En 2016, vous avez fait une étude sur la sécurité de Notre-Dame de Paris . Pourquoi cette enquête et quelles ont été vos conclusions ?
Paolo Vannucci : Il s’agissait d’un projet financé par le CNRS, dans le cadre d’une étude sur le thème « attentats recherches ». Nous avons étudié Notre-Dame pour deux raisons. D’abord parce que nous savions déjà à l’époque que Notre-Dame était une vraie cible pour les terroristes. Si on veut s’attaquer à quelque chose à Paris, c’est à cette cathédrale, qui est la deuxième église au niveau mondial après Saint-Pierre. Et puis, parce que nous avions aussi un relevé de tout le bâtiment fait par un scientifique américain. Ce relevé, qui a été publié sur la Toile, nous a facilité la tâche notamment pour mesurer la cathédrale. Finalement, notre rapport a été classé « confidentiel défense ». Le gouvernement Valls a estimé que rien ne devait filtrer des résultats de notre recherche, considérée comme« sensible » compte tenu des données que nous avions insérées dans ce rapport et aussi, des risques d’inspiration que nous avions également évoqués.
Dans cette étude, vous aviez aussi évoqué les risques d’incendie et le manque de dispositifs anti-feu, surtout au niveau des combles…
Nous avions dit en effet qu’en cas d’attaque, le risque d’un embrasement de la toiture existait et qu’il fallait absolument la protéger et installer un système d’extinction. En vérité, il n’y avait pratiquement aucun système anti-incendie, notamment dans les combles où il n’y avait aucun système électrique pour éviter les risques de court-circuit et d’étincelle. J'imagine qu’on avait installé quelque chose de provisoire dans le cadre des travaux de réfection, mais je n’en suis pas sûr. Au niveau de la charpente, lorsque nous avons fait notre recherche, il n’y avait aucune protection. Seulement un point d’eau dans la petite cour située entre les deux tours, donc à l’extérieur de la charpente. Nous avions donc alerté le CNRS sur les risques d’incendie. Nous avions aussi dit que même la foudre aurait pu déclencher un feu et qu’il fallait donc installer tout un système de prévention.
Avez-vous le sentiment qu’un choix a été fait, que l’on a décidé de ne pas protéger la toiture à cause du risque d’inspiration pour une possible attaque que vous aviez décrite ?
Le CNRS, donc l’Etat qui avait financé la recherche, a par définition des droits sur la recherche, il peut donc tout à fait décider de la classer confidentiel ou d'accepter de la publier. Pour nous, cette décision a été désastreuse car nous avions beaucoup travaillé mais je comprends que l’Etat ait dit qu’il s’agissait d’une donnée sensible. En revanche, je ne comprends pas que l’on ne dise pas : d'accord, nous avons un rapport certes sensible mais que nous pouvons tout de même utiliser. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Je n’ai pas la réponse. A un moment donné, nous avons cessé de discuter avec le CNRS car nous avons compris que c’était inutile, nous nous sommes sentis impuissants. Nous avions également organisé une réunion au ministère de l’Education nationale et il y avait des représentants de plusieurs ministères. Par conséquent, le gouvernement était tout à fait au courant.
La mairie de Paris était-elle au courant de vos conclusions ?
J’ai contacté la mairie de Paris, qui accorde chaque année des bourses de doctorat pour financer des projets d’étude concernant la ville. En 2017, j’ai téléphoné pour proposer un projet de recherche sur la sécurité de Notre-Dame. Deux heures après, on m’a répondu que c’était impossible car Notre-Dame, ce n’est pas l’affaire de la mairie de Paris !
Et maintenant ?
Je voudrais maintenant lancer une recherche sur la cathédrale après
l'incendie. Dans notre précédent rapport, nous avions déjà évoqué
l'impact du vent, qui pourrait menacer désormais la structure
fragilisée de la cathédrale…