Nettoyage identitaire à Québec

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Le rouleau compresseur de l'économie va être utilisé pour justifier tous les reculs sur nos acquis culturels, politiques, sociaux et économiques, et accélérer notre soumission à la Constitution de 1982 et à l'assimilation

On ne peut pas contester au gouvernement Couillard son efficacité dans le nettoyage identitaire de l’État québécois. Assermenté il y a six jours à peine, les symboles sont forts.
Au premier jour, on avait déjà noté que le nouveau gouvernement avait sciemment choisi de faire présider la cérémonie d’assermentation par le reliquat impérial qu’est le lieutenant-gouverneur et avait fait faire l’appel des ministres par un militaire.
La désignation des ministères était également forte de sens symbolique. Sur la langue, le ministre n’était plus responsable, comme avant, de la Charte de la langue française (qui a des aspects contraignants) mais simplement de la Protection et de la promotion de la langue française (qui peut être facultative).
La ministre de l’immigration a eu pour le titre de ministre de La diversité et de l’inclusion. En prêtant serment en deux langues, elle a bien indiqué que l’inclusion pouvait se faire dans la langue officielle de son choix.
On a ensuite appris du ministre Yves Bolduc qu’il allait mettre plein gaz sur l’anglais intensif en 6e année du primaire. Rappelons que le gouvernement précédent n’avait pas aboli la mesure mais avait simplement ralenti le rythme d’implantation, à la demande des éducateurs et des spécialistes, qui estimaient que la méthode rouleau-compresseur libérale était contreproductive. Elle est de retour, l’anglais ne peut pas attendre la formation des maîtres et les distinctions à faire entre élèves aptes à suivre le cours et ceux qui ont des difficultés linguistiques, en français par exemple.
On apprenait aussi que le cours d’histoire au Cégep allait passer à la trappe. Ce n’est pas une « vraie affaire », voyez-vous.
Puis on a appris que les Chaires de recherches associées à la Politique nationale de recherche et d’innovation qui touchaient les thèmes de la langue et de l’histoire étaient abolies. « Les gens veulent qu’on s’occupe des vraies affaires », a expliqué le ministre Yves Bolduc, ne pensant même pas faire de l’humour.
Il faut prendre note: les vraies affaires n’incluent ni l’histoire, ni la langue, ni le développement de connaissances sur les relations internationales du Québec (une des chaires projetées).
Lors de l’annonce des Chaires par Pierre Duchesne et Marie Malavoy, Philippe Couillard avait tonné: « On ne peut malheureusement pas faire confiance au Parti québécois pour mener des débats de ce genre sur la société québécoise dans leur arrière-pensée qui consiste à diviser la population et à nous amener vers un autre référendum ».
Or les sommes prévues pour ces chaires étaient comptabilisées dans le budget global de la Politique de recherche et les titulaires et leurs projets auraient été choisis, comme les autres, par des jurys indépendants. MM. Couillard et Bolduc étaient pressés d’abolir celles-là, et aucune des chaires et investissements prévus dans les autres champs d’activité.
Rien ne les empêchait de revoir les libellés et de s’assurer de l’impartialité des jurys pour écarter le spectre du complot référendaire, si tant est que l’identité québécoise leur tenait un tantinet à cœur.
Mais comme le dit justement ma collègue Véronique Hivon, les Libéraux ne cherchent pas, là, des économies, ni même à faire la chasse aux profs séparatistes: « Est-ce que c’est plutôt parce que ces chaires portent sur des thèmes identitaires comme la langue et l’histoire et que tous ces mots-là seront désormais bannis par le gouvernement? »
Ce n’est qu’un début. L’argument économique sera repris encore et encore pour amincir tout ce qui se rapproche. La « Révision permanente des programmes » qu’on nous annonce servira, aussi, à ça.

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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