Le secrétaire du cabinet fédéral a déclaré mardi que les hauts fonctionnaires n’avaient pas examiné au préalable la situation financière ou la structure de gouvernance d’UNIS (« WE Charity » en anglais) alors qu’ils songeaient à lui confier la gestion d’un programme de bourses d’études de 912 millions de dollars.
Témoignant devant le Comité d’éthique de la Chambre des communes mardi après-midi, Ian Shugart, greffier du Conseil privé, a indiqué que le contrôle préalable d’UNIS s’était finalement concentré sur la capacité de l’organisme de bienfaisance à assumer le mandat qui lui serait confié. M. Shugart a déclaré que de hauts fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada — le ministère qui a finalement signé le contrat avec UNIS — lui ont dit qu’ils avaient déjà traité avec cet organisme, ce qui l’a rassuré.
Le mandarin a par ailleurs indiqué que le premier ministre Justin Trudeau avait d’abord repoussé cette proposition et demandé un examen plus approfondi de l’entente, conscient que les liens de sa famille avec l’organisme attireraient des critiques. Les fonctionnaires ont alors évalué si UNIS saurait administrer un programme de bénévolat étudiant à l’échelle du Canada et offrir ces services dans les deux langues officielles.
D’autres questions relatives à l’organisme, à son conseil d’administration, à sa situation financière et à sa structure de gouvernance n’ont pas été prises en compte à ce moment-là, a soutenu M. Shugart mardi. Quand la proposition est revenue sur la table du cabinet deux semaines plus tard, M. Shugart a cru que le contrôle préalable d’UNIS était maintenant suffisant.
Deux ministres témoignent
Ottawa avait prévu un budget de 912 millions pour le programme, mais l’entente avec UNIS était de 543 millions. Le contrat stipulait que l’organisme de bienfaisance couvrirait ses frais, sans plus.
M. Shugart fait partie d’une poignée de témoins de haut niveau qui ont été interrogés mardi par les députés sur la façon dont un organisme de bienfaisance étroitement lié au premier ministre a fini par administrer l’ambitieux programme de bourses d’études. Le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a aussi entendu la ministre de la Jeunesse, Bardish Chagger, qui a révélé avoir eu un entretien téléphonique avec le confondateur d’UNIS, Craig Kielburger, le 17 avril, soit près d’une semaine avant l’annonce du programme par le premier ministre.
Selon la version de la ministre Chagger, cet appel non sollicité portait sur une proposition concernant un programme d’entrepreneuriat social pour les jeunes.
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait jamais fait mention de cette conversation téléphonique lors d’un précédent témoignage devant le comité des finances, Mme Chagger a répondu que la discussion ne portait pas sur le programme controversé.
Sa collègue à l’Emploi, Carla Qualtrough, dont le ministère a recommandé de confier le contrat à UNIS, a déclaré avoir été informée du choix de la fondation tout juste avant que la proposition soit déposée pour adoption par le Cabinet, le 5 mai.
Elle a ajouté ne pas s’en être enquise plus tôt puisque ce dossier était sous la responsabilité de la ministre de la Jeunesse. Carla Qualtrough a défendu la gestion de la pandémie par le gouvernement libéral, mais a reconnu que ce dossier n’a pas été mené correctement.
« C’était la pandémie et c’était la folie et on filait à vive allure, mais on n’aurait pas dû échapper ce dossier-là », a-t-elle précisé.
Justin Trudeau et son ministre des Finances Bill Morneau, dont la famille est aussi liée à UNIS, font tous deux l’objet d’une enquête du commissaire à l’éthique. Trudeau a été invité comme conférencier dans six rassemblements « WE Day » et son épouse Sophie Grégoire anime un balado pour l’organisme. Des engagements pour lesquels ils n’ont pas été rémunérés.
La fondation a toutefois payé des centaines de milliers de dollars en dépenses liées aux engagements de Mme Grégoire ainsi qu’en cachets et dépenses pour des discours de la mère et du frère de Justin Trudeau au fil des ans.
Mardi, Carla Qualtrough a révélé avoir elle aussi été invitée à titre de conférencière lors d’un événement « WE Day » en 2016. Elle a précisé ne pas avoir été rémunérée et que ses dépenses n’avaient pas été remboursées.
Pour le député du Nouveau Parti démocratique, Charlie Angus, ces révélations démontrent à quel point la fondation UNIS était à l’aise dans ses relations avec les échelons les plus élevés du gouvernement Trudeau.
Trudeau a confiance en Morneau
Le premier ministre Justin Trudeau affirme avoir encore totalement confiance en son ministre des Finances.
M. Trudeau dément ainsi les articles parus cette semaine selon lesquels il songerait à remplacer Bill Morneau par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney.
M. Morneau est en eaux troubles depuis les révélations des liens entre l’organisme de charité UNIS et sa famille.
La famille de M. Trudeau a, elle aussi, des liens avec l’organisation qui a choisi d’abandonner le contrat qu’Ottawa lui avait accordé.
Les partis d’opposition réclament la démission de M. Morneau depuis que cette affaire a éclaté.