« On est meurtris, on est blessés, on est même un peu détruits. » – Un gilet jaune

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La répression des gilets jaunes de plus en plus dénoncée


Samedi marque la 12e mobilisation consécutive pour les gilets jaunes en France. À Paris, les manifestants promettent de mettre en tête de cortège des gens blessés par les policiers. Les armes et les tactiques utilisées par les forces de l'ordre sont de plus en plus contestées. Témoignage.




Il y a des sons auxquels les gilets jaunes ont habitué les Français en 12 semaines de mobilisation… comme les cris « Macron démission! »


Les policiers nous ont aussi habitués à des sons… De gros boums et de petits pops! Et des fumées grises de gaz lacrymogènes.



Le premier son est une grenade de désencerclement... Le second, plus creux, celui d'une balle de caoutchouc tirée en direction des manifestants.


Des armes utilisées pour tenter de contrôler des foules parfois violentes. Des armes dont l'utilisation mène souvent à des cris de détresse.


« Ils lui ont crevé l'œil! L'œil, il est éclaté! » Des cris souvent anonymes, enregistrés par les téléphones cellulaires qui captent aussi des images de sang, de victimes et de leurs blessures.


Un policier français en tenue antiémeute tient un fusil éclair alors que des manifestants prennent part à une manifestation du mouvement des « gilets jaunes » sur la place de la Bastille à Paris.Un policier français en tenue antiémeute tient un fusil éclair alors que des gilets jaunes prennent part à une manifestation place de la Bastille à Paris. Photo : Reuters / Benoit Tessier

Des chiffres qui ne sont que des estimations


Depuis le début des manifestations, on dénombre des centaines de blessés. Il y en aurait plus de mille chez les policiers, et encore plus chez les manifestants. Il n'existe pas de nombre officiel. Selon les estimations de journalistes français, il faut déplorer une centaine de blessés graves dans la population. Car bien sûr, ce sont les manifestants qui sont le plus durement touchés.


Des blessures à la tête, aux yeux, des mains arrachées. Et souvent, les victimes sont des gens qui n'ont pas le profil de casseurs violents.


Prenez Dominique Pontonnier et sa famille. Ils ont fait deux heures de route pour manifester à Paris fin novembre. Un geste pour aider ceux « dont on ne parle jamais ».


Après quelques heures dans la capitale, le groupe de 7 (tous des adultes) s'est retrouvé coincé sur des Champs-Élysées remplis de gaz lacrymogènes.


« J'avais l'impression qu'il pleuvait. Non pas des gouttes d'eau, explique la mère dans la cinquantaine, mais des espèces de capsules [de gaz lacrymogènes]... on ne pouvait pas respirer. »


Un boum et tout bascule


Rapidement, le groupe décide de partir. « On était dans un endroit très calme. Florent, mon fils, a voulu faire une vidéo et à ce moment-là, ça a explosé. »


Un boum enregistré par le téléphone cellulaire de Florent. Une petite seconde au cours de laquelle plusieurs vies ont basculé.


Florent « s'est retourné, et son frère [Gabriel] avait la main arrachée. Mutilée, en fait. Mais pour lui, elle était arrachée. »


Plus que les images, le son de cette vidéo est difficile à entendre. Les cris allant crescendo, la détresse croissante. On ne voit pas la main ensanglantée de Gabriel. Mais on imagine.



Le temps s'est arrêté. Tout se passait au ralenti. On était dans une guerre. Je crois qu'on était en guerre, ouais, en France…


Dominique Pontonnier


Gabriel, 21 ans, a perdu trois de ses doigts. Et la mémoire de ces heures de détresse.


Des mains dont une recouverte d'un pansement.Gabriel Pontonnier, 21 ans, a perdu trois de ses doigts en participant à une manifestation des gilets jaunes à Paris. Photo : Ingrid Pontonnier

Une question sans réponse


Comme celles de son fils, les nuits de Dominique Pontonnier sont hantées par des cauchemars. Ses journées marquées par une question lancée aux autorités.


« Il va falloir qu'ils expliquent que, sur là où il ne se passe rien, on puisse envoyer des bombes lacrymogènes et des grenades qui peuvent tuer. Parce que mes enfants ont failli être tués. Il faut utiliser des mots. Il va falloir qu'ils expliquent... »


La mère suspend sa phrase. La réponse qu'elle cherche ne vient pas.


Pour l'instant, les forces de l'ordre se contentent de citer le niveau de violence à laquelle elles sont confrontées pour justifier les armes et les gaz utilisés.


Une explication validée par le plus haut tribunal administratif de France. Vendredi, le Conseil d'État a refusé de suspendre l'utilisation des lanceurs de balles de caoutchouc.


Dominique Pontonnier et sa famille ne seront pas des prochaines manifestations de gilets jaunes, trop occupés à panser les blessures, à digérer les événements de novembre. À s'ajuster.


« On est tous à fleur de peau », explique-t-elle. « On est meurtris, on est blessés. On est même un peu détruits… »


La famille ne cherche pas l'attention; la mère prend le temps d'avertir les autres : « Si toutefois quelqu'un venait me dire : “je vais manifester”, je lui dirais “fais attention à toi”. Fais attention à toi, parce que c'est dangereux de manifester, aujourd'hui en France. »




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