En Tanzanie, des dizaines de personnes se ruent chaque jour sur les débris recrachés par une gigantesque mine d’or à ciel ouvert. Elles espèrent y grappiller les pépites qui leur permettront de nourrir leur famille -au péril de leur vie.
Au Honduras, les habitants d’une vallée soutiennent avoir été empoisonnés à petit feu par les activités d’une mine aurifère. Amers, ils parlent de leurs rivières asséchées, de leurs maladies de peau, de leurs puits contaminés à l’arsenic et au mercure.
Au Salvador, quatre opposants à un projet minier ont été assassinés depuis 2009. De mystérieux meurtres en série qui ont ébranlé ce petit pays d’Amérique latine.
Trois pays, trois conflits sociaux. Et un point commun : les entreprises impliquées dans ces affaires sont toutes trois canadiennes.
Les trois quarts des sociétés minières de la planète ont leur siège social au Canada. Elles y sont attirées par de généreux congés fiscaux - et par des contrôles réglementaires minimaux. La ruée vers l’or, toutefois, les pousse à exploiter des mines dans des pays pauvres, où la police est corrompue et les droits de la personne, pas toujours respectés.
Trop souvent, le résultat est explosif. Et la réputation du Canada en souffre. Dans certains pays, la feuille d’érable est même devenue synonyme de négligence et de violation de droits.
De l’Afrique à l’Amérique latine, voici l’histoire de gens ordinaires dont la vie a été bouleversée par une industrie aussi lucrative que controversée.
Un grand reportage signé Agnès Gruda, Isabelle Haché, David Boily et Ivanoh Demers.
***
Pierres précieuses tachées de sang
Joseph Mwikwabe avait 23 ans, un bébé de 1 mois et une femme d’une beauté à couper le souffle. Il avait aussi une famille élargie, qui comptait sur l’argent qu’il gagnait en fouillant dans les débris de North Mara, mine d’or exploitée par la société canadienne Barrick Gold, dans le nord de la Tanzanie.
Le 7 mai dernier, avant l’aube, Joseph Mwikwabe a rassemblé son équipement de chercheur d’or illégal - un marteau, une bouteille d’eau et un sac à dos. Il a embrassé sa femme, puis a couru rejoindre ses compagnons au pied d’un amoncellement de pierres grises à Kewanja, un des sept villages qui entourent la mine.
Une heure plus tard, il gisait, mort, au milieu des pierres. Selon les témoignages recueillis par ses proches, il a été abattu lorsqu’il fuyait la police. Ses amis l’ont entendu crier : « J’ai été touché au dos. » Puis, plus rien.
Cinq mois plus tard, on ignore toujours qui a tué Joseph Mwikwabe. Un policier tanzanien? Ou un garde privé d’African Barrick Gold, filiale détenue à 74 % par le géant canadien de l’or?
On ne le saura probablement jamais.
Joseph Mwikwabe faisait partie de ce qu’on appelle ici des intruders : ces centaines de villageois qui s’aventurent chaque jour sur le terrain de Barrick Gold, à la recherche de quelques pépites du précieux métal.
Dans ces villages des confins de la Tanzanie, à 30 km de la frontière du Kenya, les gens vivent sans électricité ni eau courante, les routes de terre sont défoncées, sauf dans l’environnement immédiat de la mine. Ici, le sol est peu propice à l’agriculture. Et presque chaque famille compte un chercheur d’or illégal.
Les trois carrières de North Mara recrachent leurs débris jusqu’au milieu des villages. Et les fragments d’or qu’on trouve dans ces buttes artificielles permettent aux proches des intruders de mettre un peu de viande sur leur ugali - ce plat traditionnel à base de farine de maïs.
Ces montagnes sont en mouvement perpétuel, les gens y montent et en descendent, à la recherche d’un trésor oublié dans les débris. Au-delà s’étalent les carrières de la mine. Parfois, les « intrus » foncent carrément vers un site fraîchement dynamité pour y voler des pierres.
Cette ruée vers l’or de Barrick Gold comporte des risques. Les intruders sont régulièrement pourchassés, y compris à coups de balles. La direction de la mine, qui nous a exceptionnellement donné accès à son site, assure que ses gardes de sécurité n’ont pas le droit d’utiliser leurs armes à feu, sauf en cas de légitime défense. Mais les morts se multiplient : 29 chercheurs d’or ont été tués depuis trois ans, selon le Centre juridique et des droits de l’homme, une ONG tanzanienne qui documente ces affrontements. C’est presque un mort par mois.
Un mélange explosif
North Mara présente un cas de figure unique. Plantée en plein coeur d’une zone habitée, la mine est imbriquée dans la vie quotidienne de quelque 70 000 personnes. Sur les routes de terre rouge qui mènent vers ses décharges, les gigantesques camions à benne croisent des villageois avec leurs chèvres et leurs ânes. L’an dernier, un homme est mort sous les roues d’un de ces mastodontes. Depuis, la société a érigé une tour de surveillance à l’endroit de l’accident.
Une population très pauvre vivant à deux pas d’une immense réserve d’or. Le mélange est explosif. Il illustre la difficile cohabitation entre les sociétés minières qui investissent des millions pour extirper du sol des tonnes de métaux précieux et ceux qui subissent les contrecoups de cette extraction massive.
Ces tensions sont en partie inévitables. Par définition, les mines génèrent des conflits. « Personne n’aime les mines », résume laconiquement le directeur général de North Mara, Gary Chapman. C’est encore plus vrai dans le cas de l’or, métal dont la valeur, à plus de 1700 $ l’once, fracasse des records. Et qui est relativement facile à extraire de façon artisanale.
Ce n’est pas toujours Blood Diamond pour autant. De plus en plus, les sociétés minières essaient d’amortir le choc avec des projets de « responsabilité sociale ». Elles font construire des écoles, des routes ou des hôpitaux. Mais ces efforts tombent souvent à plat. Pire, il arrive que les ressources précieuses arrachées par les mines soient tachées de sang. Du sang qui éclabousse forcément le Canada, leader mondial de l’industrie minière, qu’il courtise depuis les années 80 à coups de généreuses mesures d’incitation fiscale.
Résultat : les trois quarts des sociétés minières que compte la planète ont leur siège social au Canada. Ces sociétés investissent dans 10 000 projets, répartis dans plus d’une centaine de pays. Parfois, les choses se passent bien. Parfois, ça dérape.
Évictions forcées en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Massacre en République démocratique du Congo. Viols collectifs au Guatemala. Partout sur la planète, des sociétés minières canadiennes sont accusées d’engendrer de la violence et des dommages écologiques.
Pour réaliser ce reportage, nous avons voyagé en Tanzanie, mais aussi au Honduras et au Salvador, où des projets miniers sont à la source d’inquiétants conflits sociaux.
Le portrait que nous en avons tiré n’est pas entièrement noir. Ces entreprises créent des emplois et investissent dans les communautés où elles sont implantées. Le tiers du millier d’employés de North Mara, par exemple, proviennent des villages environnants. Et la mine achète 30 % de sa nourriture chez les producteurs locaux. Mais pour la population locale, les dommages paraissent souvent plus graves que les bénéfices apportés par les mines.
La réputation entachée du Canada
Selon une étude commandée en 2009 par l’Association canadienne des prospecteurs et des développeurs, 34 % des infractions minières dans le monde impliquent des sociétés canadiennes. Ça peut paraître relativement peu, compte tenu de l’importance de l’industrie minière canadienne dans le monde.
Mais selon le Centre canadien d’étude des conflits liés aux ressources naturelles, qui a réalisé cette recherche, le Canada détient le record des contraventions parmi les pays développés qui exploitent des mines dans le tiers-monde.
Et il y a plus. Contrairement à d’autres pays, qui déclenchent des enquêtes lorsque des allégations de violations de droits de la personne pèsent sur leurs sociétés installées à l’étranger, Ottawa n’intervient pas. « Le Canada joue un jeu très dangereux, nous nous faisons une mauvaise réputation », déplore Bonnie Campbell, professeure d’économie politique à l’UQAM. À un point tel que dans certains pays, la feuille d’érable est synonyme de négligence et de violation de droits.
Certaines sociétés canadiennes contribuent à noircir cette image. Selon RepRisk, un site web qui évalue la réputation des entreprises, Barrick Gold est au septième rang des sociétés minières les plus controversées de la planète. Le conseil de l’éthique du Fonds de pension norvégien a placé ce poids lourd de l’or sur la liste noire des entreprises dans lesquelles il refuse d’investir, à cause d’une fuite toxique à la mine de Porgera, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La mine tanzanienne de North Mara est une épine douloureuse au pied de la plus importante société d’extraction d’or de la planète. Une épine dont elle n’est pas entièrement responsable.
Longtemps fermée aux investissements étrangers, la Tanzanie a ouvert son riche sous-sol aux prospecteurs internationaux dans les années 90. Quand la société australienne East African Gold Mines a entrepris d’explorer la région de Mara, elle n’est pas arrivée sur une terre vierge. Des mineurs artisanaux y piochaient déjà de l’or. La société a racheté leurs droits, leur a promis monts et merveilles, mais n’a jamais réalisé ses promesses. La production massive à North Mara a commencé en 2002, dans un climat d’animosité.
Un an plus tard, North Mara a été vendue à la société canadienne Placer Dome, qui été avalée par Barrick Gold en 2006. Du coup, le géant canadien a hérité d’un casse-tête inextricable.
North Mara est un exemple parfait de la pire façon de construire une mine dans un milieu existant », constate Tim Hughes, chercheur à l’Institut africain d’affaires internationales, dans un rapport sur les mines tanzaniennes.
Cette mine pose un « grave problème de sécurité », déplore le sous-ministre tanzanien de l’Énergie et des Minéraux, Stephen Masele. La direction de la mine reconnaît, elle aussi, que la proximité des villages cause une situation problématique. Elle y répond en renforçant la sécurité. Mais ce n’est pas assez pour décourager les intruders.
Le métier de tous les dangers
Peter Nyaruri habite le village de Nyangoto, près de North Mara. Cet enseignant qui tient une école privée de swahili vivait avec 80 $ par mois. Depuis qu’il a décidé de se convertir en intruder, il peut en gagner jusqu’à une centaine en une seule journée.
Ce travail est périlleux. À force de tomber dans les roches pour fuir la police, Peter Nyaruri a les mollets couverts de cicatrices. Mais il veut continuer, malgré tout. C’est son seul moyen de réaliser son rêve : construire une vraie maison en blocs de ciment pour sa famille.
Plusieurs, ici, se demandent pourquoi la mine interdit l’accès à ses déchets. Réponse officielle : raisons de sécurité. « Mais c’est comme si on fusillait les gens qui fouillent dans nos poubelles », rétorque le militant antimine Fanuel Petro. Selon lui, « la source de ce conflit, c’est la pauvreté ».
Cette pauvreté incite certains à prendre encore plus de risques en allant voler l’or directement dans les carrières de North Mara. Le 30 août, une vingtaine d’hommes ont escaladé le mur protégeant une de ces carrières. Ces « intrus », armés de machettes selon la police, ont été accueillis par une rangée de policiers et de gardes privés de Barrick Gold. Bilan : un mort.
Nous avons visité la région quatre jours plus tard, alors que les proches de Paulo Sarya étaient réunis pour la traditionnelle veillée funèbre. Comme les autres habitants de la région, les Sarya appartiennent à la tribu des Kuria, réputée pour son caractère irréductible. Plusieurs, ici, ne reconnaissent pas les droits miniers de Barrick Gold. Pour eux, les intruders ne sont pas des voleurs.
Mais ce qui choque surtout la famille de Paulo, c’est la force excessive dont il a été victime. « J’aurais compris s’il avait été arrêté, dit son père, George. Mais pourquoi lui a-t-on tiré dessus? »
Des morts impunies
Barrick Gold pourrait faire beaucoup plus pour mettre fin à la violence autour de cette mine, selon Esther Matiko, représentante de la région de Mara au Parlement tanzanien.
Nous avons fait plusieurs suggestions, aucune n’a été retenue », dit cette députée de l’opposition. Selon elle, la mine pourrait décharger ses rejets plus loin des carrières et les rendre accessibles à la population. Ou construire une barrière autour de tout son terrain et déplacer les habitants, moyennant une compensation adéquate. Elle pourrait enfin cesser de recourir à la police nationale pour protéger sa propriété.
Car la présence des policiers aggrave le problème. Le frère de Joseph Mwikwabe, Deus, nous a expliqué comment les agents corrompus monnaient les droits de passage vers les meilleures pierres. Les échauffourées éclatent souvent quand des intruders estiment qu’ils se sont fait avoir. La direction de la mine dit qu’elle fait tout pour prévenir ce phénomène. Mais sur le terrain, tous évoquent les conflits avec les policiers avides d’argent.
Barrick Gold promet de prolonger sa barrière de sécurité et d’établir une zone tampon de 200 mètres entre les villages et la mine. Mais en attendant, des gens meurent. Et les circonstances de ces morts sont rarement élucidées.
En mai 2011, cinq personnes ont été tuées lors d’une tentative d’intrusion dans une carrière de North Mara. Barrick Gold affirme avoir terminé son enquête, mais refuse de dire quelles sont ses conclusions, ni si elles auront des suites.
À l’époque, la police avait voulu enterrer les corps au plus vite. La députée Esther Matiko a été brièvement détenue, alors qu’elle réclamait des autopsies pour les victimes. « Le plus triste, c’est que ces morts se multiplient, et que personne n’en a jamais été tenu responsable », rage-t-elle.
Joseph Mwikwabe a été enterré dans le jardin familial, à une demi-heure de route de la mine. Une dizaine de huttes au toit de chaume y abritent les membres de la famille élargie.
C’est là que nous avons rencontré ses parents, Anastasia et Mwikwabe. Ils sont inconsolables. La somme de 1000 $ que leur a offerte Barrick Gold en guise de condoléances est infime comparativement à la perte qu’ils ont subie.
Fatalistes, ils sont convaincus que la mort de Joseph restera impunie. Ils se sentent impuissants devant ce qu’ils perçoivent comme une terrible injustice.
Des sentiments que partagent les voisins d’une autre mine canadienne, au Honduras, à des milliers de kilomètres de North Mara.
La vallée empoisonnée du Honduras
On pénètre dans la vallée de Siria, au Honduras, par une route cabossée, presque déserte, mis à part quelques hommes coiffés de chapeaux de cowboy qui y circulent sur des chevaux maigres.
À l’horizon, le paysage est à couper le souffle, couvert d’un tapis de verdure, sauf pour un étrange trou dans la montagne, comme une plaie béante où rien ne semble vouloir pousser.
Le militant Pedro Landa scrute du regard l’emplacement de l’ancienne mine d’or San Martin, exploitée pendant près de 10 ans par la société canadienne Goldcorp avant sa fermeture, en 2008.
Ça fait 12 ans que je me bats avec la communauté locale contre cette mine, dit-il. C’est devenu l’emblème de la lutte contre les sociétés minières, non seulement au Honduras, mais dans toute l’Amérique latine. »
Juste avant d’entrer dans la petite ville d’El Porvenir, on traverse avec précaution un pont - ou ce qu’il en reste. « Un cadeau de Goldcorp à la communauté, raille M. Landa. Le pont a été construit l’an dernier, mais il a été si mal conçu qu’il tombe déjà en ruine. Et c’est ce qu’ils appellent de la responsabilité sociale d’entreprise! »
Le pont enjambe ce qui était jadis une rivière, mais qui n’est plus qu’un mince filet d’eau. Cela aussi, c’est un héritage de Goldcorp, soutiennent les militants antimine. Tout comme les maladies de peau, les fausses couches et les pertes de cheveux.
L’entreprise balaie ces accusations d’un revers de main. Pourtant, certains habitants restent convaincus que les activités minières ont asséché leurs cours d’eau - et que les tonnes de déchets toxiques rejetés par la mine continuent de les empoisonner à petit feu.
« L’eau est devenue jaune »
Pedro Landa gare sa voiture devant l’école d’El Porvenir. Il a fait une heure et demie de route de la capitale, Tegucigalpa, pour rencontrer une trentaine d’habitants de la vallée, réunis dans une salle de classe.
M. Landa récolte leurs signatures, afin de pouvoir agir en leur nom dans un éventuel recours contre Goldcorp ou le gouvernement du Honduras.
Dans le groupe, Rodolfo Arteaga est l’un des plus féroces opposants de la mine. Quand les prospecteurs sont arrivés dans la vallée en 1995, ce paysan a pourtant cru que sa vie de misère était terminée. Il a vendu son bétail et troqué sa bêche contre un piolet.
Comme lui, 400 personnes sont descendues à la mine, chaque matin, pendant des années. Des emplois tombés du ciel, une bénédiction pour cette communauté rurale, très pauvre, du Honduras.
Aujourd’hui, ils sont nombreux à juger que le prix à payer pour cette éphémère prospérité était trop élevé.
Rodolfo Arteaga a commencé à déchanter quand il a perdu la maison de son enfance. Il s’est battu jusqu’à la dernière minute pour la conserver. Il se souvient des camions de démolition qui s’approchaient inexorablement. « Seul, je ne pouvais rien contre eux. J’ai dû me résigner à partir. » Il a été exproprié et sa maison a disparu dans le cratère.
Il en habite aujourd’hui une plus grande et plus solide, construite trois kilomètres plus loin, aux frais de l’entreprise. Mais il s’estime perdant malgré tout, car il soutient y avoir laissé sa santé. « Pendant des années, j’ai bu de l’eau contaminée de métaux lourds. Des tests ont révélé que j’avais des niveaux élevés de plomb et d’arsenic dans le sang. »
Goldcorp accuse les militants de faire une utilisation sélective des études menées sur le terrain. L’une des plus récentes indique bien que les villageois affichent un taux élevé de métaux lourds dans le sang, « mais ce qu’on ne dit pas, c’est qu’un groupe contrôle situé à des centaines de kilomètres de la mine affichait le même taux », a souligné le PDG de Goldcorp, Charles Jeannes, lors de l’assemblée annuelle des actionnaires, en avril.
Cela n’empêche pas Molesta Ortega de se croire empoisonnée. « J’ai 58 ans, j’ai travaillé fort toute ma vie aux champs et à élever mes cinq enfants. Je n’avais jamais été malade, mais quand la mine est arrivée, j’ai commencé à avoir de terribles problèmes de peau. »
Son corps est couvert de lésions.
Avant, on se baignait et on y lavait nos vêtements dans la rivière. Mais avec la mine, l’eau est devenue jaune. Depuis, mes problèmes ne m’ont jamais quittée. Si la mine verse une indemnité, qu’elle le fasse vite, parce que nous allons tous mourir! »
Ces gens ont-ils raison d’accuser la mine? La réponse n’est pas évidente. Les problèmes de peau sont fréquents dans les pays en développement, et s’expliquent souvent par un manque d’hygiène.
Le Dr Juan Alemendarez, ancien doyen de la faculté des sciences médicales de l’Université nationale autonome du Honduras, est pourtant convaincu que la mine est responsable des maux de la vallée.
Il tient une clinique ambulante dans les régions pauvres du Honduras, dont la vallée de Siria. Là-bas, dit-il, la proportion de patients qui consultent pour des maladies de peau est passée de 10 % à 70 % en quelques années.
Les gens nous consultent aussi pour des pertes de cheveux, des démangeaisons, des irritations aux yeux. Et ça, c’est parce qu’ils ont bu et se sont lavés avec cette eau contaminée par la mine », affirme le médecin.
Une bombe à retardement
Une colline artificielle domine la vallée de Siria. Elle est formée de 55 000 tonnes de roches extraites au fil des ans des entrailles de la terre - avant d’être arrosées de cyanure.
Cette butte toxique, enrage Rodolfo Arteaga, est « une bombe à retardement qui va continuer à rendre malades [les habitants], petit à petit, pendant des années ».
Il brandit une étude de Paul Younger, professeur de génie géochimique à l’Université de Newcastle, au Royaume-Uni, qui a trouvé des preuves de « contamination sévère » dans un ruisseau de la vallée en novembre 2008.
L’étude a conclu à un « drainage minier acide », phénomène lié à l’utilisation du cyanure pour extraire le précieux métal des dépôts rocheux. Cette procédure libère d’autres métaux lourds toxiques, comme l’arsenic, le mercure et le plomb.
Depuis, Goldcorp a pris des mesures pour mettre fin au drainage acide. « Nous nous engageons à mettre tout l’argent nécessaire pour garantir le nettoyage », a assuré M. Jeannes lors de l’assemblée des actionnaires.
Selon lui, les inquiétudes des militants et des ONG ne sont pas fondées. « Cette mine est fermée. Tout ce que nous faisons là est de la surveillance après fermeture, et tout va bien. C’est un travail de réhabilitation remarquable. »
Les bassins dans lesquels était récupérée l’eau souillée de cyanure ont par exemple été convertis en étangs où sont désormais élevés des milliers de tilapias. Le PDG a d’ailleurs assuré y avoir goûté lors d’une visite au Honduras - et avoir trouvé ça délicieux.
Le lobby minier du Canada
Mais les ONG n’entendent pas lâcher le morceau. Malgré eux, les habitants de la vallée de Siria se trouvent sur la ligne de front d’une bataille politique cruciale pour l’avenir des mines au Honduras. Et le Canada a clairement choisi son camp.
Dès 2006, les inquiétudes soulevées par la mine San Martin avaient poussé l’ancien président du Honduras Manuel Zelaya à bloquer l’attribution de toute nouvelle concession minière. Il a créé une commission chargée de réécrire la loi sur les mines, jugée trop favorable aux sociétés étrangères.
La commission a terminé ses travaux en mai 2009. Son projet de loi prévoyait d’interdire les mines à ciel ouvert et l’utilisation de substances toxiques comme le cyanure et le mercure, en plus d’augmenter les taxes imposées au secteur minier.
La loi n’a jamais été adoptée. Le 28 juin 2009, le président Zelaya, ancré à gauche, a été renversé par un coup d’État appuyé par les militaires. Plusieurs mois plus tard, les Honduriens ont élu le gouvernement conservateur de Porfirio Lobo.
Après le coup d’État, l’ambassade du Canada a exercé un fort lobby auprès de la nouvelle administration hondurienne en faveur de l’adoption d’un code minier plus favorable aux entreprises », affirme Jennifer Moore, du groupe de pression Mines Alerte Canada.
En fait, l’ambassade a organisé des rencontres entre des politiciens honduriens et des entrepreneurs miniers canadiens, dans le but affiché d’encourager la responsabilité sociale d’entreprise. Mais les groupes de pression soutiennent que ce n’était qu’un prétexte; pour Ottawa, l’important était d’influencer les nouveaux décideurs du Honduras.
Le président Lobo a effectivement renversé la vapeur : dans l’espoir d’attirer des investissements étrangers, il a proposé de simplifier les processus réglementaires, de réduire les normes environnementales et de limiter le droit de consultation des communautés touchées.
La société civile est montée au créneau. Une vingtaine d’ONG a dénoncé « la façon servile dont les richesses du Honduras continuent à être bradées à des investisseurs étrangers ».
Bref, c’est l’impasse. Et pour la débloquer, le Canada a offert une « aide technique » afin de guider le Honduras dans la réforme de son code minier.
Les conseils fournis par les spécialistes canadiens se limiteront à l’identification des champs de conformité et de non-conformité aux normes internationales. Les spécialistes ne proposeront pas de texte en particulier », a assuré en septembre le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino.
Cette aide technique, a-t-il ajouté, sera financée par l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI).
Cela ne rassure pas Mme Moore. Au contraire. « Le Canada dépense l’argent des contribuables pour tenter d’influencer le cours des choses dans ce secteur critique pour le Honduras, et ce, contre la volonté de la société civile de ce pays, s’indigne-t-elle. Pire, il reste silencieux sur les attentats et les menaces contre la presse et les groupes sociaux », de plus en plus fréquents au Honduras.
Des militants menacés de mort
En avril, une journaliste qui avait rapporté les inquiétudes d’une communauté touchée par une autre mine canadienne a été menacée de mort. Impossible de le prendre à la légère : une vingtaine de journalistes ont été assassinés depuis le coup d’État de juin 2009, dans ce petit pays d’Amérique centrale désormais considéré par l’ONU comme le plus meurtrier du monde.
Les militants sont aussi ciblés. « Nous nous attendons à une plus grande répression contre les organismes qui s’opposent aux activités minières. J’ai moi-même reçu des menaces de mort », dit Pedro Landa.
La politique du Canada à l’égard des pays du tiers-monde ne tient absolument pas compte de leur souveraineté, dénonce-t-il. Votre pays ne se préoccupe pas du respect des droits de la personne. Il n’en a que pour le respect de ses intérêts économiques. »
Le cas du Honduras n’est pas unique. Dans plusieurs pays du tiers-monde, la diplomatie canadienne est pratiquement devenue un lobby minier officieux, déplorent plusieurs observateurs critiques interrogés par La Presse.
Chaque année, des ambassades du Canada organisent des ateliers dans une cinquantaine de capitales. Elles invitent des ministres, des fonctionnaires, des financiers. Officiellement, c’est pour faire la promotion de la responsabilité sociale des entreprises, mais en réalité, on y fait surtout la promotion des sociétés minières canadiennes », dit Denis Tougas, de l’ONG montréalaise Entraide missionnaire.
Ottawa admet que des événements de ce genre ont couramment lieu. « Ils font partie du programme normal de sensibilisation et de promotion des intérêts canadiens à l’étranger », selon Caitlin Workman, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Ce n’est probablement qu’une question de temps avant que le Honduras n’adopte une loi minière favorable aux entreprises.
Pour certains, le pays a déjà trop attendu. En avril, le président de l’Association nationale des mineurs du Honduras, Santos Gavino Carbajal, a blâmé Tegucigalpa pour son immobilisme.
Cette hésitation coûte cher, selon lui : 15 000 emplois et 3 milliards de dollars par an. S’il ferme la porte aux grandes sociétés minières, le Honduras ne parviendra jamais à s’extirper de la pauvreté.
L’argument a du poids. Mais au Salvador, pays voisin du Honduras, le gouvernement semble de plus en plus convaincu que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Le sang coule au Salvador
Marcelo Rivera était connu dans la région de Cabañas, au Salvador, pour son militantisme de gauche et son opposition acharnée au projet Eldorado, une mine d’or que projette d’y creuser la société canadienne Pacific Rim.
Les enfants le connaissaient surtout parce que les jours de fête, il prenait plaisir à se déguiser en Cipitio, personnage de légende ventru au large chapeau de paille, célèbre dans ce petit pays d’Amérique centrale.
C’est d’ailleurs une fillette qui a permis à la famille de Marcelo Rivera de retrouver son corps, 12 jours après sa mystérieuse disparition, le 18 juin 2009.
La petite fille avait vu « le monsieur qui se déguise en Cipitio » ligoté et malmené par un groupe d’hommes dans un champ de maïs.
Elle nous a indiqué la maison où Marcelo avait été emmené. Nous avons retrouvé son cadavre au fond d’un puits. Il avait été torturé. Ses ongles avaient été arrachés. Il avait un pouce dans la bouche, comme un signe aux autres de se la fermer », raconte son frère, Miguel Rivera.
Quatre ans plus tôt, Marcelo et Miguel Rivera, préoccupés par le projet de Pacific Rim, avaient visité la vallée de Siria, au Honduras, en compagnie d’une soixantaine d’autres Salvadoriens inquiets.
Ils en étaient revenus convaincus d’une chose : il n’y aurait pas de mine d’or chez eux. Pas de maladies de peau, pas de perte de cheveux. Aucune voiture ne roulerait dans le lit de rivières asséchées.
La visite de la vallée de Siria a été le catalyseur du mouvement antimine au Salvador. Un mouvement efficace, qui a convaincu le gouvernement de suspendre tous les projets miniers. D’ici peu, le Salvador pourrait même devenir le premier pays d’Amérique latine à interdire carrément toute forme d’activité minière sur son territoire.
Les gens peuvent vivre sans or, mais pas sans eau. En rentrant du Honduras, nous avons décidé qu’il fallait agir pour empêcher une catastrophe pareille dans notre pays », raconte Miguel, convaincu que cette décision a signé l’arrêt de mort de son frère.
Marcelo Rivera est un « martyr », selon lui, parce qu’il s’agit du « premier environnementaliste assassiné au Salvador ».
Mais aux yeux de William Gehlen, ancien responsable du projet Eldorado, Marcelo Rivera n’est qu’une victime, parmi des milliers d’autres, de la violence aveugle qui secoue le Salvador depuis cinq ans.
Selon lui, sa mort a été récupérée. On lui a inventé un mobile pour combattre le projet de mine. Et on a rendu Marcelo intouchable.
Plusieurs murales sont consacrées au militant dans la petite ville de San Isidro. Il y est représenté près du révérend Romero, figure mythique de la gauche au Salvador, assassiné en 1980 en pleine guerre civile.
Petit à petit, un mythe se construit aussi autour de Marcelo. Le mystère de sa mort n’a jamais été complètement élucidé, ce qui a sans doute contribué à en faire une légende. Et comme toutes les légendes, celle-ci ne s’embarrasse pas de nuances.
Des meurtres politiques?
L’enquête policière a conclu à un vol qui a mal tourné. Mais ses proches n’en démordent pas : le meurtre de Marcelo Rivera a été commandité par des politiciens locaux, partisans du projet de Pacific Rim, société minière établie à Vancouver.
L’accusation fait bondir William Gehlen. « On a toujours insisté auprès de nos employés : pas de violence. Je suis sûr à 100 % que ce n’est pas un de nos gars qui a fait le coup! »
Il reste que les circonstances du meurtre ont éveillé les soupçons. « Si le mobile n’avait été qu’un vol, les auteurs du crime n’auraient pas pris la peine d’enterrer le corps, puisqu’il règne une impunité quasi totale dans le pays. C’était une commande », tranche Miguel Rivera.
Les membres d’un gang ont bien été condamnés pour le crime, mais cela s’est arrêté là, explique la militante Maria Silvia Guillen. Au Salvador, règle générale, les autorités refusent d’enquêter sur les instigateurs de meurtres parce qu’ils sont riches et puissants. »
Depuis la mort brutale de Marcelo, trois autres opposants de la mine ont été assassinés à Cabañas, dont Juan Francisco Duran Ayala, étudiant tué de deux balles derrière la tête en juin 2011. La veille de sa mort, Juan Francisco avait posé des affiches invitant la population à un atelier antimine. « Comme les autres militants assassinés, il n’avait pas d’autres ennemis que les partisans du projet », assure Francisco Pineda, président du comité environnemental de Cabañas.
Pourtant, la réalité n’est pas aussi tranchée. En fait, certains militants avaient d’autres ennemis, et ce, bien avant l’arrivée de Pacific Rim. Dans cette région frontalière, zone de conflit majeure pendant la guerre civile, l’amertume est toujours vive. Personne n’a oublié les trahisons du passé.
Vendetta familiale
Les photos de Ramiro Rivera et de Dora Rodriguez ornent les affiches des organismes antimine de la région. Officiellement, ce sont deux autres « martyrs de Cabañas », tombés sous les balles de tueurs payés par des partisans de Pacific Rim. Mais en creusant un peu, on s’aperçoit que leur tragique histoire n’est pas si simple.
Quelques mois avant le double meurtre, un couple pro-mine a été assassiné. Depuis des lustres, Horacio et Esperenza Menjivar entretenaient une rivalité politique tendue avec Ramiro et Dora, leurs cousins éloignés. Ce couple relativement aisé était membre de l’Alliance républicaine nationaliste, parti conservateur du Salvador.
La police pense que les meurtres en série qui ont décimé la famille sont le résultat d’une querelle qui pourrissait depuis des années.
Ça n’a rien à voir avec la mine. Les militants utilisent ces meurtres pour manipuler l’opinion, surtout à l’extérieur du pays », dit Ericka Colindres, porte-parole de Pacific Rim au Salvador.
Pacific Rim croyait avoir décroché le gros lot quand elle a découvert un énorme gisement d’or au Salvador. Elle se retrouve bloquée dans une région pauvre, politiquement déchirée, baignée dans une culture de violence et d’impunité.
Ici, tout est politique.
Piocher des champs de mines
Il y a 20 ans, comme les meilleurs gisements avaient déjà été exploités au Canada, notre industrie s’est tournée vers l’exploration dans d’autres coins du monde, rappelle Pierre Gratton, président de l’Association canadienne des mines.
Aujourd’hui, l’industrie réalise que certains pays peuvent être très instables, avec des gouvernements faibles et des sociétés en conflit. On se rend compte que cela peut être très risqué. »
Au Salvador, le contexte était déjà explosif. Le projet de mine d’or, titanesque dans cette région qui n’avait jamais rien connu de tel, a eu l’effet d’une allumette dans un baril de poudre. Les divisions se sont creusées. Les haines anciennes ont redoublé d’intensité. « Quand la société minière est arrivée, elle a acheté les gens, les maires, les députés. C’est là que les conflits ont commencé », dit Vidalina Morales, de l’Association pour le développement économique et social de Cabañas.
Le militant Alejandro Guevarra s’essuie le front d’un air las. Après avoir esquivé des questions embarrassantes au sujet de sa famille, il finit par admettre qu’en effet, ses cousins Ramiro et Dora (les antimines) ont probablement été tués pour venger la mort de Horacio et d’Esperanza (les pro-mines).
Mais leur querelle était directement liée à l’arrivée de la mine, insiste-t-il. Depuis, la paix sociale n’existe plus à Cabañas. Ma nièce et moi, par exemple, nous ne pouvons pas nous retrouver dans la même pièce; nous sommes ennemis. Elle dit qu’en militant contre la mine, j’ai contribué à faire perdre des centaines d’emplois dans la région. »
Vers une interdiction des mines
William Gehlen ne cache pas son amertume. Dix ans de travail pour rien. Dix ans à gérer l’exploration de la mine, à tout faire pour gagner le coeur de la population locale, à mettre sur pied un projet qu’il juge exemplaire.
Dix ans et des dizaines de millions de dollars investis dans l’aventure, pour se retrouver dans cette impasse.
Le plus frustrant, c’est que M. Gehlen sait que Pacific Rim est assis sur un trésor évalué à des centaines de millions, voire plus de 1 milliard de dollars, sans pouvoir donner le moindre coup de pioche.
Quand Pacific Rim a découvert une veine prometteuse à Cabañas, en 2002, le gouvernement en place avait encouragé l’entreprise de Vancouver à poursuivre son exploration.
Mais le mouvement antimine a fait tourner le vent. Bien organisé, il a réussi à lancer un débat national sur les mines au Salvador - et à gagner l’opinion publique à ses arguments. Depuis, le gouvernement a toujours refusé d’accorder un permis d’exploitation minière au projet Eldorado.
Au diable les millions investis dans les programmes scolaires, les cliniques, la construction de maisons. « Nous avons réduit nos dépenses au strict minimum », dit M. Gehlen, Américain originaire du Nevada.
Désormais, seuls 30 employés maintiennent le site. Le matin de notre visite, qui semble avoir été chorégraphiée dans ses moindres détails, ces hommes tuent le temps, vêtus du chandail blanc immaculé de la mine. La phrase « Una oportunidad de trabajo » est brodée sur la manche.
Du travail, la région - et le pays entier - en a bien besoin. La mine Eldorado fournirait 400 emplois directs, et 2000 emplois indirects, pendant de 15 à 20 ans, selon la porte-parole Ericka Colindres. « Nous serions le principal contribuable du Salvador, avec environ 18 millions de dollars de paiements en impôts annuels. »
Surtout, la mine a le pouvoir très concret de sortir de la pauvreté des gens qui manquent de tout. Sergio Hidalgo, 61 ans et père de six enfants, y travaille depuis plusieurs années. « Pour ma famille et moi, cet emploi est une bénédiction. Avant, je n’avais pas de quoi mettre du pain sur ma table. Grâce à ce travail, j’ai pu m’acheter une terre et une maison. »
Et puis, sur le plan écologique, le projet Eldorado sera en tout point exemplaire, assurent les responsables de Pacific Rim : une mine souterraine, de l’eau de pluie pour traiter les dépôts rocheux, bref, un « impact négligeable sur l’environnement local ».
Les militants sont loin d’être convaincus.
Le fait que le sous-sol de Cabañas soit plein d’or est une très mauvaise nouvelle, dit Maria Silvia Guillen. Notre territoire est trop petit, trop vulnérable aux désastres naturels comme les séismes et les glissements de terrain. »
L’équilibre écologique est déjà précaire. Après Haïti, aucun pays ne souffre plus de déforestation que le Salvador. Presque toute l’eau de surface est contaminée par des polluants industriels et agricoles. Dans ce contexte, la contamination du fleuve Lempa, le seul du pays, serait catastrophique.
Ces arguments ont porté. À tel point que le 7 août, le gouvernement de Mauricio Funes a déposé un projet de loi destiné à suspendre toutes les activités minières du pays. Pour l’instant, les conditions ne sont pas réunies pour planter des pioches dans cette terre fragile. Et à moins que cela ne change, l’État pourrait interdire les mines, purement et simplement.
Une poursuite immorale?
Pacific Rim n’entend pas se laisser faire. Dans l’espoir de récupérer son investissement dans le projet Eldorado, l’entreprise de Vancouver poursuit le gouvernement du Salvador pour 77 millions de dollars devant un tribunal d’arbitrage de la Banque mondiale à Washington.
Pacific Rim soutient qu’elle n’a pas eu le choix - et s’estime victime d’une « expropriation ». Mais l’affaire a choqué les autorités salvadoriennes. Elles considèrent cette poursuite comme une attaque contre la souveraineté d’une nation pauvre, qui se relève à peine d’une guerre civile dévastatrice.
« Tous les pays souverains ont le droit de décider quel secteur économique ils veulent encourager. Nous avons le droit de décider quelles lois guideront notre secteur minier », martèle Daniel Rios, responsable des enjeux juridiques au ministère de l’Économie du Salvador.
Avec cette poursuite, l’intérêt affiché de Pacific Rim pour le développement économique du Salvador perd toute crédibilité, estime Jennifer Moore, de Mines Alerte Canada. « Le Salvador a déjà dépensé plus de 5 millions pour se défendre, dit-elle. C’est de l’argent qui aurait pu être consacré à des programmes d’éducation… »
Il est clair que le seul objectif de Pacific Rim est le profit, dit Maria Silvia Guillen. On ne peut attendre des entreprises qu’elles soient guidées par des valeurs morales. Il reste à savoir combien de temps le gouvernement du Salvador sera capable de résister à leurs pressions. »
Les fausses promesses
Une route de terre battue, pleine de bosses et de trous, grimpe dans une montagne, à une heure de la mine tanzanienne de North Mara. Au bout de la route, un toit de chaume nous indique une présence humaine. C’est là qu’Anton Harrison a creusé trois puits qui s’enfoncent de 50 mètres dans la terre. Des hommes y descendent au moyen d’une corde, pour puiser de l’or.
Il y a 20 ans, Anton Harrison piochait dans une carrière de North Mara. Quand Eastern African Gold Mines a pris possession de la mine dans les années 90, il a perdu son gagne-pain. Comme des dizaines d’autres mineurs artisanaux.
La société a promis de les indemniser, mais « ce n’étaient que des promesses ».
Anton Harrison a mis longtemps avant de trouver un nouvel endroit où piocher. Ici, la terre n’est pas très riche en or. En trois semaines, il n’a extirpé qu’une vingtaine de kilogrammes de cailloux. De quoi produire à peine 12 g d’or.
Anton Harrison affirme ne pas « détester », pour autant, la mine gigantesque qui a remplacé sa riche concession d’autrefois. Mais il aimerait qu’elle soutienne les petits orpailleurs pour qu’ils gagnent mieux leur vie.
Il y a des années que Barrick Gold discute d’un tel projet avec les mineurs artisanaux. On y est presque, assure la direction de la mine. Anton Harrison aimerait bien y croire, lui qui attend ce jour depuis près de 20 ans.
Changer les façons de faire
Mais même sans indemnisation, les mines ne contribuent-elles pas au développement économique des pays, par leur seule présence? C’est ce que pense Robert Fowler, ex-diplomate canadien qui siège aujourd’hui au sein du comité de responsabilité sociale de Barrick Gold.
Robert Fowler connaît bien l’Afrique. Assez pour constater que l’aide internationale ne l’a pas propulsée vers la prospérité. « Pourquoi ne pas essayer quelque chose qui a fonctionné pour le Canada? Notre pays s’est développé grâce aux investisseurs étrangers qui sont venus ici pour les fourrures et les mines. »
Illusion, rétorque Bonnie Campbell, professeure d’économie politique à l’UQAM. En Afrique, en tout cas, les mines n’ont pas servi de locomotive au développement économique.
Peut-on changer cette donne? Oui, pense Mme Campbell, et c’est du continent africain lui-même que viendra peut-être la solution. Plus précisément de la « Vision minière africaine », démarche adoptée en 2009 par les chefs d’État de l’Union africaine. Cette approche n’est pas hostile aux investissements miniers, mais cherche à maximiser leurs retombées et à empêcher qu’après leur départ, les mines ne laissent derrière elles qu’un trou vide et des mauvais souvenirs.
Concrètement, cela signifie qu’au lieu de saupoudrer leur voisinage d’écoles et de cliniques, les sociétés minières transformeraient les métaux qu’elles arrachent à la terre sur place, ce qui créerait une industrie locale. Qu’elles s’approvisionneraient chez les producteurs locaux. Qu’elles verseraient plus de redevances sur leurs profits.
Les sociétés ont un problème de légitimité. Ce que les pays où elles s’installent voient d’elles, c’est qu’elles viennent chercher les ressources, et s’en vont après », dit Bonnie Campbell.
Et justement, l’aventure africaine de Barrick Gold tire peut-être à sa fin.
Deux millions d’onces d’or ont été produites à North Mara depuis l’ouverture de la mine, il y a 10 ans. Les résultats sont inégaux. Au cours des six premiers mois de 2012, African Barrick Gold a réalisé des bénéfices d’exploitation de 147 millions de dollars, contre 233 millions durant la même période un an plus tôt.
La société a promis d’investir 10 millions dans la communauté au cours des trois prochaines années. Mais avec des résultats financiers décevants, aura-t-elle la volonté de réaliser ses promesses? La question se pose d’autant plus que la société est sur le point de perdre les rabais fiscaux par lesquels la Tanzanie attire les investisseurs étrangers.
Barrick Gold vient d’entreprendre des négociations avec une société chinoise pour la vente de ses quatre mines tanzaniennes. Et le cas échéant, il est loin d’être acquis que les nouveaux propriétaires de North Mara respecteront les engagements de leurs prédécesseurs.
Les projets miniers sont par définition éphémères. Les entreprises viennent et s’en vont. Mais les communautés touchées par ces projets restent, pour le meilleur ou pour le pire.
***
Le Canada dans le camp des sociétés minières
Le Canada ne fait rien pour forcer les sociétés minières à adopter de meilleures pratiques à l’étranger. Au contraire. Il s’oppose à toute forme de contrôle réglementaire.
Depuis sa création en 2009, le bureau chargé de faire enquête sur de possibles violations des droits de la personne commises par des sociétés minières canadiennes à l’étranger n’a ouvert que deux dossiers.
Dans l’un de ces dossiers, la société minière torontoise Exelon a cessé de collaborer à l’enquête, sous prétexte qu’elle prêtait foi à des allégations non fondées contre l’entreprise.
Il n’en fallait pas plus pour que le dossier tombe à l’eau.
Le gouvernement de Stephen Harper avait créé ce poste de « conseillère en responsabilité sociale » en réponse à ceux qui l’exhortaient à mieux encadrer les activités minières canadiennes dans les coins les plus reculés du monde.
Mais le chien de garde n’a pas de dents. Il n’a aucun pouvoir d’enquête. Les entreprises ne sont pas forcées de collaborer. Si une partie refuse de participer au processus, la plainte est abandonnée.
Ce genre d’approche fonctionne seulement quand les gens sont engagés et souhaitent participer », admet la conseillère Marketa Evans, dont le bureau jouit d’un budget annuel de 650 000 $.
Ce bureau a été créé pour échouer. Quelle entreprise consentira à collaborer à une enquête si elle a quelque chose à cacher? C’est une farce », raille le député libéral John McKay, auteur du défunt projet de loi privée C-300, qui devait réguler l’industrie.
Selon ses détracteurs, le gouvernement Harper fait tout pour ne pas importuner la puissante industrie extractive, déjà cajolée par de généreux congés fiscaux et par des subventions de toutes sortes.
Il y a quelques mois, une controverse monstre a éclaté sur les millions dépensés par l’Agence de coopération et de développement international (ACDI) pour financer les projets de collaboration entre des ONG et des sociétés minières canadiennes à l’étranger.
Un mariage contre nature aux yeux de Denis Tougas, d’Entraide missionnaire. « Ces ONG pourront-elles dénoncer les injustices dont elles seront témoins? », demande M. Tougas, qui a refusé toute collaboration avec des entreprises. C’est contre nos principes de base. Nous sommes censés défendre les droits de la personne. »
Mais ces principes coûtent cher aux ONG. Les plus critiques, comme Développement et Paix, ont vu leur financement de l’ACDI fondre des deux tiers, passant de 8 à 2,9 millions de dollars pour les cinq prochaines années. « On a eu l’impression que notre campagne contre les mines a dérangé. C’est sûr qu’ils n’ont pas aimé ça », dit Marry Duran, de Développement et Paix.
Aucune règle pour les entreprises
Le projet de loi C-300 du député McKay prévoyait de retirer le financement gouvernemental aux entreprises qui auraient été reconnues coupables de violations à l’étranger.
Le lobby minier a dépensé des centaines de milliers de dollars pour le combattre, en embauchant les meilleures firmes de relations publiques et en multipliant les rencontres avec les ministres, députés et hauts fonctionnaires.
L’industrie craignait surtout que des accusations frivoles ne ternissent sa réputation et que des règles supplémentaires ne la rendent moins compétitive à l’étranger.
Le projet de loi a été battu de justesse, en troisième lecture, en octobre 2010. Et les sociétés minières ne sont toujours soumises à aucune règle, mis à part celles, souvent très faibles, des pays dont elles exploitent les ressources, déplore M. McKay.
Ces entreprises sont souvent implantées dans des régions isolées, loin des centres de pouvoir, dans des pays en voie de développement. Elles ne sont pas seulement l’économie de la région, elles sont aussi la loi de la région. »
En l’absence de législation, des communautés se sont tournées vers les tribunaux canadiens dans l’espoir d’obtenir justice. Mais cette voie est aussi semée d’obstacles. Jusqu’ici, les rares poursuites se sont soldées par des échecs, car les tribunaux ont jugé qu’ils n’ont pas juridiction pour entendre des causes qui se sont déroulées à des milliers de kilomètres.
***
Responsabilité sociale ou relations publiques?
La société canadienne Goldcorp n’a pas laissé que des pierres et de l’amertume dans la vallée de Siria, au Honduras.
Depuis la fermeture de la mine, en 2008, le site a été transformé en « club écotouristique ». Le campement des mineurs a été converti en hôtel de 31 chambres, avec piscine et court de tennis.
On organise des randonnées d’observation de la faune et de la flore. Des daims gambadent dans leur enclos; ils seront bientôt relâchés dans la nature. Sans oublier les tilapias qui frétillent dans les anciens bassins contaminés au cyanure, convertis en étangs d’élevage.
Pour Carolina Rodriguez, directrice de la fondation qui gère l’après-Goldcorp, l’entreprise a surtout laissé de l’espoir. « C’était le seul employeur de la région. Après son départ, Goldcorp nous a aidés à prendre soin de cet endroit. »
Aujourd’hui, dit-elle, la fondation offre du travail à une quarantaine de personnes. C’est 10 fois moins que ce qu’offrait la mine - et ce n’est toujours pas rentable -, mais cela reste le plus important employeur de la vallée.
Les efforts de Goldcorp au Honduras ne sont pas hors du commun. La responsabilité sociale des entreprises est devenue incontournable au sein de l’industrie extractive canadienne, reconnaît Pierre Gratton, président de l’Association des mines du Canada.
Par le passé, les mines étaient loin, les gens nous ignoraient, et cela faisait bien notre affaire. Avec la mondialisation, l’internet et une société beaucoup plus informée, nous ne pouvons plus agir ainsi. Nous devons nous ouvrir davantage sur le monde. »
Les critiques n’y voient qu’une opération de relations publiques. « La responsabilité sociale des entreprises, c’est une invention des sociétés occidentales pour se donner une légitimité et avoir accès aux ressources », dénonce Denis Tougas, de l’ONG montréalaise Entraide missionnaire.
D’autres sont plus indulgents. De plus en plus, les sociétés minières reconnaissent qu’elles ne peuvent plus agir en vase clos, constate Philippe Oxhorn, directeur de l’Institut pour l’étude du développement international à l’Université McGill. Le problème, c’est qu’elles ne se donnent pas toutes les moyens d’adopter des mesures qui feront une réelle différence.
Trop souvent, les efforts de responsabilité sociale n’apportent rien aux communautés touchées par les mines. Pire, ces projets font parfois plus de mal que de bien.
Un hôpital neuf… et vide
Leoncia David est administratrice de l’hôpital Sungu Sungu, à Nyangoto, village voisin de la mine de North Mara en Tanzanie. Elle nous guide fièrement à travers les bâtiments qui composent ce complexe médical fraîchement rénové par Barrick Gold.
Cet hôpital a longtemps servi de mauvais exemple d’engagement social d’une société minière. Construit par le premier propriétaire de la mine, il n’avait ni électricité ni eau courante. Il était à peine fonctionnel.
Barrick Gold l’a raccordé à l’électricité, a ajouté quelques bâtiments et le branchera bientôt à son usine d’épuration des eaux.
Il ne manque qu’une chose : les patients. Nous y avons croisé deux malades souffrant de malaria et une poignée de femmes sur le point d’accoucher. C’est tout. C’est qu’en Tanzanie, les gens paient pour recevoir des soins. Beaucoup hésitent à consulter un médecin, à cause des coûts. Le bel hôpital risque de rester inaccessible pour la majorité.
Les projets de responsabilité sociale peuvent créer des problèmes au lieu de les régler, prévient Graham Denyer Willis, directeur du Centre canadien d’étude des conflits liés aux ressources naturelles. Quand les mines construisent des écoles ou des hôpitaux, elles peuvent créer des inégalités. »
Certains projets donnent bonne conscience, admet Lawrence Masha, ancien sous-ministre tanzanien de l’Énergie et des Minéraux. Le gars à Toronto est content parce que des écoles sont construites en Tanzanie. Mais ça ne répond pas aux besoins immédiats des gens. »
Il ne croit pas pour autant que l’harmonie entre les sociétés minières et la population locale soit impossible. « Mais la population doit voir les bénéfices. Les gens veulent des emplois et ils veulent de l’argent dans leurs poches. »
***
L’homme lézard de North Mara
Mwikwabe Mwita a la peau crevassée comme celle d’un crocodile. Il souffre de démangeaisons et se gratte sans arrêt. Ça dure depuis neuf ans. Depuis, selon lui, le jour où il est allé se laver dans un puits voisin du bassin où décantent les eaux usées de l’usine d’or de la mine North Mara.
À 69 ans, cet homme qui vit à quelques centaines de mètres de la mine ne voit pas le jour où il cessera de souffrir. Et pour lui, cette souffrance est due à des substances toxiques qui se seraient échappées du bassin de résidus de la mine de Barrick Gold.
Mwikwabe Mwita a-t-il vraiment été contaminé par les rejets toxiques de North Mara? Rien ne permet de tirer cette conclusion. Même le Conseil chrétien de Tanzanie, qui s’était occupé de le faire soigner à l’époque où il est tombé malade, évite de faire le lien, en attendant la publication prochaine d’un rapport sur le sujet.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’au printemps 2009, le bassin de résidus a laissé accidentellement fuir des métaux lourds libérés par les dynamitages successifs dans les carrières de North Mara. Cette fuite a contaminé le sol et les cours d’eau voisins.
La société assure avoir apporté les correctifs nécessaires pour éviter la répétition de tels événements. Après la fuite toxique, le gouvernement tanzanien a exigé que l’usine ne rejette plus ses eaux sans traitement dans la nature. La société a fait construire une usine d’épuration qui attend les dernières approbations avant sa mise en marche.
Tout va bien, dit la mine. Mais… il y a des mais. Des chercheurs de l’Université norvégienne des sciences de la vie constatent des taux élevés de métaux lourds, dont de l’arsenic, dans les sédiments et les eaux près de North Mara.
Une autre étude, menée par l’Université d’Oslo, note des taux anormalement élevés d’arsenic dans les cheveux et les ongles de villageois du coin.
La contamination des sédiments peut être liée aux caractéristiques naturelles des lieux, ou aux fertilisants utilisés en agriculture, rétorque la mine.
Même s’il n’y a plus de déversement toxique, ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de contamination. Il ne suffit pas de colmater les brèches, il faut aussi nettoyer », plaide le biologiste Mkwabwa Manoko, de l’Université de Dar es-Salaam.
Dans les villages voisins de la mine, les gens parlent de voisins malades, d’animaux morts. Et pour Mwikwabe Mwita, le bassin de résidus reste dangereux. « Ici, tout le monde a peur de cette eau. »
Le niveau de pollution autour de la mine fait controverse. La peur, elle, est une réalité.
***
Des conflits dans le monde entier
Papouasie-Nouvelle-Guinée
Au printemps 2009, une offensive militaire a tourné au désastre sur le site de la mine Porgera, exploitée par le géant canadien Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Évictions forcées, meurtres, viols collectifs; les allégations se bousculent, relayées par des ONG crédibles comme Amnistie internationale. Barrick Gold a reconnu que de graves violations avaient été commises par ses propres agents de sécurité privée. Après avoir mené une enquête, l’entreprise a renvoyé les employés fautifs et a promis d’améliorer la sécurité sur le site.
République démocratique du Congo
En octobre 2004, des militaires congolais ont été envoyés à Kilwa pour y mater une rébellion. L’opération a viré au massacre : 70 personnes ont été tuées, selon une enquête de l’ONU. Les proches des victimes soutiennent qu’Anvil Mining a fourni un soutien logistique à l’armée congolaise. L’entreprise réplique que les militaires ont réquisitionné le matériel. À l’époque, un bureau d’Anvil Mining était situé à Montréal. Appuyées par des ONG, les victimes ont lancé un recours collectif contre la minière au Canada. La Cour suprême annoncera bientôt si elle accepte d’entendre leur cause.
Argentine
Depuis des mois, les habitants du village de Famatina se battent contre un projet de mine d’or à ciel ouvert mené par la société québécoise Osisko (aussi propriétaire de la mine de Malartic, en Abitibi). L’entreprise assure que « sans acceptabilité sociale, aucun travail ne sera fait ». Afin de s’en assurer, un tribunal argentin a ordonné en juillet la suspension du projet jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur la protection des glaciers nationaux.
Roumanie
Cela devait être une bonne nouvelle pour la Roumanie. Des investisseurs étrangers projetaient de rouvrir une mine d’or de l’ère communiste - et d’injecter 19 milliards de dollars dans l’économie du pays, l’un des plus pauvres d’Europe. Pourtant, le projet de mine Rosia Montana traîne en longueur depuis une décennie. Malgré les promesses d’emplois, l’opposition est féroce. Près d’un millier de familles devront être déplacées. Un site patrimonial sera réduit en poussières. Sans compter les risques de pollution que pose la technique d’extraction au cyanure.
Guatemala
En mars 2011, 11 femmes mayas ont entamé une poursuite au Canada contre Hudbay Minerals, pour les viols collectifs dont elles disent avoir été victimes après avoir résisté à leur expulsion forcée du site d’une mine de nickel. Une seconde poursuite concerne le meurtre d’un militant, Adolfo Ich, qui aurait été battu, puis tué d’une balle dans la tête par le chef de la sécurité de la mine, Mynor Padilla, en septembre 2009. Trois ans plus tard, la police vient tout juste d’arrêter M. Padilla et de l’accuser de meurtre.
Mexique
Dans la petite ville de San José del Progreso, il y a deux postes de taxis : un pour ceux qui soutiennent la mine, et un autre pour ceux qui sont contre. Il y a aussi deux écoles, deux garderies. En fait, la présence de la mine exploitée par Fortuna Silver a coupé la ville en deux, tant elle a divisé ses habitants. Parfois, les heurts sont mortels. Des groupes armés des deux camps s’affrontent dans la rue. Un prêtre qui s’opposait au projet a été enlevé et battu. Depuis janvier, deux autres militants ont été tués.
Bolivie
En août, la Bolivie a pris le contrôle du gisement qu’explorait depuis cinq ans la société canadienne South American Silver. Un mois plus tôt, le président Evo Morales avait fait part de son intention de suspendre les activités de la mine, après qu’un autochtone eut été tué dans de violents affrontements avec la police. Depuis son élection en 2006, Evo Morales nationalise le pétrole et les mines exploitées par des multinationales. Le président espère en faire profiter son peuple - l’un des plus pauvres d’Amérique latine.
L’industrie canadienne à l’étranger
129 milliards : Valeur des actifs miniers canadiens à l’étranger (2010), répartis dans 1000 sociétés minières dans 100 pays. C’est plus de deux fois la valeur des actifs canadiens au Canada.
Principales régions où se situent les actifs miniers canadiens (2010) :
Amérique latine et Caraïbes : 34 %
Canada : 31 %
Afrique : 14 %
États-Unis : 8 %
Asie : 7 %
Europe : 4 %
Océanie : 2 %
Source : Ressources naturelles Canada
Mines canadiennes à l'étranger
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé