François Legault aime se réclamer de Maurice Duplessis. En septembre 2021, dans un échange avec Gabriel Nadeau-Dubois, il disait ceci du chef unioniste: «il avait beaucoup de défauts, mais il défendait sa nation». Le premier ministre rétorquait à Gabriel Nadeau-Dubois, lequel avait candidement admis son peu d’intérêt à défendre les compétences du Québec. Legault l’avait accusé d’être un woke.
On comprend ce dernier de vouloir se comparer à Duplessis. Si à certains égards son bilan est éminemment discutable, il brille au palmarès pour la défense de notre autonomie. Il a mis sur pied l’impôt provincial en 1954, en forçant Ottawa à reculer dans ce dossier. Deux ans plus tôt, Duplessis avait forcé nos universités à refuser des subsides d’Ottawa, l’éducation étant une compétence exclusive des provinces. Ces subventions étaient «anticonstitutionnelles». Comment Legault se compare-t-il à son prédécesseur?
Restons sur l’exemple de l’enseignement supérieur. Depuis plusieurs années, Ottawa arrose de millions dollars nos chercheurs et nos universités, à condition qu’ils étudient le racisme systémique. Par exemple, le budget fédéral de 2021 prévoit 12 millions de dollars pour un programme intitulé «Initiative sur le genre, la race et la diversité». Par ailleurs les fédéraux octroient des chaires de recherche qui permettent aux universités d’obtenir de l’argent et de faire des embauches. Ottawa impose toutefois des critères méthodologiques et intervient directement dans le processus d’embauche.
Deux exemples. À l’Université Laval, un poste lié à une chaire en histoire est affiché récemment. Seuls les individus s’identifiant comme autochtones, handicapés, racisés ou encore les femmes peuvent postuler. L’Université Laval explique qu’elle est tenue d’agir ainsi à cause du gouvernement fédéral.
Celui-ci précise que pour obtenir une chaire, les établissements «doivent être proactifs dans l’identification des obstacles systémiques (racisme, capacitisme, sexisme, discrimination) et leur élimination de leurs politiques et milieux de travail». En somme, les universités québécoises doivent reconnaître officiellement l’existence du racisme systémique en leur sein pour avoir l’argent des fédéraux.
Le programme de chaire s’accompagne d’ailleurs d’un guide sur la diversité auquel les chercheurs doivent se plier, faute de quoi ils perdront leur chaire. Ceux-ci ne doivent pas commettre de «micro-agression», c’est-à-dire offenser des minorités, notamment par le fait de «minimiser les effets de la race».
Tous les recteurs d’universités québécoises se plient à ces exigences, même si elles sont incompatibles avec la liberté académique et avec la méthode scientifique, laquelle a fait le succès de l’Occident. Cette situation est ironique puisque ces mêmes recteurs dénoncent l’intention du gouvernement québécois de protéger la liberté académique dans l’enseignement supérieur.
À son époque Maurice Duplessis avait mis les recteurs au pas. Si une université acceptait un dollar d’Ottawa, elle se voyait couper d’un dollar l’argent versé par Québec. Toutes s’étaient conformées. Aujourd’hui, nos universités sont sous influence idéologique fédérale, laquelle menace les standards de recherche.
La main sur le cœur, Legault parle de défendre la nation et pourfend l’idéologie woke. Sauf qu’il ne fait rien pour défendre notre autonomie en éducation.
Comme dit notre premier ministre, le chef unioniste avait ses défauts. Mais sa défense des compétences québécoises ne se limitait pas à des discours.