loi en ce sens serait déposé durant la prochaine session.
L’aide médicale à mourir est administrée au Québec depuis 2014. Pour y avoir accès, une personne doit notamment être apte à donner son consentement, avoir une maladie incurable dont le déclin est avancé et irréversible et présenter des souffrances intolérables. Une personne souffrant de trouble neurocognitif ne peut obtenir l’AMM actuellement, car elle est inapte à y consentir. La Commission spéciale avait le mandat d’étudier cet enjeu de même que celui de l’accès pour les personnes atteintes de troubles mentaux.
Actuellement, deux lois encadrent l’aide médicale à mourir au Québec : la loi provinciale et la loi fédérale. Certaines différences existent entre les deux. Le Collège des médecins milite depuis des mois pour que ces deux lois soient « harmonisées ». Le gouvernement fédéral doit se prononcer publiquement en 2022 sur l’élargissement de sa loi sur l’aide médicale à mourir.