Texte publié sur le site MONDIALISATION le 14 avril 2009
Barack Obama expose à Prague son credo contre la prolifération nucléaire
(Le Monde, mardi 7 avril 2009)
En lisant ce titre, j’ai eu un pressentiment. Je me suis arrêtée quelques
instants pour écouter le bruit des moteurs de l’avion qui me ramenait de
Paris à Montréal. Il y avait quelque chose de rassurant dans ce
ronronnement…
Depuis le 11 septembre 2001 et jusqu’à l’élection de Barack Obama, les
États-Unis ont été la nation la plus haïe au monde. Pourtant, la planète
entière a été atterrée devant une catastrophe humaine d’une telle ampleur.
Avec la diffusion en boucle des images de l’attaque du World Trade Center,
le peuple américain s’était gagné la sympathie de tous. Mais
l’administration de Georges W. Bush n’a pas su en profiter pour instaurer
des liens plus sains avec les autres pays. Au contraire, elle n’a cessé de
s’isoler en créant un climat de peur chez les Américains et les Américaines
et en déclarant une guerre au terrorisme, au nom de laquelle elle allait
intervenir militairement en Irak et en Afghanistan. Pour ce faire, les
États-Unis se sont basés sur la stratégie du 1 %, conçue par Dick Cheney,
selon laquelle s’il existe seulement 1 % de possibilité qu’une quelconque
menace pèse sur la sécurité de la nation, cette possibilité doit être
considérée comme une certitude .
La peur est une arme puissante et permet nombre de débordements : le
Patriot Act, les arrestations et les détentions arbitraires, Guántanamo,
les vols secrets de la CIA (dans lesquels 14 pays européens ont été
impliqués), le cas de Lynne Stewart (avocate accusée de soutien au
terrorisme pour avoir défendu le Sheik Omar Abdel Rahman), les atteintes
aux libertés civiles, en sont des exemples parmi d’autres. Avec la fin de
l’ère Bush, la planète entière a poussé un soupir de soulagement. L’arrivée
d’Obama au pouvoir a suscité un engouement sans mesure. Non seulement Obama
est noir, et son élection prouve, qu’au fond, les Américains sont bons et
justes, mais en plus il est jeune, beau et charismatique. Il est le symbole
d’une nouvelle Amérique dans laquelle les noirs sont enfin reconnus comme
des citoyens à part entière. Cette élection, acclamée à l’échelle
planétaire pour des motifs relevant davantage des émotions que de la
raison, a transformé du jour au lendemain l’image des États-Unis. La nation
guerrière devenait un exemple de démocratie. Barack Obama est né d’un père
musulman, ses origines multiethniques et son parcours n’ont rien de commun
avec ceux de ses prédécesseurs. Son élection atteste donc de la bonne
volonté et de la remarquable capacité d’adaptation états-uniennes.
Je me suis demandée, et je suis certaine que je ne suis pas la seule,
comment Obama allait survivre à cette élection. Au sens propre et au sens
figuré. J’ai même craint qu’il soit assassiné par l’Amérique réactionnaire.
Je me suis dit qu’avec les attentes qu’on avait de lui, il allait forcément
décevoir. Mais tel n’est pas le cas, du moins à ce jour. Un homme politique
ne se fait pas seul, il est la création de volontés conjointes de
différents intérêts, souvent purement mercantiles. Barack Obama ne fait pas
exception à la règle. Il a été porté au pouvoir par le monde de la
politique, des affaires et le complexe militaro-industriel. Obama n’a pas
les mains libres. Même si l’homme est sympathique, il n’en est pas moins la
marionnette des différents intérêts que je viens de mentionner. Son credo
contre la prolifération nucléaire lui a été dicté dans le but de rehausser
l’image ternie des États-Unis en affichant une volonté pacifiste jamais vue
chez les dirigeants américains. L’Amérique de Bush a tué sans compter,
celle d’Obama guérira les plaies en promettant paix et coopération.
L’hégémonie américaine subsiste, car ce sont les États-Unis qui, une fois
de plus, mènent la danse. Et ce, même si Nicolas Sarkozy s’agite
désespérément sur la scène internationale.
Le pseudo pacifisme d’Obama est bien illusoire, mais nombreux sont ceux
qui tombent dans le panneau. Proposer un désarmement nucléaire qui n’aura
pas lieu du vivant du président américain, comme il est le premier à le
dire, est une façon astucieuse pour les États-Unis de conserver leur rôle
de « gardien » du monde et de rester chef des opérations militaires à
l’échelle de la planète. Au lieu de frapper l’ennemi, ils l’acculeront.
Comme nous le savons tous, aujourd’hui, l’ennemi, c’est l’Iran. Les pays
occidentaux, États-Unis en tête, refusent l’arme nucléaire à l’Iran, mais
se contentent de vagues promesses à très long terme en ce qui concerne
l’élimination de leurs propres armes nucléaires. Obama a beau affirmer que
son but ultime est un monde dénucléarisé, il ne propose pas que son pays
donne l’exemple en se débarrassant de son arsenal nucléaire. Il concède à
l’Iran le droit au nucléaire civil tout en déclarant haut et fort que
l’Iran constitue une menace en raison de son programme nucléaire. De toute
évidence, les voies de la diplomatie sont insondables…
La réaction de Téhéran était prévisible et ne s’est pas fait attendre « La
répétition de ces accusations semble contredire le slogan de changement »,
a déclaré à juste titre Hassan Qashqavi, porte-parole du ministère des
Affaires étrangères iranien. En fait, rien n’a changé, les États-Unis et
l’Europe veulent continuer à dominer la planète et l’Iran demeure le bouc
émissaire. En prétendant œuvrer pour la conciliation, Obama et ses
supporters européens ne font que poursuivre le même objectif : démoniser et
acculer l’Iran. Si ce dernier refuse la main tendue, il prouvera, une fois
de plus, qu’il est le méchant, autorisant ainsi les États-Unis à l’attaquer
pour le bien et la sécurité de tous. Pendant ce temps, Israël pourra
menacer quotidiennement l’Iran avec ses armes nucléaires… Par contre,
Téhéran n’est pas autorisée à se défendre et à éventuellement recourir à la
force. Probablement que les voies insondables de la diplomatie font la
différence entre les « méchants » et les « gentils », sans espoir de
rédemption pour l’Iran, condamné à brûler en enfer, quoi qu’il fasse.
Non, je ne crois pas au pseudo pacifisme des États-Unis et Obama n’est pas
parvenu à me convaincre de ses bonnes intentions. Il ne peut y avoir de
paix tant qu’il existera un déséquilibre de cette taille entre les pays. La
paix ne sera possible qu’au prix de l’équilibre de la force nucléaire.
L’arme nucléaire pour tous ou pour personne.
Claude Jacqueline Herdhuin
Scénariste, assistante-réalisatrice, auteure
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Obama pacifiste superstar
Barack Obama expose à Prague son credo contre la prolifération nucléaire
Tribune libre 2009
Claude Jacqueline Herdhuin25 articles
Auteure, assistante-réalisatrice, scénariste (française immigrée au Québec depuis 20 ans)
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