Les syndicats opposés à la réforme des retraites appellent les Français à se mobiliser à nouveau le 10 décembre pour inciter Édouard Philippe à retirer son projet de système universel. Par Marc Landré
Surtout battre le fer quand il est chaud! Fortes du succès jeudi de la mobilisation contre la réforme des retraites (806.000 manifestants dans toute la France, du jamais-vu pour une première journée de conflit prévu pour durer), les organisations syndicales opposées à la réforme n’ont pas perdu de temps pour remettre le couvert. Réunies vendredi au siège de FO, elles ont décidé d’appeler les Français à une nouvelle journée interprofessionnelle d’actions… mardi prochain, collant ainsi à la date déjà choisie par les enseignants pour reconduire leur mouvement.
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Leur mot d’ordre est limpide: le retrait pur et simple de la réforme qu’Édouard Philippe a prévu de dévoiler mercredi au Conseil économique social et environnemental (Cese). «Il faut retirer ce texte qui va individualiser le système de retraite, qui va accroître la pauvreté dans ce pays», jure Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, qui appelle plutôt à consolider l’actuel système par répartition qu’il juge comme «le meilleur système de retraite au monde». Éléments de langage à l’appui. «Si on veut réduire les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, il ne faut pas changer le système de retraite, il faut les payer comme les hommes pendant qu’elles travaillent, il faut supprimer l’écart de salaire entre femmes et hommes», admoneste le patron de la centrale de Montreuil, qui estime avoir marqué des points après sa démonstration de force le 5 décembre.
«Nous sommes déterminés, ce n’est pas un mouvement d’humeur de quelques jours!», abonde Bernadette Groison, la secrétaire générale de la FSU, première fédération chez les enseignants et proche de la CGT. «Ce qui est important, c’est que lundi la question de la mobilisation soit maintenue, y compris dans la grève parce que l’expérience passée nous l’a démontré, ça ne suffirait pas de donner quelques rendez-vous comme ça, abonde Yves Veyrier, son homologue de FO. On sait que même réussie, une journée ne suffit pas.» Dont acte.
Il n’y a en effet aucune chance que les agents de la SNCF et de la RATP, qui ont reconduit leur mouvement jusqu’à lundi matin, décident de rentrer dans le rang et de reprendre le travail
Aucune amélioration n’est, en tout cas, à attendre avant la fin de semaine prochaine. Et la reprise du travail lundi pour de nombreux salariés restés chez eux ces derniers jours en prévision d’un conflit programmé de longue date s’annonce d’ores et déjà apocalyptique. Il n’y a en effet aucune chance que les agents de la SNCF et de la RATP, qui ont reconduit leur mouvement jusqu’à lundi matin, décident de rentrer dans le rang et de reprendre le travail. Pas avec un Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, qui doit présenter le même jour ses conclusions définitives après le round de concertation auprès des partenaires sociaux, de réunions avec les régimes concernés et de consultation auprès des citoyens qu’il a conduit depuis août. Et pas non plus avec une nouvelle journée de mobilisation nationale d’action, dans le privé et le public, programmée pour le lendemain, à la veille des annonces du premier ministre. «Face à l’obstination dogmatique du gouvernement, la CGT encourage les salariés à renforcer et élargir les grèves reconductibles dans tous les secteurs d’activité», prévient la centrale radicale juste avant la nouvelle semaine qui va débuter.
Pas question, c’est clair, d’arrêter en si bon chemin. Les représentants des différentes centrales au sein de l’intersyndicale, que la CFE-CGC a rejointe ce vendredi (sans pour autant signer le communiqué final), ont d’ores et déjà prévu de se revoir «le 10 décembre au soir pour les suites rapides à donner au mouvement». Personne dans leurs rangs ne s’attend à une ouverture mercredi du premier ministre qui irait dans leur sens. L’engagement d’Édouard Philippe de prévoir des «transitions progressives» pour mettre en œuvre le système universel promis, notamment pour les salariés de la SNCF et la RATP dont il ne juge «pas raisonnable, pas acceptable, pas juste de changer les règles en cours de partie», ne vaut en effet rien à leurs yeux.
Bref, le conflit qui a démarré jeudi n’en est très probablement qu’à ses débuts et devrait encore durer. Et c’est l’opinion qui, au final, fera pencher la balance du côté du gouvernement par exaspération des blocages ou des syndicats par rejet d’un projet de réforme encore trop abscons pour eux.